Le CHAN, vitrine africaine et ressort diplomatique
Créée en 2009, la Coupe d’Afrique des nations réservée aux joueurs évoluant dans les championnats locaux s’est muée, au fil des éditions, en un laboratoire de projection d’influence pour les États. Le Congo-Brazzaville n’échappe pas à cette dynamique. Dans un contexte régional encore sensible, le gouvernement voit dans cette compétition un instrument de rayonnement et d’unité. Comme le rappelait récemment le ministre des Sports, « le CHAN permet d’illustrer le savoir-faire national et de consolider l’amitié entre peuples » (Dépeches de Brazzaville). L’engagement de Brazzaville à hisser les Diables Rouges dans le haut du tableau s’inscrit donc dans une stratégie de soft power, complémentaire des initiatives diplomatiques classiques.
Un Groupe D relevé, miroir du pluralisme africain
Le tirage au sort a placé le Congo face au Sénégal, au Nigeria et au Soudan. Sur le papier, ce carré ressemble à un condensé des écoles de football du continent : intensité physique sénégalaise, vitesse nigériane, discipline tactique soudanaise et créativité congolaise. L’équilibre des forces promet un suspense accru, mais il confère surtout à chaque rencontre une portée symbolique. « Nous acceptons le défi avec sérénité », confiait Barthélemy Ngatsono, sélectionneur des A’, en marge d’une séance à Kintele. Cette acceptation implique une préparation millimétrée, car un faux pas initial pourrait hypothéquer les ambitions brazzavilloises dans un calendrier resserré.
La patte congolaise : entre héritage et renouveau collectif
Le onze congolais affiche un savant alliage de cadres aguerris et de promesses issues des centres de formation nationaux. Ulrich Samba et Chelcy Bonazebi, charnière centrale au profil complémentaire, incarnent la continuité d’une tradition défensive robuste. Au milieu, Brudet Vigel Okana et Venold Dzaba assurent la transition entre récupération et projection, tandis que l’attaque, portée par Dechan Moussavou et Wilfrid Nkaya, mise sur la permutation des rôles pour désorienter les défenses adverses.
Cette pluralité reflète la politique actuelle de valorisation des talents locaux. Les autorités sportives, appuyées par la Fédération congolaise de football, ont multiplié les stages internes afin de retenir les joueurs convoités par l’étranger. Le dispositif répond à une double exigence : renforcer la compétitivité immédiate et consolider, à moyen terme, une filière endogène capable d’alimenter la sélection A senior.
Le Soudan, rigueur défensive et constance psychologique
L’adversaire du jour aborde la rencontre fort d’une série d’invincibilité dans le temps réglementaire. Sans toujours briller offensivement, la sélection soudanaise parvient à neutraliser son vis-à-vis grâce à un bloc compact et patient. Ses succès récents, souvent acquis sur la plus petite des marges, témoignent d’une capacité à gérer les temps faibles.
Pour le Congo, déverrouiller ce dispositif passera par la mobilité entre les lignes et par des frappes lointaines, secteurs travaillés au cours des derniers galops d’essai au stade Alphonse-Massamba-Débat. Ngatsono insiste : « Il faudra imposer notre tempo et éviter de tomber dans le piège d’un faux rythme ».
Paramètres tactiques et crêtes émotionnelles
Au coup d’envoi, deux philosophies se croiseront. Côté congolais, la recherche de largeur afin d’étirer la défense adverse pourrait favoriser les incursions de Nkaya, ailier capable de repiquer dans l’axe. Côté soudanais, la projection rapide vers les couloirs reste l’arme privilégiée pour surprendre une arrière-garde encore en rodage. La clé résidera dans la densité du milieu de terrain où s’orchestrera la bataille de la possession.
Au-delà de la planche à dessin, l’enjeu psychologique pèse. Le Brann Stadion de Bergen, choisi comme terrain neutre le temps de travaux au Cameroun, offre un cadre peu familier aux deux équipes. Loin de leurs publics, les joueurs devront activer d’autres canaux émotionnels : cohésion interne pour le Congo, résilience pour le Soudan.
Calendrier condensé, message politique sous-jacent
Le match de mardi s’inscrit dans un programme où chaque nation jouera tous les trois ou quatre jours. Cette densité magnifie la valeur du capital-points initial. Gagner, c’est se donner une marge de manœuvre avant d’affronter le Sénégal, champion d’Afrique en titre, puis le Nigeria, référence historique du football régional.
Au plan intérieur, l’exécutif congolais suit la campagne de près. Les performances des Diables Rouges servent de catalyseur patriotique, en complément des initiatives économiques et sociales lancées ces derniers mois. Les réseaux diplomatiques, quant à eux, y voient l’occasion d’élargir le champ de la coopération culturelle, notamment avec les pays scandinaves hôtes temporaires de certaines rencontres.
Vers une dynamique unificatrice
Quoi qu’il advienne au tableau d’affichage, la participation congolaise au CHAN 2025 porte une ambition plus vaste : renforcer la cohésion nationale par le sport et affirmer la place du pays dans le concert africain. Le football, langage universel, fait ici office d’extension de la diplomatie classique, rappelant que la puissance d’une nation se mesure aussi à sa capacité à fédérer autour d’un ballon.
Comme le soulignait récemment un diplomate africain accrédité à Brazzaville, « le Congo a compris que le CHAN constitue un espace de dialogue silencieux entre peuples ». À l’heure d’entrer en lice, les Diables Rouges savent qu’ils portent, bien au-delà de leur maillot, l’espoir d’une communauté tout entière. Un premier succès face au Soudan ouvrirait la voie à un parcours porteur, dont les retombées pourraient excéder de beaucoup la simple arithmétique sportive.