Brazzaville célèbre sa première cohorte Genius
Huit semaines d’intenses sessions de formation, des journées entières consacrées à la compréhension de la chaîne de valeur, à la maîtrise des registres fiscaux ou encore à la stratégie marketing digitale : c’est le parcours qu’ont suivi, dans la capitale congolaise, les quarante-cinq participantes de la première promotion du programme Genius. Réunies au Centre d’innovation de Mpila, elles ont reçu leurs attestations sous le regard attentif de Jacqueline Lydia Mikolo, ministre des Petites et Moyennes Entreprises, d’Adama Dian Barry, représentante résidente du Programme des Nations unies pour le développement, et de Flavie Lombo, présidente de la Chambre nationale des femmes cheffes d’entreprises et entrepreneures du Congo.
Au-delà du cérémonial, la rencontre a sonné comme un passage de témoin entre les institutions et ces nouvelles cheffes d’entreprise appelées à « transformer l’essai » sur le terrain économique. « Nous disposons désormais des outils pour formaliser nos projets, dialoguer avec les banques et conquérir de nouveaux marchés », confie Melina Murielle Mpourou, jeune promotrice d’une unité de transformation agroalimentaire.
Un incubateur dédié aux ambitions féminines
Genius se présente comme un incubateur à la fois pédagogique et opérationnel. Le programme associe coaching individuel, ateliers collectifs et suivi post-formation afin de sécuriser les premiers pas des bénéficiaires dans un environnement compétitif. Les modules vont de la levée de fonds à la rédaction d’un business plan, en passant par la gestion des flux de trésorerie et l’accès à la commande publique, un marché encore trop peu exploré par les entreprises dirigées par des femmes.
Flavie Lombo rappelle que l’incubateur répond à une demande pressante, documentée par plusieurs études du PNUD : moins de vingt pour cent des PME formellement enregistrées au Congo sont dirigées par des femmes, alors que celles-ci concentrent une part substantielle de l’activité informelle. « Le défi consiste à transformer un potentiel latent en croissance visible », souligne-t-elle.
Synergie gouvernement-PNUD : levier financier déterminant
La signature, le même jour, d’un accord de partenariat entre la Chambre nationale des femmes entrepreneures et le PNUD confère au dispositif un appui financier et technique majeur. Le chèque inaugural remis par l’agence onusienne symbolise l’engagement d’un bailleur appelé à cofinancer l’accompagnement de mille entrepreneures sur trois ans. « Nous ne voulons pas créer une dépendance mais catalyser un écosystème où banques commerciales, capital-investisseurs et assurances prennent le relais », expose Adama Dian Barry.
Pour le gouvernement, Genius sert de pilote à la stratégie nationale de développement des PME. La ministre Jacqueline Lydia Mikolo insiste sur « l’effet multiplicateur sur la création d’emplois locaux, notamment pour la jeunesse urbaine ». Le soutien public se matérialisera par des facilités fiscales et un guichet unique simplifié pour les bénéficiaires qui souhaiteront formaliser leurs structures.
Cap sur la diversification géographique du programme
Après Brazzaville, la caravane Genius mettra le cap sur Oyo, dans la Cuvette, avant de s’étendre à Pointe-Noire puis Dolisie. L’objectif est de tenir compte de la diversité économique des départements. À Oyo, la filière agricole domine ; à Pointe-Noire, les services liés au port en eau profonde requièrent des compétences spécifiques. Chaque étape adaptera donc le socle de formation aux réalités locales, tout en conservant le tronc commun financier et managérial.
Cette stratégie décentralisée répond à la volonté présidentielle de réduire les disparités régionales et de favoriser un développement endogène. « Le territoire national n’a de cohérence économique que si chaque zone libère son propre potentiel », rappelle un conseiller du ministère de l’Économie interrogé en marge de la cérémonie.
Enjeux macroéconomiques du leadership féminin
Derrière l’accompagnement individuel, Genius porte un enjeu macroéconomique : accroître la contribution des femmes à la formation du produit intérieur brut. Selon les estimations de la Banque mondiale, l’égalité d’accès aux ressources productives pourrait ajouter jusqu’à trois points de croissance annuelle au Congo. Les bénéficiaires de la première cohorte, attendues sur le terrain dans les prochains mois, constitueront un baromètre de cette ambition collective.
À moyen terme, l’impact se mesurera aussi en termes de résilience. En diversifiant la base productive, notamment vers l’agro-industrie locale et les services à forte valeur ajoutée, les nouvelles cheffes d’entreprise contribueront à amortir les chocs liés à la volatilité des matières premières. Dans un contexte international incertain, l’économie congolaise gagnera à s’appuyer sur un tissu entrepreneurial féminin consolidé, capable d’exporter son savoir-faire régionalement.
Perspectives et attentes de la jeunesse brazzavilloise
Pour de nombreux jeunes de Brazzaville, le programme agit comme une vitrine inspirante. L’Institut national de statistique estime que plus de soixante pour cent de la population a moins de trente-cinq ans ; offrir des modèles entrepreneuriaux féminins crédibles contribue à redéfinir les ambitions professionnelles. « Voir des femmes monter des entreprises performantes dans le numérique comme dans l’agro-industrie change notre perception du possible », confie Rodrigue, étudiant en gestion.
Les organisateurs misent sur cet effet d’entraînement pour bâtir une culture entrepreneuriale inclusive. L’avenir dira si la marque Genius deviendra, pour la nouvelle génération, synonyme d’audace raisonnée et de succès partagé.