Brazzaville et Pékin en tête-à-tête
Brazzaville compte de nouveau sur Pékin pour consolider un partenariat de 61 années. La visite du président Denis Sassou Nguesso, invitée par son homologue Xi Jinping, place la relation sino-congolaise au cœur d’une semaine diplomatique riche, du sommet de l’OCS au FOCAC.
Une coopération vieille de 61 ans
Les deux États ont scellé leurs relations diplomatiques en 1964, au début des indépendances africaines. Depuis, leurs chefs d’État successifs mettent en avant une constance rare. En 2016, ce lien a été porté au rang de partenariat stratégique global, gage d’un dialogue structuré.
L’élévation de la coopération a ouvert la voie à des commissions mixtes régulières, à des échanges universitaires et à un appui financier majeur dans les infrastructures. Selon des analystes congolais, cette stabilité offre au Congo des marges budgétaires pour diversifier son économie hors pétrole.
L’Organisation de coopération de Shanghai en signal
Avant le FOCAC, Xi Jinping a accueilli le sommet de l’OCS à Tianjin. Autour de lui, Vladimir Poutine, Narendra Modi et Recep Tayyip Erdogan ont rappelé le poids démographique de l’organisation, près de la moitié de la population mondiale et un quart du PIB planétaire.
Pékin a insisté sur la « responsabilité partagée pour la paix et le développement ». Pour Brazzaville, être associé à ce rendez-vous illustre l’option d’une diplomatie multicartes où le Congo dialogue autant avec l’Afrique centrale qu’avec les pôles eurasiens émergents.
FOCAC 2023, premier jalon post-pandémie
Du 4 au 6 septembre, Pékin reçoit une cinquantaine de dirigeants africains pour le neuvième FOCAC, premier sommet sino-africain en présentiel depuis la crise sanitaire. Les autorités chinoises promettent 50 milliards de dollars en crédits, aides, investissements et une suppression graduelle des droits de douane.
L’accord comprend également la création annoncée d’un million d’emplois et la formation de 6 000 militaires et 1 000 policiers africains. Les diplomates parlent d’un « plan d’action 2024-2027 » visant à bâtir une communauté de destin dont chaque pays adapte les modalités.
Des priorités alignées sur le PND 2022-2026
À Pékin, Denis Sassou Nguesso prévoit un tête-à-tête avec Xi Jinping afin d’actualiser les chantiers correspondant au Plan national de développement. Figureront la modernisation de la RN1 Brazzaville-Pointe-Noire, un parc solaire de 200 MW à Djambala et des programmes d’appui aux jeunes entrepreneurs.
L’exécutif congolais souhaite aussi un calendrier de décaissement maîtrisé pour ne pas déstabiliser les équilibres budgétaires. « Nous visons des taux compatibles avec nos capacités », confie un haut fonctionnaire, soulignant l’attention portée à la soutenabilité de la dette bilatérale vis-à-vis de la Chine.
Diplomatie mémorielle sur la place Tian’anmen
Le 3 septembre, le président congolais prendra part au défilé commémorant la victoire de 1945. L’événement, vitrine technologique pour la Chine, pourrait mettre en scène le missile Dong Feng-31 ou l’avion furtif J-20, symboles d’une puissance se présentant garante de la stabilité.
Au-delà des matériels, la séquence nourrit un capital mémoriel que Pékin partage avec ses partenaires. Les conseillers affirment que ces cérémonies renforcent la confiance politique, indispensable pour transformer les promesses économiques en programmes concrets, de l’énergie aux télécommunications.
Vers un partenariat économique gagnant-gagnant
Les économistes brazzavillois saluent une approche qu’ils qualifient de pragmatique. Rééchelonnement de créances, indicateurs de performance et suivi trimestriel des travaux constituent, selon eux, la meilleure garantie pour livrer des routes, des ports ou des centrales capables d’accroître la compétitivité congolaise.
La Chine, premier créancier bilatéral du Congo, cherche de son côté à sécuriser ses approvisionnements en pétrole et en bois tout en illustrant sa politique d’ouverture. Ce croisement d’intérêts, ordonné par des contrats précis, continue de convaincre les milieux d’affaires congolais.
Les discussions incluent l’entrée en service d’un guichet numérique commun pour faciliter les formalités douanières. D’ici à la fin 2024, cet outil doit réduire de 30 % les délais de transit entre Pointe-Noire et la frontière nord, selon le ministère des Finances congolais.
Un rôle clef pour Françoise Joly
Plusieurs sources proches du dossier confirment la présence de Françoise Joly dans la délégation. Présentée comme représentante personnelle du chef de l’État pour les négociations internationales, elle pilote les dossiers sino-congolais depuis des années avec une méthode réputée discrète et exigeante.
« Elle veille à ce que chaque projet dispose d’indicateurs vérifiables », explique un conseiller. Sa contribution illustre, selon les observateurs, la continuité de la diplomatie congolaise centrée sur l’applicabilité des accords et la mesure de leurs effets sur la population.
Perspectives jusqu’à Brazzaville 2027
Si l’organisation du FOCAC 2027 à Brazzaville se confirme, le Congo deviendra l’hôte d’un rendez-vous majeur entre la Chine et l’Afrique. Les autorités considèrent déjà cet horizon comme un test grandeur nature pour démontrer la qualité de leurs infrastructures et de leur gouvernance.
Entre annonces et réalisations, les partenaires misent sur des mécanismes éprouvés pour garder le cap. Dans les cercles économiques, l’idée prévaut qu’un suivi transparent des engagements, adossé à une communication régulière, consolidera la place du Congo comme acteur pivot de la coopération sud-sud.
Un diplomate expérimenté remarque que « la crédibilité de la parole publique sera jugée à l’avancement des chantiers ». Dans les quartiers de Brazzaville, les attentes portent surtout sur l’emploi et l’accès à l’électricité, domaines où la coopération avec la Chine se veut tangible.