Une première congolaise aux Talents d’Or
La nouvelle est tombée au petit matin: Edouarda Diayoka, 29 ans, figure montante de la mode brazzavilloise, figure désormais parmi les finalistes du concours panafricain Talents d’Or 2025. Pour la première fois, le drapeau congolais flottera dans cette compétition de prestige.
Le lancement des votes, fixé au 3 septembre, ouvre une fenêtre décisive de trente jours. Chaque voix, facturée 105 francs CFA, équivaut à un message de soutien autant qu’à un investissement collectif dans la visibilité d’un secteur en quête de reconnaissance continentale.
Au téléphone, la créatrice se dit « entre euphorie et responsabilité ». « Être sélectionnée, c’est déjà un signal fort, souffle-t-elle. Maintenant, il s’agit de prouver que le savoir-faire congolais n’a pas de frontières ». Son appel s’est rapidement propagé sur Instagram.
Louata, l’alliance du chic et des racines
Edouarda Diayoka n’arrive pas en terrain inconnu. Sa marque Louata, lancée en 2020 durant la crise sanitaire, a bâti sa réputation sur des silhouettes fluides, des tissus wax rebrodés et une palette chromatique inspirée des marchés de Poto-Poto. Chaque pièce revendique un ancrage culturel assumé.
Le choix des couleurs, rappelle-t-elle, relève d’une symbolique précise. « Le jaune parle de lumière, le bleu de confiance, le rouge de vitalité ». Dans les rues de Brazzaville, ces accords captent l’œil d’une jeunesse avide d’affirmation identitaire autant que d’esthétique globale.
Un concours panafricain à l’impact croissant
Si Talents d’Or demeure moins médiatisé que Lagos Fashion Week, son impact se consolide. L’édition 2024 avait rassemblé seize pays et généré 1,2 million de vues cumulées sur les réseaux des organisateurs, d’après les chiffres publiés par le comité basé à Abidjan.
Pour le sociologue Gilbert Ossiala, spécialiste des industries créatives, « la présence d’une Congolaise dans ce concours renverse le centre de gravité traditionnellement tourné vers l’Afrique de l’Ouest ». Les professionnels locaux espèrent ainsi un effet d’entraînement comparable à celui déclenché par les musiques urbaines.
La mécanique du vote payant suscite toutefois des débats. Certains internautes dénoncent un modèle élitiste. D’autres y voient un moyen pragmatique de financer la logistique des finalistes. À Brazzaville, plusieurs maisons de téléphonie ont déjà proposé des packages de SMS à tarif réduit.
Mobilisation numérique et solidaire des votants
Le ministère de la Culture affirme suivre « avec bienveillance » le parcours de Diayoka. Sans annoncer de subvention, l’institution promet un accompagnement diplomatique si la créatrice devait se déplacer hors du pays pour les défilés. Une position saluée par la fédération des stylistes locaux.
Dans l’atelier Louata, situé derrière le marché Moungali, cinq machines industrielles tournent huit heures par jour. « Tout est cousu ici, aucun sous-traitant », insiste le chef d’atelier. Le pari est d’offrir un produit fini conforme aux exigences d’un public globalisé.
Chaque vote remporté ouvre aussi la perspective d’un défilé dans un pays choisi par la créatrice. Edouarda évoque déjà la Côte d’Ivoire, « car Abidjan connecte l’Afrique francophone ». Une éventuelle escale qui permettrait des partenariats avec des tisserands locaux, explique-t-elle.
Pour la jeune génération brazzavilloise, habituée aux friperies importées, l’émergence d’une marque locale résonne comme un signal positif. « On peut être stylé sans quitter la ville », témoigne Christelle, étudiante en communication, qui dit avoir mis de côté son budget pour voter.
Vers une nouvelle cartographie de la mode congolaise
L’enseignant en marketing Guy-Laurent Mampouya rappelle néanmoins que l’enjeu dépasse l’instant médiatique. « Convertir le capital symbolique en ventes requiert des chaînes de distribution et une présence numérique forte ». Selon lui, le concours agit comme un levier mais ne suffit pas.
Les ateliers de couture congolais font face au coût élevé des intrants. Le coton brut provient majoritairement du Cameroun ou du Nigeria, tandis que les teintures sont importées de Turquie. Dans ce contexte, l’accès à un réseau panafricain d’acheteurs peut changer la donne.
Au-delà de la compétition, les Talents d’Or organisent des ateliers de formation sur la mode durable. L’édition actuelle s’intéresse aux textiles recyclés. Diayoka, qui expérimente déjà des chutes réutilisées pour des sacs, espère bénéficier de ces sessions pour consolider l’axe environnemental de Louata.
Le regard des experts sur la créativité locale
Le calendrier s’accélère: les votes se clôtureront le 3 octobre, avant l’annonce du trio gagnant le 15. Entre-temps, Edouarda multiplie les directs sur Facebook, tandis qu’une communauté se crée sur TikTok sous le hashtag #VoteLouata, comptabilisant déjà plus de 60 000 vues.
Dans l’immédiat, la styliste refuse toute complaisance. « Mon plus grand défi reste la qualité », répète-t-elle. Un mot d’ordre qui résonne avec l’ambition de bâtir un label national solide. Quoi qu’il advienne, son aventure marque un tournant pour la mode congolaise.
« Ce n’est pas seulement mon histoire, c’est celle d’un pays qui veut montrer sa créativité », conclut Edouarda, le regard tourné vers ses patrons de couture. Les semaines à venir diront si l’élan populaire suffira à hisser Louata sur le podium continental.