Un partage des points lourd de symboles
À Zanzibar, aux confins de l’océan Indien, la sélection congolaise a signé un match nul 1-1 face au Soudan pour son entrée dans le Championnat d’Afrique des nations. L’ouverture du score précoce de Musa à la vingt-neuvième minute a rappelé la vivacité des Faucons du désert, tandis que l’égalisation tardive de Carly Ekongo Landou, à la quatre-vingt-sixième minute, a démontré la résilience de Diables rouges qui n’avaient plus marqué dans la compétition depuis trois cents minutes. « Nous savions que la moindre faute d’inattention serait sanctionnée, mais nous avons su rester disciplinés », confie un membre du staff technique, soulagé de l’issue.
Le ballon envoyé au fond des filets par Japhet Mankou dans le temps additionnel, finalement annulé pour une main au départ de l’action, a brièvement fait croire au hold-up. Les supporters, chaleureux malgré la moiteur zanzibarite, ont gardé de l’épisode l’impression que la sélection possède les ressources mentales pour se hisser au-delà de la simple lutte de poule. Pour les Congolais, un point pris à l’extérieur demeure une monnaie précieuse, surtout dans un groupe où chaque erreur se paiera comptant.
Football et soft power congolo-soudanais
Au-delà du rectangle vert, la rencontre a résonné comme un épisode supplémentaire de la diplomatie sportive. Brazzaville, qui entend rayonner par la culture et le sport, voit dans le CHAN une tribune continentale complémentaire aux forums économiques déroulés ces derniers mois dans la capitale. « Le football reste l’un des langages les plus directs pour consolider une image de stabilité et d’ouverture », rappelle un diplomate congolais présent dans la délégation officielle.
Face au Soudan, autre État en quête de visibilité positive, la partie s’est muée en démonstration de soft power modéré : banderoles bilingues, hymnes orchestrés sur une sono impeccable, poignée de main longuement photographiée entre responsables fédéraux. Dans cette logique, la performance sportive n’est qu’un volet de l’influence recherchée. La Confédération africaine de football applaudit d’ailleurs la capacité des deux pays à mobiliser les diasporas et à envoyer un signal de normalisation, argument non négligeable pour les investisseurs qui scrutent la région.
Complexité logistique d’un déplacement est-africain
Se rendre à Zanzibar suppose un ballet diplomatique et organisationnel rarement décrit. La fédération congolaise a dû affréter un vol charter via Dar es-Salaam, négocier des créneaux d’entraînement aux dimensions réglementaires et transporter trois tonnes de matériel diététique. Un membre du ministère des Sports, interrogé sous anonymat, souligne l’effort conjoint des autorités politiques et du secteur privé pour garantir des conditions comparables à celles des grandes sélections européennes.
Ces réalités logistiques, loin d’être anecdotiques, conditionnent la performance. Le staff médical a ainsi dû adapter la préparation hydrique à une hygrométrie de 85 % au coup d’envoi. L’égalisation tardive témoigne d’une endurance mieux maîtrisée que lors des précédentes campagnes continentales, fruit d’un suivi scientifique renforcé depuis la mise en service, à Brazzaville, du nouveau laboratoire d’évaluation physique inauguré en juin par le ministre Hugues Ngouélondélé.
Lecture tactique et axes de progression
Sur le plan du jeu, l’entraîneur principal a reconduit le 4-2-3-1 qui avait séduit durant la dernière phase préparatoire. Le duo Obongo-Yobi en sentinelles a permis de colmater les brèches après le but soudanais, tandis que l’entrée de Mankou a densifié l’attaque dans le dernier quart d’heure. Les observateurs s’entendent néanmoins sur la nécessité d’améliorer les transitions offensives, jugées trop latérales pour déstabiliser un bloc soudanais compact.
Interrogé après la rencontre, le sélectionneur a rappelé que « la sérénité au milieu est la clef d’un CHAN marathon ». Les statistiques corroborent cette conviction : 59 % de possession pour le Congo mais seulement trois tirs cadrés. Une marge de progression évidente, mais aussi la preuve d’un contrôle mental salutaire pour une équipe encore rajeunie, douze éléments disputant leur premier tournoi continental.
Cap sur le Sénégal, choc aux résonances régionales
La prochaine sortie, programmée le 12 août face au Sénégal, s’annonce déterminante. Les Lions locaux, champions sortants, incarnent un test grandeur nature pour les ambitions congolaises. Un succès placerait d’emblée les Diables rouges dans la course à la première place du groupe, conditionnerait un quart de finale théoriquement plus abordable et, sur le plan symbolique, redonnerait de l’élan à la diplomatie sportive de Brazzaville dans l’espace CEMAC et au-delà.
Le staff se veut prudent, rappelant que le Sénégal pratique un pressing haut et se repose sur des couloirs explosifs. Dans les bureaux de la fédération, on souligne toutefois le bon état d’esprit et la fraîcheur psychologique d’un groupe qui n’a plus la pression d’un impératif de victoire immédiate. « Nous avons une semaine pour peaufiner le plan de jeu, et l’État met tout en œuvre pour que l’équipe évolue sereinement », insiste un haut fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères qui accompagne la délégation afin de renforcer les liens avec les chancelleries présentes sur l’archipel.
Ainsi, le 1-1 inaugural ne se lit pas seulement comme un résultat comptable mais comme l’acte I d’une chronique où sport, géopolitique et coopération régionale dialoguent en filigrane. Zanzibar aura été le théâtre d’un premier équilibre ; Dakar, via Zanzibar, dira si les Congolais peuvent convertir leur capital de sérénité en ascendant durable sur le continent.