Le souffle réformateur de la territorialité
En signant le décret 2025-87 le 31 mars, le président Denis Sassou Nguesso a donné un coup d’accélérateur à la réforme administrative amorcée depuis 2022. Principale idée : rendre chaque département pleinement responsable de sa trajectoire de développement, sans alourdir la chaîne décisionnelle.
Cette orientation s’inscrit dans la stratégie nationale de décentralisation, régulièrement saluée par la Commission économique de l’Union africaine pour son « approche graduelle et pragmatique ».
Nouvelles nominations départementales
Le pays compte désormais quinze préfets titulaires. À Brazzaville, Gilbert Mouanda-Mouanda conserve un poste stratégique, tandis que Pierre Cébert Ibocko-Onanga prend les rênes de Pointe-Noire. La Bouenza accueille Marcel Ganongo, figure de la gestion publique locale depuis vingt ans.
Dans les départements récemment redécoupés, Habib Gildas Obambi Oko dirigera Congo-Oubangui et Léonidas Mottom Mamoni supervisera Djoué-Léfini, zone charnière entre la capitale et l’est forestier. Côté nord, Jean Pascal Koumba hérite de la Likouala, territoire sensible aux défis climatiques.
Le tableau se complète avec Frédéric Baron Bouzock à la Cuvette-Ouest, Paul Adam Dibouilou au Kouilou, Jean Christophe Tchikaya en Lékoumou, Micheline Nguessimi dans le Niari, Alphonsine Akobé Opangana à Nkeni-Alima, Jules Monkala Tchoumou au Pool, Jean Jacques Mouanda aux Plateaux et Edouard Denis Okouya pour la Sangha.
Selon le politologue Martial Obambi, « la carte préfectorale reflète un subtil équilibre entre compétences techniques, représentativité géographique et fidélité à la feuille de route présidentielle ».
Renforcer la gouvernance de proximité
Le gouvernement mise sur ces cadres pour fluidifier la relation entre l’État central et les mairies. La mission première reste l’application des grandes politiques publiques, qu’il s’agisse de routes départementales, d’accès à l’eau potable ou de micro-projets agricoles.
À chaque étape, les préfets devront produire des rapports trimestriels harmonisés, afin que les ministères sectoriels disposent d’indicateurs comparables. Cette obligation de reporting est une première au Congo-Brazzaville.
« Nous passons d’une culture de moyen à une culture de résultat », explique un haut fonctionnaire au ministère de l’Administration du territoire, mettant en avant l’usage accru de plateformes numériques pour suivre les chantiers en temps réel.
Le rôle stratégique des secrétaires généraux
Le décret du 6 mai consacre également quinze secrétaires généraux de département. Ces femmes et hommes, à l’image de Thévy Duvel Mongouo Wando à Brazzaville ou Parfaite Eurydice Kodia Tendelet Tongo en Bouenza, formeront le binôme opérationnel du préfet.
Boris Rodolphe Ngandza dans la Cuvette ou Sylvestre Lempoua à Pointe-Noire auront pour tâche de coordonner les services déconcentrés et de veiller à la circulation de l’information administrative.
Le ministère insiste sur la complémentarité entre préfet et secrétaire général : le premier incarne l’autorité de l’État, le second assure la continuité technique des dossiers, même lors des changements politiques.
Équilibre entre expérience et renouvellement
Dix préfets déjà en poste sont reconduits, signe de confiance dans la stabilité. Les cinq entrants apportent, eux, une expertise sectorielle : santé publique pour Emma Henriette Berthe Bassinga dans la Cuvette, génie civil pour Marcel Ganongo ou encore gestion forestière pour Jean Pascal Koumba.
Pour la sociologue Antoinette Mouanda, « ce dosage limite les risques de rupture tout en stimulant l’innovation locale ». Les nouveaux venus devraient s’appuyer sur le savoir institutionnel des sortants, appelés à rejoindre, pour certains, des postes consultatifs à Brazzaville.
Réactions sur le terrain
À Madingou, des associations de jeunes agriculteurs saluent la nomination de Marcel Ganongo, connu pour ses programmes de micro-crédits. Dans la Sangha, les ONG environnementales espèrent qu’Edouard Denis Okouya renforcera la lutte contre l’exploitation illégale du bois.
De son côté, la fédération des chambres de commerce se félicite de la permanence de Gilbert Mouanda-Mouanda, acteur clé dans l’essor du corridor économique Brazzaville-Pointe-Noire.
Numérique et transparence : la prochaine étape
Le gouvernement teste actuellement un portail public permettant de suivre en ligne les budgets départementaux. Les préfets seront évalués sur leur capacité à publier les données budgétaires et les appels d’offres, une initiative décrite comme « révolution silencieuse » par l’ONG Observatoire de la gouvernance civique.
Un pilote mené dans la Likouala a déjà réduit de 20 % les délais d’exécution des marchés publics, selon un rapport interne consulté par notre rédaction.
Perspectives et calendrier à venir
La prise de fonction officielle interviendra le 15 août, date symbolique de la fête nationale. Un séminaire de trois jours réunira à Brazzaville les nouveaux animateurs départementaux pour harmoniser procédures, avant leur installation sur le terrain.
Les indicateurs de performance seront publiés chaque semestre. Pour le Premier ministre, la réforme vise à « mettre l’humain au centre et faire du département le moteur préféré du développement national », un message qui résonne avec les attentes citoyennes recensées lors des consultations de 2024.