Une initiative conjointe Congo–Venezuela
Le 2 août dernier, avant même que le soleil d’équateur n’impose sa verticalité, les pelouses du rectorat et les allées sablonneuses de l’École normale supérieure vibraient au rythme des pioches et des râteaux. Autour des étudiants volontaires, M. Yvon Kaba, directeur général de l’assainissement, et Mme Laura Evangelia Suarez, ambassadrice de la République bolivarienne du Venezuela, donnaient l’exemple en maniant le balai avec une ardeur qui n’avait rien de protocolaire. Aux côtés du professeur Parisse Akouango, président de l’Université Marien-Ngouabi, ils inauguraient la première opération de grande ampleur organisée dans le cadre de la « Journée de la salubrité de l’environnement », désormais ancrée chaque premier samedi du mois dans les agendas officiels.
Salubrité publique et gouvernance universitaire
Le choix de concentrer l’effort sur quatre sites emblématiques du premier établissement public d’enseignement supérieur du pays ne doit rien au hasard. L’Université Marien-Ngouabi forme le vivier des hauts cadres congolais ; elle se devait d’épouser la politique nationale de préservation de l’hygiène que le gouvernement déploie, sous l’impulsion du président Denis Sassou Nguesso, à travers la Stratégie nationale d’assainissement adoptée en 2021. « Il fallait donner un signal, montrer que l’excellence académique se nourrit aussi d’un cadre de vie sain », confie M. Akouango, rappelant que la modernisation du campus s’inscrit dans le Programme national de développement 2022-2026.
Synergies diplomatiques pour l’Agenda 2030
Au-delà du symbole local, l’opération conforte la diplomatie congolaise dans son option d’alliances Sud-Sud. Le Venezuela, riche de son expertise en gestion communautaire des déchets et en participation citoyenne, a marqué sa disponibilité pour un transfert de savoir-faire. « Nous ne livrons pas seulement des sacs-poubelle, nous créons une culture partagée de la responsabilité environnementale », insiste Mme Suarez. Les ambassadeurs de l’Union africaine et de la CEEAC, venus observer la manœuvre, y voient le prolongement des engagements pris par Brazzaville à la COP 27 pour l’atteinte de l’Objectif de développement durable 6 sur l’eau et l’assainissement.
De la sensibilisation à la pratique quotidienne
L’enjeu dépasse la seule propreté des amphithéâtres. Dans un pays où l’urbanisation frôle 70 %, le ministère en charge de l’assainissement estime que chaque Brazzavillois produit près de 0,8 kg de déchets par jour. La récurrence mensuelle de la journée « Villes, villages et habitations propres » cherche à transformer un acte citoyen ponctuel en réflexe permanent. D’après M. Kaba, « l’adhésion des communautés universitaires est décisive » ; elles serviront de relais auprès des quartiers périphériques, souvent privés d’infrastructures. Les associations étudiantes ont déjà annoncé un concours de micro-projets axés sur le tri sélectif et la valorisation des biodéchets, tandis qu’un groupe de doctorants en sociologie planche sur un baromètre du comportement écologique à l’échelle du campus.
Un signal vers les bailleurs multilatéraux
Les observateurs avertis notent que cette démonstration de volontarisme intervient à quelques semaines de la réunion annuelle de la Banque africaine de développement, dont Brazzaville espère capter des financements pour moderniser ses réseaux d’assainissement. En mettant en scène la convergence des autorités publiques, du corps diplomatique et de la société civile, l’exécutif envoie un message de sérieux aux bailleurs : si les crédits sont au rendez-vous, la mise en œuvre suivra. D’ores et déjà, le Programme des Nations unies pour le développement a salué une « initiative pilote prometteuse », susceptible d’être répliquée dans d’autres universités de la sous-région.
Vers une culture de l’hygiène partagée
La pérennisation du dispositif repose cependant sur trois variables : la logistique, la sensibilisation et le suivi règlementaire. Le ministère de l’Enseignement supérieur négocie l’acquisition de compacteurs et de bornes de tri tandis que les collectivités locales envisagent des exonérations fiscales pour les entreprises chargées de la collecte sélective. Sur le terrain normatif, une révision du code de l’hygiène publique pourrait introduire des pénalités graduées contre les dépôts sauvages. Ce triple verrou se veut un gage de continuité, car, comme le note une source diplomatique européenne, « la bonne gouvernance se lit d’abord dans les petits gestes du quotidien ».
Un micro-événement à portée stratégique
En apparence modeste, la matinée de nettoyage des abords de la faculté de droit a donc cristallisé plusieurs chantiers simultanés : réforme universitaire, intégration d’objectifs environnementaux et projection internationale d’un Congo-Brazzaville résolument engagé dans la transition écologique. L’écho donné à l’événement, relayé par les réseaux sociaux et par les chancelleries, rappelle qu’en diplomatie, l’image vaut souvent autant que les discours. « Balayer devant sa porte, c’est baliser la voie d’un partenariat fiable », résume un conseiller de la présidence, convaincu que la coopération environnementale restera un levier majeur dans l’attractivité du pays pour les investisseurs responsables.
Perspectives pour l’année académique
À l’horizon de la rentrée universitaire, la présidence de l’Université Marien-Ngouabi compte étendre l’initiative aux cités résidentielles étudiantes, souvent plus densément peuplées que les amphithéâtres. Un dispositif de compostage collectif, supervisé par la faculté des sciences et appuyé par l’Agence congolaise pour la transition écologique, sera expérimenté dès octobre. Les premiers enseignements attendus ne se limiteront pas aux indicateurs sanitaires ; ils pourraient aussi influencer les curricula, certains départements envisageant déjà des modules certifiants en gestion durable des déchets.
L’enjeu d’une mobilisation continue
En définitive, l’opération d’assainissement du 2 août aura été moins un aboutissement qu’un point de départ. Ses initiateurs comptent sur l’effet d’entraînement propre au milieu universitaire pour diffuser, bien au-delà du campus, un savoir-faire qui conjugue solidarité, responsabilité et performance. L’alliance Congo–Venezuela, en fournissant un cadre de coopération pragmatique, rappelle que la diplomatie moderne ne se confine plus aux salons feutrés ; elle se déploie aussi, balai en main, au cœur des réalités sociales. Dans un contexte international marqué par la quête de financements verts, cette hybridation des approches confère au pays une crédibilité renforcée dans les forums multilatéraux, tout en améliorant, très concrètement, la qualité de vie de ses citoyens.