Une initiative privée au service de la jeunesse
Un vendredi matin humide d’août, vingt-cinq nouveaux bacheliers ont franchi les grilles fraîchement peintes du Foreign Languages Training Center, dans le quartier Djiri. Leur objectif est clair : acquérir, sans rien débourser, les bases solides de l’anglais pour naviguer plus aisément dans un marché de l’emploi mondialisé.
À l’origine de cette initiative se trouve Parfait Iloki, secrétaire permanent du Parti Congolais du Travail chargé de la communication et des nouvelles technologies. En décidant de financer personnellement les frais pédagogiques, il souhaite, dit-il, « offrir un tremplin linguistique à une génération ambitieuse ».
Le geste s’inscrit dans une dynamique nationale qui fait de la jeunesse le moteur de la diversification économique. Depuis plusieurs années, les autorités encouragent l’apprentissage des langues étrangères pour accompagner le développement des services, du tourisme et du numérique, autant de secteurs identifiés comme porteurs de croissance inclusive.
Le FLTC, laboratoire linguistique
Inauguré discrètement en 2021, le Foreign Languages Training Center aligne déjà un taux de satisfaction élevé parmi ses premiers inscrits. Ses salles modulables, équipées de tableaux interactifs et d’une connexion haut débit, permettent des simulations d’entretien et des conversations Skype avec des locuteurs natifs basés à Nairobi ou à Lagos.
Pour cette session, deux jeunes diplômées du département d’anglais de l’Université Marien-Ngouabi prennent les commandes pédagogiques. Elles alternent grammaire contextualisée, jeux de rôle et analyse de vidéos virales, afin que les apprenants associent immédiatement la langue à des situations professionnelles ou culturelles concrètes.
Les stagiaires suivent également un module d’initiation aux outils numériques en nuage, indispensable pour rédiger un courriel, mettre à jour un profil LinkedIn ou suivre à distance un cours supplémentaire. Les enseignants insistent sur l’orthographe, rappelant que la crédibilité passe d’abord par des messages sans faute.
À mi-parcours, un test blanc style TOEFL permettra d’évaluer la progression. Les résultats seront communiqués individuellement, dans une logique d’accompagnement plutôt que de classement. « Nous voulons qu’ils identifient leurs lacunes pour mieux les combler », explique Merveille Kibangou, l’une des formatrices, sourire aux lèvres.
Un marché de l’emploi qui se mondialise
Selon le cabinet Deloitte Afrique centrale, plus de soixante pour cent des offres d’emploi qualifié à Brazzaville exigent aujourd’hui un niveau d’anglais opérationnel. Les secteurs pétrolier, logistique et fintech recrutent des profils capables de négocier, de coder ou de dépanner en anglais sans intermédiaire.
Pour nombre de parents, l’initiative de Parfait Iloki représente donc un gain financier appréciable. Les cours privés oscillent habituellement entre quarante et quatre-vingts mille francs CFA par mois, soit une somme hors de portée pour bien des familles dont le revenu se concentre encore sur l’essentiel.
La formation gratuite arrive par ailleurs à un moment où plusieurs entreprises sous-régionales planifient d’installer à Brazzaville des centres de services partagés. Pour ces recruteurs, disposer immédiatement de jeunes bilingues crédibles limite les coûts d’expatriation et participe à la création d’emplois locaux durables.
Motivation et accompagnement des apprenants
Tous les matins, les stagiaires signent une feuille de présence électronique, preuve de leur assiduité. En cas d’absence non justifiée, un rappel téléphonique est déclenché. « La discipline fait partie de l’apprentissage, au même titre que la phonétique », insiste Roland Ondzelo Ngoua, coordonnateur adjoint du centre.
Les apprenants disposent également d’un tutorat collectif en fin d’après-midi, moment où ils préparent des exposés sur la culture congolaise en version anglaise. L’exercice valorise leurs racines tout en stimulant la confiance. Les meilleurs orateurs pourraient être sélectionnés pour représenter le centre lors d’une future conférence régionale.
Côté motivation, un partenariat a été établi avec une start-up locale développant un jeu mobile en 3D. Les stagiaires prêteront leur voix aux personnages secondaires, expérience rémunérée permettant d’appliquer immédiatement la prononciation apprise et d’obtenir une première ligne valorisante sur leur curriculum vitae.
Vers une pérennisation du modèle
Roland Ondzelo Ngoua affirme que la session pourrait s’étendre jusqu’en novembre, à condition que la motivation reste intacte. Des discussions sont déjà engagées avec un opérateur télécom pour sponsoriser une cohorte plus large l’année prochaine, preuve qu’un écosystème favorable commence à se structurer.
Interrogé sur la possibilité d’ouvrir ces cours à des jeunes n’ayant pas obtenu le baccalauréat, Parfait Iloki se montre prudent. Il souhaite d’abord mesurer l’impact de cette première expérience avant d’élargir le public, afin de garantir un accompagnement sérieux et des résultats mesurables.
Pour les vingt-cinq participants, la remise des certificats prévues fin septembre marquera une étape symbolique. Mais le véritable test viendra plus tard, lorsqu’ils postuleront à un stage ou créeront leur entreprise. Beaucoup espèrent que cette formation leur ouvrira des portes que ni l’audace ni le diplôme seul n’auraient déverrouillées.
De leur côté, les responsables du FLTC envisagent de publier un rapport d’impact assorti de statistiques anonymisées et de témoignages d’anciens stagiaires. Ce document pourrait servir de référence aux bailleurs internationaux intéressés par des projets d’insertion socioprofessionnelle axés sur la maîtrise de l’anglais.