Un rendez-vous attendu à Pointe-Noire
En septembre, le quartier 418 Makayabou s’apprête à redevenir l’épicentre culturel de Pointe-Noire avec la douzième édition du Festival international de musique et des arts, plus connu sous l’acronyme Fima, organisé par l’ONG Mb Production.
Durant trois soirées gratuites, du 12 au 14 septembre, les rues sablonneuses du cinquième arrondissement Mongo-Mpoukou résonneront de rumba, coupé-décalé, hip-hop, musique tradi-moderne et d’un cocktail de sonorités qui raconte la diversité culturelle congolaise et régionale.
Le thème choisi, « La musique à l’heure du numérique », invite public, professionnels et universitaires à interroger l’avenir d’une industrie dont le streaming, le marketing d’influence et l’intelligence artificielle redessinent déjà la création, la diffusion et la rémunération des artistes.
La scène congolaise mise à l’honneur
La directrice artistique Clarisse Ngoma rappelle que sur la précédente édition, près de vingt mille festivaliers avaient été recensés, un chiffre que les organisateurs espèrent voir dépasser cette année grâce à la présence simultanée de têtes d’affiche congolaises et d’invités ivoiriens, gabonais ou camerounais.
À côté des vétérans que sont Extra Musica ou Jacky Rapon, la programmation fait la part belle à une génération qui grandit sur YouTube : MPR, Yekima, sans oublier la chanteuse Hélène Tchissambou, programmée en solo pour la première fois sur une grande scène.
« Le Fima est un laboratoire d’énergie », confie le beat-maker Kin Waves, installé à Brazzaville ; il y teste chaque année de nouveaux arrangements afro-house devant un public qu’il juge « exigeant et chaleureux », capable, selon lui, de prédire les tendances régionales.
La transition numérique au centre du débat
Cette édition s’accompagne d’un forum pédagogique où ingénieurs du son, développeurs d’applications et producteurs expliqueront comment monétiser un titre sur les plateformes, protéger les droits d’auteur via la blockchain ou concevoir une stratégie TikTok efficace sans budgets astronomiques.
Le ministère des Postes, des Télécommunications et de l’Économie numérique soutient l’initiative et annonce une zone Wi-Fi ouverte pour que les spectateurs partagent en direct les concerts, renforçant la visibilité des artistes et du territoire sur les réseaux sociaux (Ministère de l’Économie numérique).
L’accent mis sur la capacité de la jeunesse congolaise à innover dans le digital rejoint les orientations nationales en faveur de l’économie créative, considérée comme un relais de croissance et d’emploi par plusieurs études de la Banque africaine de développement et de l’UNESCO.
Retombées économiques et touristiques
Outre la musique, vendeuses de brochettes, artisans bijoutiers et start-up spécialisées dans le merchandising installent déjà leurs stands temporaires, espérant bénéficier d’un flux d’acheteurs estimé à plus de cent cinquante millions de francs CFA de chiffre d’affaires cumulé sur trois jours.
Selon la mairie, plus de trois cents emplois directs seront mobilisés, de la technique son et lumière au nettoyage post-soirée ; les hôtels du centre affichent déjà un taux de réservation supérieur de 25 % à celui d’un week-end classique (Mairie de Pointe-Noire).
Sécurité, environnement et logistique
Les autorités départementales assurent qu’un dispositif de sécurité renforcé, mêlant police nationale, société privée et équipes de prévention communautaire, sera déployé pour fluidifier la circulation et garantir un environnement festif sans incidents majeurs, élément devenu déterminant pour l’attractivité de grands rassemblements culturels.
Des navettes gratuites, cofinancées par la société pétrolière locale et l’entreprise publique Trans-Brazzaville, relieront la gare routière au site du festival toutes les quinze minutes, afin de limiter l’usage des motos-taxis et réduire l’empreinte carbone de l’événement.
« Nous voulons prouver qu’on peut concilier fête et responsabilité », insiste Médard Mbongo, président du comité, qui annonce la distribution de gourdes réutilisables et le tri des plastiques grâce au partenariat conclu avec l’association Jeunes Verts du Kouilou.
Voix d’artistes et d’universitaires
Pour l’ethnomusicologue Pr Rachel Loufoua-Ngalamulume, le Fima s’inscrit « dans la continuité des grands carrefours culturels qu’a historiquement constituée la façade atlantique », rappelant que la rumba congolaise est désormais inscrite au patrimoine immatériel de l’humanité par l’UNESCO depuis 2021.
Le chanteur ivoirien Kedjevara, programmé le 13 septembre, se réjouit de « venir partager des vibrations positives avec nos frères du Congo » et salue la facilité des démarches d’entrée, résultat du guichet unique mis en place cette année par la Direction générale des arts et des lettres.
Perspectives régionales et avenir du Fima
Le festival envisage déjà une tournée itinérante dans les capitales voisines, notamment Libreville et Kinshasa, afin de valoriser le concept « Fima On the Road », projet qui renforcerait la circulation des artistes et créerait des ponts permanents entre les différentes scènes d’Afrique centrale.
À terme, les promoteurs souhaitent intégrer un volet de formation certifiante, en partenariat avec l’Université Marien-Ngouabi, pour professionnaliser davantage les métiers de régisseur, d’ingénieur du son et de manager, consolidant ainsi l’écosystème musical local au-delà des trois jours de festival.
Avec sa ligne artistique ouverte, ses débats prospectifs et son organisation professionnelle, le Fima espère consolider sa place de plaque tournante musicale d’Afrique centrale ; un pari qui, s’il est remporté, pourrait inspirer d’autres villes congolaises à investir durablement dans l’économie de la créativité.