Un Conseil national relancé à Kintélé
Le Grand hôtel de Kintélé bruissait, le 18 juillet 2025, des discussions du Conseil national de la santé, réuni pour la deuxième fois depuis 1984. Sous le patronage du Premier ministre Anatole Collinet Makosso, l’assemblée voulait conjuguer ambition politique et expertise médicale.
Quinze membres du gouvernement, des préfets, des partenaires internationaux et des représentants communautaires ont pris place autour des dossiers. Le Dr Vincent Dossou Sodjinou, de l’OMS, a salué « l’engagement renouvelé des autorités » à ériger la santé en moteur du développement.
Le thème choisi, « La gouvernance du système de santé congolais face aux défis de l’ODD 3 », a fixé le cadre : réfléchir aux règles, aux finances et aux talents nécessaires pour offrir à chaque citoyen des soins accessibles, sûrs et adaptés.
Des avancées sanitaires tangibles
Le ministre Jean-Rosaire Ibara a rappelé la mise en service des hôpitaux généraux de Brazzaville et Pointe-Noire, la construction de centres de santé ruraux, ainsi que l’inauguration imminente des hôpitaux de Ouesso et Sibiti, autant de jalons d’une politique d’expansion sanitaire.
Ces investissements visent à rapprocher l’offre de soins, réduire les évacuations coûteuses et renforcer la confiance du public dans l’hôpital national. La priorité donnée aux plateaux techniques modernes laisse espérer un diagnostic plus rapide des pathologies non transmissibles en forte croissance.
La gouvernance au cœur du débat
Autour de neuf thématiques, les experts ont retracé les obstacles persistants : fragmentation des programmes, lenteurs administratives et hétérogénéité des normes entre régions. Tous s’accordent pour dire que la gouvernance, plus que les budgets, détermine la résilience d’un système soumis aux épidémies.
« Sans règles claires, la meilleure dotation reste inefficace », a résumé un consultant national. L’appel a été lancé pour réactualiser le décret fondateur de 1984, afin de clarifier les responsabilités, sécuriser la chaîne d’approvisionnement et consolider la remontée de données sanitaires.
Financements innovants et solidarité domestique
La diversification des financements a occupé une place centrale. Les participants souhaitent augmenter la part du budget national allouée à la santé, mais aussi mobiliser les assurances, les fonds diaspora et les partenariats public-privé, afin de réduire la dépendance vis-à-vis des bailleurs extérieurs.
Un économiste du Trésor souligne que chaque franc domestique investi génère « trois francs de bénéfices socio-économiques ». L’idée d’un prélèvement de solidarité sur certaines exportations a circulé, tout comme la création d’un fonds d’impact guidé par les indicateurs de l’ODD 3.
Equité territoriale et ressources humaines
Les discussions ont insisté sur la nécessité d’équilibrer la répartition des médecins, souvent concentrés dans les deux principales villes. Plusieurs préfets plaident pour des incitations salariales, un logement garanti et un plan de carrière rural, afin de stabiliser durablement les professionnels.
Une étude du ministère révèle que 25 % des postes de sages-femmes restent vacants dans la Cuvette et la Sangha. L’intégration progressive de la télémédecine et du transport médicalisé fluvial est avancée comme solution comprimant les distances sans déserter les territoires.
L’appel à une participation communautaire
Les collectivités locales, appelées à prendre une part plus active, voient dans la délégation de gestion des centres de santé une victoire de la proximité. Toutefois, elles réclament un cadre de redevabilité public pour éviter les chevauchements et garantir l’utilisation optimale des équipements.
Plusieurs associations patientes souhaitent participer aux comités de gestion. « L’expérience d’Ewo a démontré qu’un dispensaire cogéré augmente la fréquentation de 30 % », rappelle une représentante de la société civile, convaincue que la transparence budgétaire reste la meilleure arme contre la méfiance.
Vers la couverture sanitaire universelle 2030
À l’issue de trois jours d’échanges, neuf paquets de recommandations ont été adoptés. Ils concernent la réforme du décret du CNS, la modernisation des équipements, la diversification des financements et le renforcement de la fonction publique territoriale, avec un horizon partagé : couverture sanitaire universelle.
Le Premier ministre a rappelé que « la santé est la première des batailles ». Le calendrier prévoit une actualisation réglementaire en 2025, puis une évaluation annuelle. Les partenaires techniques ont promis d’aligner leur appui sur cette feuille de route pilotée depuis Brazzaville.
Un calendrier réformateur sous surveillance
Pour suivre les progrès, le CNS mettra en ligne un tableau de bord affichant taux de couverture vaccinale, disponibilité des médicaments et répartition géographique du personnel. Les données seront publiques, une première qui devrait nourrir recherche académique, innovation entrepreneuriale et vigilance citoyenne.
Les observateurs notent toutefois que la réussite dépendra de la rapidité de décaissement des budgets et de la coordination interministérielle. En attendant, l’optimisme domine : le CNS réaffirme que l’équité en santé n’est pas un slogan, mais une condition de la cohésion nationale.
Perspectives régionales
Dans les départements, les conseils sanitaires départementaux disposeront désormais d’indicateurs propres pour suivre la mortalité maternelle et la prévalence du paludisme. Ces tableaux locaux doivent guider la planification budgétaire et favoriser la mutualisation des ambulances entre districts voisins, limitant les dépenses superflues.
Le Pr Ibara assure qu’un mécanisme de solidarité inter-départements viendra compenser les écarts fiscaux. « Nous voulons un système où les ressources suivent les besoins et non l’inverse », explique-t-il, promettant une revue semestrielle à l’Assemblée nationale pour maintenir l’élan politique.