Départ de FLNG Nguya: étape clé énergétique
Le 26 août, le navire-usine FLNG Nguya a levé l’ancre à Shanghai sous le regard du ministre congolais des Hydrocarbures, Bruno Jean Richard Itoua, et du vice-président d’Eni, Stefano Maione, marquant une avancée majeure pour la stratégie gazière nationale.
Fruit de la phase 2 du projet GNL du Congo, la plateforme rejoindra d’ici fin 2024 l’unité Tango déjà opérationnelle au large de Pointe-Noire, portant la capacité totale de liquéfaction à 3 millions de tonnes par an.
Technologie et délai records
Construite en 33 mois chez l’ingénieriste CIMC Raffles, Nguya intègre des turbines basse émission et un système zéro torchage, aligné sur les engagements climatiques congolais tout en maximisant la valorisation du gaz associé.
L’ingénierie s’appuie sur un procédé à boucle fermée capable de liquéfier 2,4 MTPA, une performance saluée par l’Association technique gazière qui souligne la robustesse et la flexibilité d’une unité dimensionnée pour les conditions côtières du golfe de Guinée.
Partenariats public-privé renforcés
Le projet est porté par un trio éprouvé : la société nationale SNPC, le major italien Eni et le groupe Lukoil. Ensemble, ils partagent risques et capitaux, tout en s’appuyant sur le cadre d’incitation fiscal adopté par Brazzaville en 2022.
Pour Bruno Jean Richard Itoua, cette structure « prouve qu’un partage équilibré de la valeur peut attirer les plus grands investisseurs sans sacrifier les intérêts nationaux », a-t-il déclaré en marge de la cérémonie de Shanghai.
La Chambre africaine de l’énergie voit dans cette dynamique un signal de fiabilité. « Le départ de Nguya prouve la capacité du Congo à mener à bien des projets gaziers à grande échelle », a rappelé son président exécutif, NJ Ayuk.
Retombées économiques attendues
Une fois amarrée au bloc Marine XII, l’unité injectera chaque année près de 100 milliards de francs CFA de recettes directes dans les caisses publiques, selon une estimation du ministère des Finances publiée en juillet.
Les contrats de fourniture déjà conclus avec des acheteurs européens offriront une couverture de change stable, tandis que le reliquat de gaz soutiendra la production d’électricité domestique via la centrale de Djeno, limitée jusqu’ici par l’intermittence d’approvisionnement.
Les analystes du cabinet Trilema Energy estiment que le secteur parapétrolier pourrait créer jusqu’à 2 500 nouveaux emplois qualifiés, de la maintenance robotique à la logistique offshore, renforçant ainsi le vivier de compétences locales.
Vers un modèle de transition énergétique
En intégrant un plan de captage de CO₂ et une politique zéro torchage, Nguya ambitionne d’abaisser son intensité carbone à 0,2 t de CO₂ par tonne de GNL, soit 30 % de moins que la moyenne mondiale, selon Eni Congo.
Le ministère de l’Environnement prévoit d’adosser au projet un fonds vert destiné au reboisement des mangroves du Kouilou, illustrant une approche intégrée de la valorisation des ressources naturelles.
Pour les économistes de l’université Marien-Ngouabi, la complémentarité entre exportations de GNL et investissements bas carbone pourrait servir de vitrine régionale, encourageant une convergence inédite entre rentabilité et responsabilité.
De son côté, la Plateforme congolaise des jeunes pour le climat envisage des formations aux métiers du gaz vert, afin de préparer la génération montante aux standards industriels qui régiront demain la chaîne de valeur.
Cap sur 2025 et au-delà
Selon le calendrier communiqué, Nguya devrait accoster au Congo en novembre, subir des essais d’intégrité puis entrer en production commerciale au premier trimestre 2025, synchronisant son output avec les besoins hivernaux du marché européen.
À l’horizon 2030, la feuille de route gouvernementale table sur une troisième unité FLNG, portant la capacité cumulée à 4,5 MTPA et consolidant la vocation du littoral congolais comme plaque tournante gazière africaine.
La navigation réussie de Nguya cristallise ainsi une ambition: transformer la ressource gazière en levier de développement industriel, tout en projetant l’image d’un Congo moderne, fiable et soucieux des impératifs environnementaux.
Impact régional et diplomatique
L’arrivée de volumes supplémentaires de GNL devrait modifier les flux commerciaux d’Afrique centrale. Selon l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Congo, les ports de Kribi et de Libreville préparent déjà des terminaux relais pour capter ce trafic émergent.
Pour les chancelleries, ce repositionnement énergétique renforce la diplomatie économique de Brazzaville. L’Union européenne a dépêché une mission technique en juin afin d’évaluer la compatibilité des futurs cargaisons congolaises avec ses normes de taxonomie verte.
Au niveau sous-régional, la Communauté économique des États d’Afrique centrale voit l’initiative comme un catalyseur pour l’interconnexion énergétique, notamment grâce au projet d’oléoduc gazier envisagé entre Pointe-Noire et Malabo.
En capitalisant sur cette dynamique, le gouvernement congolais espère attirer des financements climats, positionnant le pays dans les chaînes de valeur décarbonées tout en consolidant un leadership sous-régional assumé.
Dans les rues de Brazzaville, l’annonce nourrit aussi l’espoir de voir les coûts domestiques de gaz baisser, une perspective particulièrement attendue par les jeunes entrepreneurs de la filière agro-alimentaire.