Contexte du dossier
Le 5 septembre à Brazzaville, le Collectif national des journaliers délaissés d’Energie électrique du Congo a tenu une conférence de presse pour alerter sur l’absence de suite donnée à ses revendications. Les artisans de terrain disent vivre une impasse sociale qui dure depuis plusieurs mois.
Au cœur du litige se trouve la réunion du 11 mars 2025 avec les responsables d’E2C. Le collectif affirme que les engagements alors pris — enrôlement total, régularisation administrative et reconnaissance salariale — n’ont toujours pas franchi le stade de la promesse.
Les engagements de mars 2025
Un précédent entretien, le 8 mars 2025, avait déjà exhorté l’entreprise publique et la Police à recenser tous les journaliers déployés dans la distribution et la vente d’électricité sur l’ensemble du territoire. Une opération d’enrôlement avait immédiatement été organisée dans plusieurs centres.
Selon le collectif, cette étape devait ouvrir la voie à un contrat formel, garantissant couverture sociale et stabilité de revenus. «Depuis notre enrôlement, aucune suite favorable ne nous a été accordée», rappellent les représentants, évoquant un silence qu’ils qualifient d’«irresponsable».
Colère d’un collectif écarté
La frustration est d’autant plus vive que le ministère de l’Énergie et de l’Hydraulique avait, dès le 13 février 2025, entériné des conclusions jugées prioritaires. Les journaliers estiment que le renvoi permanent de leur dossier retarde aussi la modernisation du réseau.
Tout en réitérant leur «attachement à la paix et au développement national chers au président Denis Sassou Nguesso», les travailleurs précisent ne vouloir aucune escalade. Ils rappellent cependant que le délai fixé aux autorités est désormais expiré, ouvrant la porte à de nouvelles actions publiques.
Position de la direction d’E2C
Contactée par nos soins, la direction générale d’E2C n’a pas souhaité commenter le communiqué du collectif. Un cadre technique indique néanmoins que «des discussions se poursuivent en interne pour harmoniser la situation des journaliers avec les exigences budgétaires de l’entreprise».
Cette prudence s’explique, selon plusieurs observateurs internes, par la nécessité de concilier stabilité financière et impératifs sociaux. E2C, entreprise à capitaux publics, assure une mission stratégique : l’accès continu à l’électricité, pilier des objectifs de développement fixés par les autorités.
Cadre légal et rôle du ministère
Le code du travail congolais prévoit que tout travailleur régulier bénéficie d’un contrat écrit et d’une immatriculation à la Caisse nationale de sécurité sociale. Les journaliers rappellent que l’enrôlement de mars constituait la première étape vers cette mise en conformité légale.
Pour le ministère, l’arbitrage consiste à répartir les charges sociales sans déséquilibrer la trésorerie de l’opérateur. Un responsable joint par téléphone affirme que «des réunions techniques complémentaires» sont programmées afin de finaliser un calendrier d’intégration des journaliers.
Enjeux économiques pour le réseau
Les journaliers interviennent souvent dans la relève des compteurs, la maintenance légère et la vente de crédits prépayés. Sans leur contribution, plusieurs quartiers de Brazzaville et Pointe-Noire risqueraient des retards de service, préviennent les intéressés, soulignant leur rôle «indispensable à la chaîne de facturation».
Réactions de la société civile
Dans la capitale, quelques associations de consommateurs disent suivre le dossier et appellent à une solution rapide, redoutant une hausse d’incidents techniques si la mobilisation reprend devant le siège d’E2C. Aucune date officielle de manifestation n’a toutefois été confirmée par les journaliers.
Le collectif sollicite à présent l’opinion publique nationale et internationale pour soutenir sa démarche. Dans son communiqué, il insiste sur un mot d’ordre pacifique et se veut constructif : «Notre action vise l’application d’engagements écrits, pas la paralysie de l’entreprise ni du pays».
Quelles issues possibles ?
Le dispositif de médiation retenu en mars reposait sur une table ronde tripartite: E2C, ministère de tutelle et représentants des journaliers. La reprise de ce format est jugée pertinente par plusieurs sources qui y voient le moyen le plus court de sortir du blocage actuel.
Pour garantir la transparence, le collectif propose qu’un calendrier détaillé soit affiché publiquement, avec des points d’étape mensuels. Les journaliers affirment qu’un tel outil de suivi renforcerait la confiance, réduirait la tension et éviterait de nouvelles interruptions du dialogue.
Du côté des autorités, on insiste sur la nécessité d’une solution équilibrée préservant les finances publiques et la qualité du service. «L’État est attaché à la continuité d’une desserte fiable, mais aussi à la dignité du travail», rappelle une source administrative proche du dossier.
En attendant, le collectif maintient sa veille et se dit prêt à dialoguer «dès que la partie patronale nous convoque». Les jours à venir seront décisifs : une relance formelle des négociations pourrait éteindre le conflit, à défaut, la mobilisation pourrait reprendre devant E2C.
À moyen terme, de nombreux analystes estiment que la professionnalisation des journaliers pourrait aussi améliorer les performances commerciales d’E2C. Une facturation plus régulière accroîtrait les recettes, faciliterait l’entretien des infrastructures et soutiendrait les projets d’électrification rurale planifiés par le gouvernement.
Le dossier sera donc suivi de près par les acteurs économiques et les consommateurs, conscients que l’électricité reste un moteur essentiel de la croissance congolaise.