Un chantier stratégique pour l’énergie congolaise
Sur la plaine de Loudima, le ministre de l’Énergie Émile Ouosso a remis un tronçon de conducteur au directeur général d’Eni Congo, Andrea Barberi. Le geste symbolise le lancement officiel de la réhabilitation des 500 km de ligne reliant Pointe-Noire à Brazzaville (ACI).
L’ouvrage transporte l’essentiel de l’électricité produite au littoral vers la capitale. Sa modernisation constitue, selon le ministère, « une priorité de souveraineté énergétique », dans un pays où la demande croît de 8 % par an, portée par les zones industrielles et l’urbanisation rapide.
Un réseau vieillissant face à la demande croissante
Mise en service en 1982, la ligne 220 kV a vu ses performances décliner. Des isolateurs usés, des conducteurs affaissés et un système de protection obsolète provoquent aujourd’hui plus de cent mégawatts de pertes entre la Centrale électrique du Congo et Brazzaville.
« La fin des travaux devra régler ces insuffisances que nous subissons tous comme consommateurs », a résumé le ministre. Actuellement, moins de deux cents mégawatts atteignent la capitale sur les 327 injectés, créant des variations de tension ressenties jusqu’aux foyers domestiques.
La collaboration État–Eni, un modèle de partenariat
Sélectionnée pour son expertise dans les infrastructures pétrolières et gazières, Eni Congo assure l’exécution du chantier. « Nous restons engagés à respecter l’art et la qualité », souligne Andrea Barberi, rappelant l’expérience accumulée avec la Centrale électrique du Congo, co-détenue à 20 % par l’entreprise.
L’accord public-privé illustre la stratégie gouvernementale qui privilégie la mobilisation de capitaux privés tout en gardant le contrôle majoritaire. Pour les autorités, cette approche réduit la pression sur le budget national tout en accélérant la réalisation des projets structurants.
Innovations techniques sur la ligne 220 kV
Le programme comporte la réhabilitation de six postes, dont Mindouli et Ngoyo, l’installation de compensateurs statiques à Loudima et Mindouli pour stabiliser la tension, ainsi qu’un système de télésurveillance en temps réel des pylônes sur l’ensemble du tracé.
Des conducteurs de nouvelle génération, capables de transporter plus de courant à température équivalente, seront déployés. Selon les ingénieurs d’Eni, ce choix pourrait accroître la capacité de la ligne de 30 % sans extension du corridor existant, réduisant l’impact environnemental.
Impact socio-économique attendu
Une alimentation électrique fiable devrait renforcer la compétitivité industrielle de Pointe-Noire, tout en sécurisant l’approvisionnement des quartiers périphériques de Brazzaville. Les autorités estiment qu’environ cent mille foyers supplémentaires pourront être connectés au réseau national d’ici 2025.
L’accès stable à l’énergie favorisera aussi les services numériques, l’enseignement à distance et la création de micro-entreprises. « L’électricité doit éclairer l’avenir de la jeunesse et consolider la croissance », insiste Andrea Barberi, faisant écho au Plan national de développement 2022-2026.
Prochaines étapes et calendrier
Les premiers travaux visibles concernent le renforcement des fondations de pylônes sur les zones marécageuses entre M’Bondji et Mongo-Nkamba. Les équipes mènent parallèlement des études topographiques pour localiser les points de pertes d’énergie les plus critiques.
Le ministère table sur dix-huit mois pour la phase principale, suivis de six mois d’essais. La mise sous tension progressive est programmée par tronçons afin de limiter les interruptions de service, une méthode déjà éprouvée sur la dorsale Nord du réseau.
La sécurité énergétique, clé de la diversification économique
En doublant la fiabilité de la ligne, le Congo consolide son ambition de devenir un pôle logistique régional. Les économistes rappellent que chaque kilowatt-heure économisé réduit la facture des importations de carburant pour les groupes électrogènes et libère des ressources pour la santé ou l’éducation.
À terme, la modernisation devrait aussi faciliter l’intégration au marché de l’électricité d’Afrique centrale, projet auquel Brazzaville participe. Une interconnexion renforcée offrirait de nouvelles opportunités d’exportation d’énergie, appuyant la diversification voulue par les autorités.