Une initiative solidaire pour la vision
Chaque jour, nombre de Brazzavillois plissent les yeux pour lire un panneau ou reconnaître un bus. Du 27 août au 2 septembre, l’Association Saint François de Sales pour l’action et la solidarité en faveur de la population de Brazzaville, Assab, veut changer ce scénario grâce à une distribution de lunettes.
Cette opération baptisée Vision pour tous repose sur des centaines de paires de verres correcteurs collectées en France, reconditionnées à Pointe-Noire puis acheminées vers Brazzaville par voie terrestre. Les premiers bénéficiaires seront prioritairement les élèves, étudiants, chauffeurs et vendeuses de marchés, publics souvent les plus exposés aux troubles visuels.
Examens médicaux accessibles et complets
Au-delà des montures, l’association a prévu un volet médical complet. Pendant sept jours, deux médecins généralistes et un infirmier proposeront la mesure de la tension artérielle, de la glycémie et de la température avant chaque consultation ophtalmologologique supervisée par un opticien volontaire arrivé de Lyon.
Les examens sont gratuits, seuls 500 francs CFA sont demandés pour l’instillation d’un collyre afin de poursuivre la prise en charge dans de bonnes conditions d’hygiène. « Nous voulons maintenir un coût symbolique qui responsabilise sans exclure », explique Dianny Okinda, représentant d’Assab au Congo.
Assab, un acteur pérenne de la santé communautaire
Née en 2005 à Annecy sous la houlette d’anciens élèves salésiens, Assab a étendu en 2017 ses statuts au Congo. Depuis, l’organisation a livré plus de 4 000 livres scolaires, 60 lits médicaux et des dizaines de pieds de perfusion aux hôpitaux de Makélékélé et Talangaï.
Par le passé, l’association a conduit des campagnes oculaires similaires à Dolisie, Owando et Oyo, atteignant près de 9 000 patients. Les rapports internes indiquent que 62 % des bénéficiaires avaient un défaut de réfraction non détecté auparavant, signe de la pertinence du programme.
La santé oculaire, un défi public majeur à Brazzaville
Selon le ministère de la Santé, environ 14 % des adultes congolais présentent une baisse de vision liée à l’âge, au diabète ou à la myopie non corrigée. À Brazzaville, seul un habitant sur dix possède des lunettes adaptées, souvent achetées dans la rue sans examen préalable.
Le Dr Henri Mouanda, ophtalmologiste au Centre hospitalier universitaire, rappelle que « l’absence de correction augmente les risques d’accidents domestiques et routiers, mais aussi les échecs scolaires ». Il salue l’initiative tout en appelant à renforcer le dépistage systématique dans les écoles primaires.
Dans le même esprit, la Fédération congolaise de la prévention routière estime que 18 % des collisions impliquent une déficience visuelle non traitée chez au moins un conducteur. Une campagne comme celle d’Assab peut ainsi porter un double bénéfice sanitaire et sécuritaire pour la capitale.
Synergie avec les autorités et partenaires
Le projet bénéficie d’un appui logistique des directions départementales de la Santé et de l’Action sociale qui mettent à disposition des salles de classe et du personnel d’orientation. Cette collaboration public-associatif illustre la stratégie gouvernementale visant à soutenir les initiatives citoyennes alignées sur le Plan national de développement.
Le commissariat de police du quatrième arrondissement a également prévu un dispositif de circulation autour des sites pour éviter attroupements et bousculades. « Nous voulons que l’accès reste fluide, surtout pour les personnes âgées », indique le commandant Latour Etsou, soulignant la dimension préventive de l’opération.
Les lunettes proviennent en grande partie de dons de familles françaises, complétés par un stock neuf offert par un fabricant marocain. L’ONG Santé et Partage assure pour sa part le transport et la stérilisation des montures. Aucun financement international majeur n’a été sollicité pour cette édition.
Perspectives et attentes des bénéficiaires
Ajuster correctement les verres peut transformer une scolarité, rappelle Adèle, étudiante en droit, inscrite pour la première journée. Elle espère lire sans douleur les ouvrages de la bibliothèque municipale. « Les prix des opticiens privés dépassent mes moyens », confie-t-elle, évoquant des montures à 40 000 CFA.
Chez les chauffeurs de taxi, la perspective d’un test de vision séduit déjà. « Parfois, je vois flou la nuit et je me fie aux phares », reconnaît Sébastien, quadragénaire habitant Bacongo. Il juge la gratuité attractive, d’autant que ses revenus journaliers oscillent autour de 8 000 CFA.
Vers un modèle reproductible sur l’ensemble du territoire
Pour Assab, l’objectif est aussi de collecter des données anonymes qui permettront d’orienter de futures campagnes vers des quartiers sous-dotés. Les fiches de suivi contiendront âge, profession, type d’amétropie et antécédents diabétiques afin d’alimenter un tableau de bord transmis ensuite aux services techniques de la mairie.
À terme, l’association souhaite élargir le modèle à d’autres spécialités, notamment l’audiologie et la santé bucco-dentaire, toujours en partenariat avec les autorités sanitaires. « Le droit à une santé préventive ne s’arrête pas à la vision », rappelle avec conviction M. Okinda, promettant de nouvelles opérations.
Mobilisation numérique et financement participatif
Afin d’augmenter sa portée, Assab diffuse depuis juillet des capsules vidéo sur TikTok et Facebook, racontant l’histoire de bénéficiaires précédents. Ces formats courts ont déjà généré 80 000 vues et motivé de jeunes volontaires à prêter main-forte pour les opérations d’accueil et de traduction des fiches.