Un podium conquis à Séoul
Le 28 août, dans l’enceinte lumineuse du centre sportif de Yongin, Edmond Narcisse Gantsie Dzia a brandi fièrement le drapeau tricolore après son succès en catégorie des plus de 83 kg. C’est la première fois qu’un responsable fédéral congolais monte sur un podium mondial tout en dirigeant sa délégation.
Le champion, qui a cédé en demi-finale face à l’Américain Marcus Lee avant de battre le Français Rémi Chauvet lors du repêchage, repart avec la médaille de bronze. « Je dédie ce résultat à la jeunesse brazzavilloise qui croit au potentiel des arts martiaux », a-t-il déclaré à l’issue du combat.
Un séminaire décisif pour la discipline
La compétition était précédée d’un séminaire international réunissant maîtres coréens, cadres africains et représentants européens. Les échanges se sont articulés autour de la modernisation des techniques de hapkido et de taekgyeon, ainsi que de la diplomatie sportive entre continents.
La délégation congolaise a pris la parole sur la problématique de l’harmonisation des grades dan en Afrique centrale. Selon Gantsie Dzia, l’enjeu est de « garantir une progression transparente afin que chaque athlète, qu’il s’entraîne à Mfilou ou à Talangaï, évolue dans les mêmes standards que ses homologues asiatiques ».
Une préparation entamée à Moscou
Cette médaille confirme la progression du Congolais, déjà troisième de l’Open international de Moscou le 4 mai dernier. À l’époque, l’exploit était passé presque inaperçu en raison des actualités chargées du calendrier local.
Entre les deux compétitions, l’athlète a effectué un stage intensif de six semaines à Krasnodar, axé sur la défense rapprochée et le gainage. « Le travail en altitude a renforcé mon explosivité », explique-t-il, précisant que la fédération a autofinancé une partie de l’entraînement grâce aux cotisations des clubs.
Les dessous d’une catégorie poids lourds
La catégorie des +83 kg nécessite une alliance subtile de puissance et de souplesse. Le hapkido, art martial d’origine coréenne, mise en effet sur les clés articulaires autant que sur les projections spectaculaires.
En quarts de finale, Gantsie Dzia a neutralisé l’athlète japonais Norio Tanaka grâce à un balayage arrière qui a soulevé l’ovation du public. Cette maîtrise témoigne d’une lecture tactique affinée depuis son passage chez les vétérans, où l’expérience compense parfois la fraîcheur physique.
Répercussions à Brazzaville
De retour au pays, le podium sud-coréen suscite un enthousiasme palpable dans les dojos de Diata, Poto-Poto et Bacongo. Plusieurs responsables de clubs envisagent déjà des sessions de détection pour préparer la relève avant les championnats nationaux.
La direction générale des Sports s’est dite prête à soutenir un programme de bourses pour permettre aux espoirs congolais de s’entraîner régulièrement à l’étranger. « Nous voulons capitaliser sur cette dynamique afin de hisser le Congo dans le top 5 continental », confie un cadre du ministère.
Un ambassadeur de la diplomatie sportive
Au-delà du tatami, Edmond Narcisse Gantsie Dzia occupe un rôle d’ambassadeur, mêlant protocole et passion martiale. Son séjour à Séoul a inclus une visite du siège de la Korea Hapkido Federation, l’occasion de signer un protocole d’échanges techniques entre Séoul et Brazzaville.
Les autorités sportives coréennes ont salué la « combativité pacifique » du Congolais, soulignant l’importance de ces alliances pour l’expansion mondiale de la discipline. Le mémorandum prévoit notamment l’arrivée d’un maître coréen à Brazzaville avant la fin de l’année pour un stage d’arbitrage.
Défis logistiques et perspectives
Voyager jusqu’en Asie représente toujours un défi pour les athlètes congolais, entre coûts des billets et passage du matériel. Cette fois, l’équipe a reçu le soutien d’une compagnie aérienne partenaire, limitant les surcharges financières.
Gantsie Dzia espère que ce modèle d’appui public-privé servira de référence. « L’idéal serait de sécuriser un budget annuel, afin que nos athlètes n’attendent plus la dernière minute pour confirmer leur inscription aux grands tournois », estime-t-il, plaidant pour une planification sur trois ans.
Cap sur les prochaines échéances
La médaille sud-coréenne arrive à un moment stratégique. En 2025, les Jeux Africains se tiendront au Ghana et la Fédération congolaise de hapkido ambitionne d’y aligner une équipe complète. Les résultats de Séoul offrent un argument solide auprès des sponsors.
D’ici là, un championnat sous-régional à Pointe-Noire servira de tremplin pour identifier les futurs partenaires de Gantsie Dzia. Les entraîneurs prônent une mutualisation des salles d’entraînement pour éviter la dispersion des talents et favoriser l’émulation collective.
Une passion qui parle à la jeunesse
À Brazzaville, nombreux sont les jeunes qui voient dans le hapkido une alternative éducative et citoyenne. Les valeurs de discipline, de respect et de confiance en soi résonnent avec les ambitions de la société civile, engagée dans la promotion du vivre-ensemble.
Le podium obtenu en Corée du Sud agit comme un récit mobilisateur. Sur les réseaux sociaux, les hashtags #TeamCongo et #HapkidoBrazzaville ont accompagné les images du retour à Maya-Maya, renforçant le sentiment d’appartenance nationale sans détour.
Vers une professionnalisation encadrée
Si les athlètes congolais gravissent les marches internationales, la structuration locale de la discipline reste l’une des priorités. La fédération finalise un projet de centre d’excellence à Kintélé, qui devrait inclure un dortoir et une salle de musculation adaptée aux sports de combat.
Les experts coréens ont proposé un appui matériel, notamment des mannequins d’entraînement articulés pour perfectionner les techniques de clé. Ce partenariat illustre l’ambition d’élargir l’écosystème sportif en misant sur la formation continue.
Derniers mots du médaillé
Interrogé sur ses prochains objectifs, Edmond Narcisse Gantsie Dzia se veut pragmatique. « Une médaille n’est pas une fin, c’est un jalon. Nous devons transformer cet exploit individuel en succès collectif », insiste-t-il.
Son discours, prononcé devant une trentaine de jeunes ceintsures noires au dojo municipal, se conclut sur une invitation à la persévérance. « Sur le tatami comme dans la vie, la victoire appartient à ceux qui transforment chaque chute en lever plus fort ».