Un rendez-vous médico-scientifique continental
Clap de fin mais satisfecit unanime à Brazzaville, où le deuxième congrès de la Société d’urologie du Congo s’est achevé le 27 septembre après trois jours denses de présentations, d’ateliers et de débats sur les réalités et les perspectives de la discipline en Afrique centrale.
Durant trois jours, la Société d’urologie du Congo a mobilisé cent vingt praticiens, dont trente-six intervenants, pour soixante-et-une communications orales et une présentation affichée, couvrant tous les grands axes: andrologie, uro-oncologie, lithiases, chirurgie reconstructrice et urologie pédiatrique.
Venus du Congo et de sept pays partenaires – Côte d’Ivoire, Niger, Gabon, Cameroun, Tchad, République démocratique du Congo –, les congressistes ont formé une communauté rare d’expertises, fidèle à l’ambition continentale d’intégrer les avancées internationales aux réalités hospitalières locales.
La capitale congolaise s’est ainsi affirmée comme carrefour de la recherche urologique régionale, offrant une plateforme de transfert de savoir-faire, de partenariats universitaires et de projets de télé-enseignement appelés à réduire les inégalités d’accès aux soins spécialisés dans le Bassin du Congo.
Ateliers pratiques: focus sur la chirurgie adaptée
Le jour d’ouverture a plongé les participants dans des ateliers très concrets, centrés sur la réparation de fistules vésico-vaginales par la technique de Chassar-Moir et sur la résection bipolaire transurétrale de la prostate, deux affections courantes aux conséquences souvent invalidantes s’ils restent non traités.
Guidées par des chirurgiens chevronnés de Brazzaville et d’Abidjan, ces séances ont alterné démonstrations en salle d’opération et simulations sur mannequins haute fidélité, favorisant un apprentissage sécurisant pour les jeunes résidents tout en actualisant les gestes techniques des praticiens confirmés.
Ces exercices grandeur nature, conçus pour des structures à ressources limitées, ont mis l’accent sur la gestion rationnelle du matériel endoscopique, l’entretien des générateurs de courant et la traçabilité, autant de paramètres déterminants pour la durabilité des équipements hospitaliers implantés sur le continent.
Un stand d’exposition a parallèlement permis aux fabricants de dispositifs médicaux locaux de présenter des prototypes d’endoscopes réutilisables conçus pour supporter des cycles de stérilisation répétés sans perdre en qualité d’image, une innovation saluée par les praticiens ruraux soucieux de réduire leurs dépenses.
Andrologie et oncologie: l’urgence du dépistage
La session dédiée à l’andrologie a révélé l’ampleur méconnue de l’infertilité masculine, aggravée par les retards de consultation et l’automédication. Des travaux ivoiriens ont montré que la varicocèle reste la première cause anatomique, tandis qu’un protocole congolais valide l’efficacité d’un dépistage systématique dès l’adolescence.
La parole a aussi été donnée aux urgences andrologiques: traumatismes génitaux liés aux accidents de la voie publique, priapismes post-médicamenteux et morsures animales. Les orateurs ont insisté sur l’importance des premiers gestes, citant une série gabonaise où la prise en charge préhospitalière réduit la perte fonctionnelle.
En matière d’uro-oncologie, la prévalence élevée du cancer de la prostate reste la préoccupation majeure. Des données camerounaises ont souligné que plus de la moitié des patients arrivent à un stade localement avancé, faute de dépistage organisé et de biomarqueurs disponibles dans les laboratoires périphériques.
Le débat, plus animé encore, a porté sur la mutualisation d’outils de radiothérapie et l’espoir suscité par les collaborations inter-universitaires, à l’image du jumelage entre Brazzaville et Niamey pour partager un protocole de biopsie ciblée sous fusion IRM-échographie, moins coûteux qu’un scanner répétitif.
Lithiase et chirurgie: innovations et réalités
La troisième journée s’est ouverte sur la lithiase urinaire, affection décrite comme « fréquente mais silencieuse ». Des cas de calculs géants, dépassant 4 centimètres, ont été présentés par une équipe de Pointe-Noire, illustrant les contraintes liées aux délais d’évacuation vers des centres équipés.
Les conférenciers ont mis en avant l’essor des techniques endoscopiques et laser, capables de traiter la plupart des calculs sans incision. Toutefois, ils reconnaissent que la chirurgie ouverte conserve sa pertinence dans les hôpitaux d’arrière-pays, où l’approvisionnement en fibres laser reste irrégulier.
La chirurgie laser, en particulier l’holmium, suscite l’intérêt des urologues congolais qui travaillent déjà à un protocole d’acquisition mutualisée avec l’hôpital général de Référence de Kinshasa, afin de réduire les coûts et d’augmenter la fréquence des missions de formation croisée.
Compétences et coopération pour l’après-congrès
Au terme des échanges, le maître de conférence agrégé Stève Aristide Ondziel-Opara a dressé un état des lieux nuancé: retard diagnostique persistant, manque d’équipements modernes, mais effervescence scientifique incontestable. Il retient surtout l’urgence d’une prévention renforcée et le développement des compétences en endoscopie.
Le professeur Alain Prosper Bouya, président du congrès, a invité les délégations à capitaliser sur les réseaux créés pour établir un observatoire régional de l’urologie. «Nos défis sont communs; nos réponses doivent l’être aussi», a-t-il déclaré sous les applaudissements du public.
Les participants repartent désormais vers leurs services respectifs avec un même objectif: harmoniser les protocoles, promouvoir le dépistage communautaire et préparer la création d’un diplôme universitaire sous-régional. Prochaine étape annoncée: un symposium virtuel d’évaluation prévu dans six mois pour mesurer les progrès et partager les données en ligne.