Une réforme d’ensemble expliquée
Sur le campus central, les discussions tournent autour d’un même sujet : la nouvelle grille tarifaire rendue publique fin août par l’Université Marien-Ngouabi. L’augmentation atteint 100 % au niveau licence et suscite, selon plusieurs étudiants rencontrés, « incompréhension et inquiétude ».
La direction parle toutefois d’une « restructuration comptable » destinée à fusionner les frais d’inscription, de carte d’étudiant et de délivrance de diplômes jusqu’ici payés séparément. Officiellement, il n’y aurait pas de charge nouvelle, mais la perception d’un choc financier demeure.
Réactions étudiantes et sociales
Du côté des organisations estudiantines, la prudence domine. Aucun communiqué formel ne condamne le dispositif, mais des assemblées générales sont annoncées. « Nous voulons écouter d’abord toutes les parties », confie Valentin Opimbat, coordinateur du Collectif des étudiants, qui refuse pour l’instant tout appel à la grève.
Plusieurs apprenants soulignent le contexte : la bourse d’études, fixée à 36 000 francs CFA mensuels, accuse parfois deux à trois mois de retard. Cette tension budgétaire personnelle rend chaque franc supplémentaire décisif, d’où l’émoi causé par la note rectorale.
Les justifications du rectorat
Le professeur Théophile Okandzi, secrétaire général de l’université, rappelle que l’établissement public accueille plus de 45 000 étudiants pour un budget annuel inférieur à 14 milliards de francs CFA. « Les besoins pédagogiques explosent : laboratoires, bibliothèques, numérique. Il faut des ressources stables », argumente-t-il.
Selon la direction générale de l’Enseignement supérieur, l’État couvre encore près de 80 % des dépenses courantes liées aux salaires et aux infrastructures. L’indexation partielle des frais sur le coût réel d’un cursus serait, affirme le ministère, un levier pour consolider l’autonomie financière des facultés.
Pouvoir d’achat et comparaisons régionales
À l’échelle régionale, les droits universitaires demeurent relativement faibles. Au Gabon voisin, l’inscription en licence s’élève à l’équivalent de 40 000 francs CFA. Au Cameroun, elle avoisine 50 000 francs. Marien-Ngouabi resterait donc parmi les moins chers, argument avancé par les services financiers.
Pourtant, le niveau de vie congolais diffère de celui de Libreville ou Douala. Selon la Banque mondiale, le revenu par habitant stagne autour de 2 300 USD. « Comparer des chiffres sans tenir compte du pouvoir d’achat n’est guère pertinent », réplique l’économiste Albert Mombé, enseignant-chercheur à la faculté des sciences.
Regards des acteurs académiques
Sur le terrain, les associations d’enseignants observent la situation avec prudence. « Nous soutenons tout dispositif capable d’améliorer les conditions de travail, mais nous restons attentifs à la dimension sociale », déclare Gisèle Ngassi, secrétaire du Syndicat de l’enseignement supérieur, qui évoque la nécessité d’un fonds d’exonération pour les plus vulnérables.
La Conférence épiscopale, souvent active sur les sujets sociaux, invite à « un dialogue franc entre étudiants, rectorat et tutelle ». Dans un communiqué, elle souligne que l’université publique est un ascenseur social crucial et que toute décision tarifaire doit préserver l’égalité des chances.
Cadre réglementaire et défis structurels
Interrogé sur Radio Congo, le ministre de l’Enseignement supérieur, Delphin Lekoundzou, rappelle que le décret fixant les nouveaux droits date déjà de 2019 mais n’avait pas été appliqué à cause de la pandémie. « Nous ne demandons pas un supplément, seulement l’exécution d’un texte existant », insiste-t-il.
Pour certains observateurs, la question renvoie plus largement à la soutenabilité du modèle universitaire congolais. Les effectifs ont doublé en dix ans tandis que le tiers des salles de cours a besoin de réhabilitation. Sans nouvelles sources de financement, le risque de dégradation pédagogique plane.
Diversifier les sources de financement
Plusieurs pistes complémentaires émergent. Un partenariat envisagé avec la Banque africaine de développement porterait sur la construction d’un Centre d’excellence en numérique à Mfilou. Des entreprises locales explorent, de leur côté, le mécénat de laboratoire. Ces initiatives pourraient limiter l’ampleur future des ajustements tarifaires.
En attendant, le calendrier académique prévoit la rentrée le 2 octobre. Le rectorat promet un guichet spécial pour échelonner les paiements. D’anciens lauréats, réunis dans l’Association des diplômés de Marien-Ngouabi, annoncent un fonds de solidarité afin de parrainer les cas les plus précaires.
Perspectives d’un pacte universitaire
Dans les couloirs, on évoque la possibilité d’un forum national sur la gouvernance universitaire. Les parties prenantes pourraient y définir un pacte financier, un calendrier d’investissement et des mécanismes de régulation des frais. L’ambition affichée : hisser Marien-Ngouabi au rang des pôles d’excellence d’Afrique centrale.
À court terme, la situation reste ouverte. Si le rectorat maintient le nouveau barème, il devra convaincre que la qualité de l’offre académique suivra la même pente ascendante. Pour les étudiants, l’équation est simple : payer plus est envisageable, à condition de recevoir nettement mieux.
Les économistes rappellent qu’une université performante favorise la diversification économique, priorité inscrite dans le Plan national de développement 2022-2026. « Former des ingénieurs compétents devient stratégique pour sortir de la dépendance pétrolière », analyse Mireille Tchikaya, consultante basée à Pointe-Noire.
Dans ce contexte, plusieurs étudiants regrettent le manque de communication initiale. Une note explicative détaillant ce qui sera financé par la hausse pourrait, selon eux, apaiser les tensions. La transparence budgétaire s’impose comme un premier geste de confiance, préalable à toute réforme durable.