Dolisie, carrefour routier névralgique
À Dolisie, troisième ville du Congo-Brazzaville, la gare routière bruisse chaque matin de klaxons, d’annonces et de salutations. Les bus alignés filent vers Pointe-Noire, Brazzaville ou les localités voisines, configurant un ballet que les voyageurs décrivent souvent comme « le cœur battant du Niari ».
Cette infrastructure, inaugurée au milieu des années 2000, répondait à la forte croissance du trafic routier national. Aujourd’hui, des milliers de passagers y transitent quotidiennement, confirmant la supériorité de l’autobus, estimé à plus de 90 % des déplacements internes.
Un carrefour routier au rôle national
Située à la croisée des RN1 et RN2, la gare articule les flux nord-sud et est-ouest. Les transporteurs apprécient son emplacement stratégique, point d’étape avant la capitale économique Pointe-Noire ou la capitale politique Brazzaville, et trait d’union vers les marchés du Gabon et de la RDC.
Pour le ministère des Transports, « Dolisie assure une fonction de redistribution des passagers décisive pour la cohésion territoriale ». Les statisticiens publics estiment que quinze pour cent des mouvements interurbains passent directement ou indirectement par cette plate-forme, proportion jugée appelée à croître.
En retour, les recettes de péages, de stationnement et d’embarquement consolident les finances locales. Le budget municipal a doublé en une décennie, permettant l’éclairage de quartiers périphériques et l’entretien régulier des axes secondaires.
Un poumon économique pour la cité
Autour des quais, une économie de services s’est constituée. Restaurateurs, changeurs, portefaix, vendeuses de fruits, réparateurs de moteurs et associations de chauffeurs louent des stands ou circulent librement, générant des centaines d’emplois directs et indirects, souvent premiers employeurs pour les jeunes Dolisiens sans diplôme.
La Chambre de commerce estime à quatre milliards de francs CFA par an la valeur ajoutée générée dans un rayon de cinq cents mètres. Cette manne irrigue la filière avicole des villages voisins, fournisseurs de poulets braisés prisés des passagers pressés.
Des équipements qui appellent une montée en gamme
Malgré cette vitalité, les usagers pointent le manque d’aires couvertes, de sanitaires modernes et de signalétique. Les parkings débordent aux heures de pointe, tandis que le réseau d’eau de surface peine durant la saison sèche, obligeant les commerçants à importer leurs réserves en bouteilles.
La mairie, en concertation avec l’Agence congolaise des grands travaux, évoque un projet de réhabilitation estimé à six milliards de francs CFA. Le plan comprend des abribus ventilés, un forage autonome, des guichets numériques pour billets et un centre médical de premier secours.
Une mosaïque d’emplois formels et informels
Syndicats et ONG insistent toutefois sur l’importance de préserver les débouchés informels. « La gare nourrit plusieurs centaines de familles ; il faut formaliser sans exclure », plaide l’économiste Marcel Ngouabi. Le futur schéma prévoit des aires marchandes réglementées accessibles par un forfait journalier modeste.
Le directeur départemental du Travail voit dans cette régularisation l’occasion de faciliter la couverture santé et la retraite des vendeurs. Un protocole pilote de micro-assurance, cofinancé par une banque sous-régionale, pourrait être expérimenté dès l’an prochain si les négociations aboutissent.
Une demande sociale exprimée avec vigueur
Sur les réseaux sociaux, de jeunes usagers partagent photos de files bondées et suggestions d’aménagement. Le collectif citoyen MonBusMaVille a remis un mémorandum listant trente-deux propositions, dont la connexion Wi-Fi gratuite et un marquage podotactile pour les déficients visuels, salué par les autorités.
En réponse, la mairie a lancé un concours d’architecture ouvert aux jeunes diplômés congolais. L’objectif est de choisir un concept conciliant fonctionnalité, esthétique et respect de l’identité boisée du Niari, région parfois surnommée « capitale de l’or vert ».
Les enjeux de planification urbaine
L’intégration de la gare au tissu urbain reste un défi. Les quartiers voisins, Ouenzé et Loutété, subissent un trafic de motos-taxi anarchique. Un giratoire et des trottoirs élargis sont prévus pour fluidifier la circulation et sécuriser piétons et conducteurs.
Le service municipal d’urbanisme envisage également de relier l’autogare au futur pôle ferroviaire en projet, créant un hub multimodal susceptible de réduire le coût du fret intérieur. Cette perspective renforcerait l’attractivité de Dolisie pour les entreprises logistiques régionales.
Un signal pour la stratégie nationale de mobilité
À l’échelle nationale, la modernisation de la gare de Dolisie fait figure de laboratoire pour une mobilité inclusive. Le gouvernement rappelle que des corridors routiers performants soutiennent le commerce sous-régional et les ambitions de la Zone de libre-échange continentale africaine.
La Banque mondiale note, dans son dernier rapport, que chaque franc investi dans les infrastructures de transport crée un effet multiplicateur de 1,8 dans l’économie congolaise. Les autorités espèrent donc attirer des partenaires privés, grâce à un cadre juridique clarifié et un partage transparent des recettes.
Perspectives et feuille de route
D’ici 2026, le chantier de rénovation devrait démarrer, si l’étude d’impact environnemental confirme la compatibilité avec les zones humides voisines. Les opérateurs de bus ont déjà été invités à constituer un comité d’accompagnement, afin d’assurer la continuité du service pendant les travaux.
Les passagers, eux, rêvent d’un confort accru sans perdre l’énergie singulière qui fait, selon l’étudiante Nadège Mabiala, « l’âme de Dolisie ». Entre impératif de modernité et préservation d’un bouillonnement populaire, la gare routière s’apprête à écrire un nouveau chapitre de la mobilité congolaise.