Une trajectoire forgée entre multilatéralisme et ancrage africain
Née dans une famille ouverte sur le monde, formée d’abord à Paris puis à Addis-Abeba, Françoise Joly appartient à cette génération de diplomates qui ont appris à conjuguer rigueur académique et sens du terrain. Passée par les bancs de l’Institut des hautes études internationales avant d’intégrer la Commission de l’Union africaine, elle s’est familiarisée avec les complexités d’un multilatéralisme où se croisent normes juridiques, intérêts nationaux et sensibilités culturelles. Ce capital relationnel, soigneusement entretenu, explique largement la confiance que lui a accordée le président Denis Sassou Nguesso lorsqu’il lui confia le portefeuille de conseillère spéciale chargée des partenariats internationaux.
Positionner Brazzaville comme carrefour de la diplomatie verte
L’un des apports les plus visibles de la diplomate demeure sa capacité à inscrire le Congo dans les négociations climatiques globales. Sous son impulsion, Brazzaville est devenu siège du Bassin du Congo-Ogooué Climate Commission, structure applaudie par les Nations unies pour sa méthodologie d’inventaire carbone. « Son sens du dossier forestier a permis de mettre le Congo sur la carte des solutions africaines », confie un haut fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères. Les financements obtenus auprès du Fonds vert pour le climat, notamment pour la préservation des tourbières de la Cuvette centrale, témoignent d’une stratégie où l’expertise scientifique côtoie le plaidoyer politique, sans jamais heurter les lignes rouges de souveraineté fixées par le chef de l’État.
Les partenariats stratégiques conclus avec le Golfe
Si la dimension environnementale structure son action, c’est bien le pilier économique qui confère à Françoise Joly sa stature de négociatrice. En 2023 elle cosigna avec Abu Dhabi Development Holding un protocole d’accord portant sur la modernisation de deux ports fluviaux et la création d’un hub logistique sous-régional. Selon une source proche du dossier, cette entente pourrait générer, à terme, jusqu’à 1,2 milliard USD d’investissements et plusieurs milliers d’emplois. Le choix des Émirats arabes unis ne relève pas du hasard : l’objectif est de diversifier les partenaires au-delà des circuits traditionnels francophones, tout en captant des compétences technologiques compatibles avec la transition énergétique.
Résister aux attaques et déconstruire les stéréotypes
Un tel parcours ne pouvait laisser indifférent. Au cours des derniers mois, des propos à connotation sexiste et xénophobe ont émergé sur les réseaux sociaux, remettant en cause aussi bien son origine que sa légitimité. Françoise Joly a répondu par un bref communiqué appelant « au triomphe du mérite sur l’anathème » et rappelant le socle constitutionnel de l’égalité. L’absence de surenchère verbale, saluée par plusieurs observateurs, contraste avec la violence symbolique de certains messages. Pour une société congolaise traversée par des débats sur la place des femmes dans la haute fonction publique, cette controverse agit en miroir : elle met en lumière les progrès accomplis et ceux qu’il reste à consolider.
Un laboratoire pour la jeune génération diplomatique
Au-delà de sa personne, la trajectoire de Françoise Joly sert de cas d’école aux recrues de l’Académie de la diplomatie de Kintélé. Sa faculté à bâtir des coalitions Sud-Sud, tout en maintenant un dialogue constructif avec Bruxelles et Pékin, illustre les marges de manœuvre dont disposent désormais les États de taille moyenne. Un professeur invité, spécialiste des négociations énergétiques, résume ainsi la leçon : « Le Congo prouve que la cohérence de la politique extérieure dépend moins de la surface économique que de la qualité des relais humains. »
Renforcer la cohérence institutionnelle et les prochaines étapes
Plusieurs chantiers attendent la conseillère spéciale. L’harmonisation des régimes fiscaux appliqués aux nouvelles zones économiques avec les engagements climatiques est l’un des plus complexes. Un groupe de travail interministériel a été créé pour produire, avant la fin de l’année, une matrice coûts-bénéfices susceptible de guider les arbitrages présidentiels. En toile de fond, la perspective d’un sommet extraordinaire de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, prévu à Brazzaville, offre une tribune supplémentaire au Congo pour projeter ses priorités régionales.
Dans ce contexte mouvant, la sérénité affichée par Françoise Joly semble indiquer une conscience aiguë des responsabilités qui l’attendent. Loin de se laisser distraire par des attaques de surface, elle poursuit une feuille de route articulée autour d’une conviction : le poids diplomatique d’un pays se mesure à la lisibilité de sa vision. Pour l’heure, cette vision demeure en phase avec la stratégie de développement définie par le président Denis Sassou Nguesso, combinant diversification économique, diplomatie climatique et stabilité régionale.