Un dernier hommage national
Brazzaville s’est recueillie ce 17 septembre autour du cercueil de Vital Balla, disparu le 24 août à 89 ans. Dans la chapelle ardente érigée au cimetière du centre-ville, les couronnes se sont entassées tandis qu’un silence dense enveloppait parents, officiels et anonymes.
Du siège communal de Mpila jusqu’aux allées pavées de la nécropole, le cortège a rappelé la stature nationale de ce cofondateur du Parti congolais du travail, ancien conseiller du chef de l’État et infatigable artisan de l’amitié entre les peuples.
Les honneurs du Parti congolais du travail
Dans la cour du siège du PCT, rubans rouge et vert flottaient sous la voix grave de Pierre Moussa, son secrétaire général. « Une icône s’en va », a-t-il lancé, la main posée sur l’emblème du parti, avant d’entonner avec les militants l’hymne de la formation fondée en 1969.
Ida Victorine Ngampolo, membre du comité d’honneur, a dressé une oraison minutieuse retraçant soixante années de combat politique. Pour elle, Vital Balla reste « une lumière de tolérance et d’humanisme » dont le parcours doit guider « la jeune génération avide de service public ».
A l’issue des chants, le drapeau frappé du marteau, de la houe et du livre s’est incliné trois fois, signe de gratitude. Les anciens du parti, conscients de perdre l’un des derniers témoins de la création, ont promis de transmettre son exigence de discipline militante.
Présence diplomatique et solidarité internationale
Deux visages amicaux se sont avancés près du cercueil : Indira Napoles Coello, ambassadrice de Cuba, et Laura Evangelia Suárez, son homologue du Venezuela. Leurs bouquets rappelaient les années où Vital Balla représentait Brazzaville à La Havane, défendant activement la coopération Sud-Sud.
« Il a tissé un pont solide entre nos peuples », a souligné la diplomate cubaine, évoquant les accords médicaux et universitaires signés dans les années 1970. Son homologue vénézuélienne a, elle, salué « la voix d’un patriote convaincu que la paix est le meilleur passeport ».
Une carrière jalonnée de responsabilités
Né le 13 décembre 1936 à Madingou, dans la Bouenza, Vital Balla avait gravi chaque échelon avec la patience d’un bâtisseur. D’agent de maîtrise en 1956, il devient administrateur en chef des SAF, puis ingénieur chargé de maintenir les lourdes machines industrielles du pays naissant.
La diplomatie lui ouvre ensuite ses portes : ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire à Cuba en 1976, il parfait sa connaissance des enjeux mondiaux. Parallèlement, il cofonde en 1986 l’Organisation nationale des volontaires pour le développement, convaincu que la jeunesse est le moteur des transformations.
Député en 1989, membre du Conseil supérieur de la République lors de la transition de 1991, puis médiateur de la République en 1992, il achèvera son parcours comme conseiller chargé de missions auprès du président de la République en 2011, rôle qu’il tiendra avec discrétion.
Artisan de paix et d’amitié entre les peuples
Élevé à la dignité de président à vie de l’Association congolaise d’amitié entre les peuples, Vital Balla animait encore récemment des conférences sur la tolérance. Ses collaborateurs le surnommaient « notre Mandela maison », reflétant sa capacité à rassembler au-delà des clivages idéologiques.
Rémi Floria Massamba, président départemental de l’Acap-Brazzaville, a rappelé que leur guide « a porté haut le drapeau du Congo ». Dans son hommage, il a décrit une « bibliothèque vivante » dont les conseils continueront d’orienter les programmes d’échanges culturels et humanitaires.
Son engagement pour la paix s’était également exprimé au sein du comité national de suivi de l’Accord de cessation des hostilités de 1999. Là encore, il prônait le dialogue, armé d’une conviction simple : « Les armes s’usent, la parole demeure », aimait-il rappeler aux jeunes médiateurs.
Un héritage transmis aux générations montantes
Dans l’enceinte du cimetière, le glas des tambours traditionnels a scellé son départ tandis que les plus jeunes militants brandissaient des pancartes promettant de perpétuer sa vision. L’image a frappé les esprits : l’histoire et l’avenir se croisaient au-dessus de la tombe fraîchement refermée.
Les universitaires de Marien-Ngouabi prévoient déjà un colloque consacré à sa contribution au droit public africain. Dans la même veine, l’Assemblée nationale devrait baptiser une salle de commission à son nom, initiative appelée de leurs vœux par plusieurs députés de la majorité.
Plus qu’un adieu, la cérémonie aura ainsi ouvert un chantier mémoriel. Les orateurs ont insisté sur l’importance d’archiver ses correspondances diplomatiques, jugées précieuses pour éclairer l’histoire contemporaine du Congo et la place que celui-ci souhaite occuper dans le concert des nations, notamment pour les chercheurs et les étudiants.
En refermant le portail du cimetière, chacun semblait mesurer le poids du legs. Vital Balla n’appartiendra plus qu’aux livres, mais l’esprit de service qu’il plaçait au-dessus de tout continue de souffler sur la politique congolaise, rappelant que loyauté et ouverture vont de pair.
Le prochain congrès ordinaire du PCT, attendu l’an prochain, devrait consacrer une session spéciale à sa mémoire, selon un cadre du parti. L’occasion, dit-il, de « résumer ses convictions en un programme d’action moderne » afin que les futures initiatives sociales portent son empreinte.