Jeunes entrepreneurs de Dolisie : un souffle nouveau
Sous la vaste charpente du hall préfectoral de Dolisie, le bruissement des conversations s’est mué, le temps d’une cérémonie, en promesse d’avenir. Cent cinquante-neuf jeunes commerçants et artisans, sélectionnés parmi 856 dossiers, ont reçu des chèques dont la valeur reste confidentielle mais dont l’impact se veut décisif. Pour ces lauréats, l’intervention du Fonds d’impulsion, de garantie et d’accompagnement, couramment désigné Figa, constitue un premier levier pour sortir leurs activités de l’informel et les hisser vers une économie structurée.
Un processus de sélection pensé pour la viabilité
Le comité technique du Figa n’a pas retenu le nombre restreint de bénéficiaires au hasard. « Nous avons privilégié la solidité du modèle économique et la formalisation effective de l’activité », explique Branham Kitombo, directeur général de l’institution. Chaque dossier s’est vu attribuer une grille de notation intégrant la rentabilité projetée, le potentiel d’emplois induits ainsi que la capacité présumée de remboursement. De l’ébéniste au détaillant de denrées, tous ont dû présenter des états financiers simplifiés, parfois élaborés avec l’appui d’incubateurs locaux.
Microfinance locale : l’effet levier du partenariat
En coulisses, l’opération repose sur des conventions signées avec des établissements de microfinance. Au premier rang figure le Financement des initiatives de développement économique au Congo, promoteur du crédit Kolisa. Le montage associe un fonds de garantie du Figa couvrant jusqu’à 50 % du risque et un taux d’intérêt encadré, inférieur à la moyenne du marché congolais des micro-crédits. Ce mécanisme hybride entend rassurer à la fois prêteurs et emprunteurs, tout en favorisant la bancarisation progressive de populations longtemps éloignées des circuits formels.
Un signal politique en faveur de l’auto-emploi
La présence conjointe de la ministre des Petites et Moyennes Entreprises, Jacqueline Lydia Mikolo, et du ministre des Affaires foncières, Pierre Mabiala, n’a rien du simple protocole. Dans un pays où la jeunesse représente plus de 60 % de la population, l’auto-emploi est devenu une priorité stratégique. « Le gouvernement restera aux côtés des porteurs de projets, de l’idée à la matérialisation », a rappelé la ministre, insistant sur la nécessité d’une discipline financière. Le message est clair : ces fonds publics doivent produire de la valeur ajoutée et non se diluer dans les dépenses de loisir.
Impact socio-économique : premières retombées attendues
Selon les projections internes du Figa, chaque micro-entreprise financée pourrait créer un à deux emplois directs d’ici à douze mois, soit un potentiel d’environ trois cents postes dans le seul département du Niari. Au-delà du chiffre, l’enjeu est de consolider un tissu local capable d’absorber la main-d’œuvre non qualifiée et de réduire l’exode rural vers Brazzaville ou Pointe-Noire. Pour l’économiste Jean-Baptiste Madingou, « l’effet catalytique viendra si les bénéficiaires réinvestissent leurs marges dans l’innovation ou dans l’extension de leur activité ». L’universitaire souligne également le rôle des collectivités locales appelées à faciliter l’accès au foncier et à l’électricité, deux goulots d’étranglement bien identifiés.
Vers une culture durable du remboursement
La viabilité du dispositif repose toutefois sur la discipline des nouveaux débiteurs. Le Figa rappelle que la première vague d’avril, qui concernait 85 artisans, affiche déjà un taux de remboursement de 98 %. Le pari est donc de maintenir cette dynamique, quitte à intensifier les séances de formation à la gestion budgétaire et à instaurer un suivi trimestriel. « Il ne suffit pas de décaisser ; il faut accompagner, former, conseiller », insiste Branham Kitombo. Une équipe mobile d’experts-comptables sillonne désormais le Niari afin de détecter précocement toute défaillance éventuelle.
Dolisie, laboratoire d’une politique nationale
Cette seconde vague de financements confirme la place de Dolisie comme terrain d’expérimentation des politiques publiques orientées vers les jeunes. L’objectif affiché est de répliquer le schéma dans les autres départements, à commencer par la Cuvette et la Sangha, où le recensement des porteurs de projets est déjà en cours. À terme, le Figa ambitionne de constituer une base de données nationale permettant de mieux calibrer les interventions sectorielles, du maraîchage à l’artisanat d’art.
Patience et persévérance : la clé d’un véritable essor
Pour les 159 entrepreneurs de Dolisie, le chèque n’est qu’une étape. « L’argent reçu est un outil, pas une fin », avertit Pierre Mabiala. Dans une conjoncture marquée par la fluctuation des matières premières et l’inflation, la capacité d’adaptation restera le meilleur gage de succès. Pourtant, l’optimisme domine chez les nouveaux bénéficiaires. Joëlle Moussavou, couturière de 27 ans, confie vouloir augmenter sa production de 30 % et embaucher deux apprenties. « Je mesure la responsabilité qui m’incombe », dit-elle avec gravité. Le pari de l’État congolais est précisément là : transformer ces histoires individuelles en un cercle vertueux, où la jeunesse prend enfin toute sa part dans la diversification de l’économie nationale.