Un festival fédérateur pour la jeunesse congolaise
Le coucher du soleil du 23 août a baigné l’esplanade du stade Alphonse-Massamba-Débat d’une lumière orangée, tandis que les basses de la deuxième édition du Festi Jeunesse vibraient déjà. Organisé par l’association Diata-Château d’Eau Innovation, l’événement a rassemblé des centaines de jeunes venus d’arrondissements voisins et même d’autres quartiers.
La manifestation, soutenue par le député Alban Léonce Kaky, poursuit un objectif précis : renforcer la cohésion nationale par l’expression artistique. En misant sur la culture, les organisateurs espèrent transformer l’énergie parfois éclatée de la jeunesse brazzavilloise en un puissant facteur d’unité, de responsabilité et de fierté collective et de réussite durable.
Des valeurs républicaines mises en avant
Sous le slogan « Notre avenir, nos valeurs », le festival a multiplié les interludes pédagogiques entre deux performances. Des mentors rappelaient l’importance du travail bien fait, du respect des lois et du patriotisme, valeurs inscrites au cœur des grandes orientations publiques en faveur de l’insertion socioprofessionnelle dans tout le pays.
« Nous voulons faire comprendre que réussir n’est pas incompatible avec servir la République », insiste Alban Kaky, qui voit dans la culture « un raccourci vers la conscience citoyenne ». Selon lui, la multiplication de tels rendez-vous réduit durablement les phénomènes d’agression décriés dans certains quartiers périphériques et renforce la cohésion urbaine.
Les organisateurs ont également sollicité quelques associations locales de prévention pour installer des stands d’information sanitaire et juridique. Campagnes contre les drogues, explications sur les parcours de formation subventionnés, conseils d’orientation : la culture devient ici un vecteur transversal de sensibilisation, dans l’esprit du Plan national de développement et inclusive.
Résultat tangible de cette approche, un questionnaire distribué en fin de soirée a montré que huit participants sur dix se disent motivés pour rejoindre un club artistique ou un programme civique dès la rentrée. Pour la marraine Flore Kaky, cette statistique confirme « la soif d’engagement positif qui traverse notre génération ».
Une scène éclectique et créative
Sur scène, la programmation a fait cohabiter rumba patrimoniale, rap de proximité et créations slamées. Relf Gazama a repris un classique de Franklin Boukaka entouré d’un orchestre acoustique, avant que Kratos n’enchaîne un freestyle engagé salué par une marée de smartphones levés. L’éclectisme musical servait le dialogue inter-générations aux influences métissées.
Wayé, finaliste d’un récent télé-crochet panafricain, a surpris avec une fusion afro-trap et chœurs en lingala, preuve que Brazzaville sait aussi exporter ses talents. Au-delà du divertissement, ses textes rappelaient la nécessité de protéger le fleuve Congo et de promouvoir une croissance compatible avec l’urgence climatique aux accents visionnaires.
Les arts visuels n’étaient pas en reste. Un collectif de graffeurs a réalisé en direct une fresque représentant la silhouette du pays, chaque département nuancé d’une couleur symbolisant ses ressources. Les peintres ont ensuite remis l’œuvre à la direction du stade, annonçant un futur parcours d’art urbain éducatif.
Pour clore la dimension scénique, un extrait de théâtre forum a mis en scène un jeune diplômé tentant de monter une start-up verte. Le public devait proposer des solutions pour l’aider à convaincre des investisseurs locaux. Le jeu, très suivi, a illustré la valeur du dialogue public-privé et responsable.
Les échos du public et des partenaires
Côté spectateurs, l’ambiance oscillait entre euphorie et réflexion. « Les artistes ont assuré, et on se sent valorisés », confie Christ Miyalou, étudiant en marketing, avant d’ajouter vouloir plus d’espaces d’expression permanente. Plusieurs groupes de quartier envisagent déjà de reproduire, à petite échelle, le dispositif festif dans leurs rues aux accents citoyens.
Chez les partenaires institutionnels, le constat est également largement positif. Un responsable de la direction départementale de la Jeunesse salue « un événement aligné sur les priorités nationales », notamment l’inclusion culturelle et la création d’emplois. Selon lui, la forte mobilisation prouve que « la jeunesse répond lorsque les propositions sont crédibles ».
Cependant, certains jeunes originaires de Makélékélé suggèrent d’ajouter des ateliers de formation continue pour transformer l’élan artistique en initiatives économiques. Les organisateurs disent étudier la possibilité de modules certifiants, convaincus que le capital créatif du festival pourrait alimenter des micro-entreprises dans la mode, la production sonore ou l’événementiel durable.
Perspectives pour les prochaines éditions
Le bilan artistique comprend aussi un palmarès inédit. Le titre d’« ambassadeur Festi Jeunesse » a distingué Architek, Ice Vib, Fatal Dance, Petit-Corps-Guerri, Kenza Triple B, Poète Noir et Saint-Nathanaël, tandis que trois prix de mérite récompensaient un travail social exemplaire dans la scène musicale émergente.
Dès l’annonce de la troisième édition, plusieurs sponsors privés ont manifesté leur intérêt. Ils entendent accompagner la professionnalisation des jeunes artistes tout en profitant d’une visibilité accrue auprès d’un public connecté. L’association Diata-Château d’Eau Innovation veut, de son côté, consolider un modèle économique mixant subventions, billetterie, mécénat et numérique.
À l’heure du dernier rappel musical, le sentiment dominant restait celui d’une jeunesse qui se découvre actrice d’un récit national fondé sur la création. Si cet élan se confirme, Festi Jeunesse pourrait devenir un laboratoire d’innovations sociales, inspirant d’autres villes et consolidant le rayonnement culturel congolais et continentalement parlant.