Un établissement stratégique longtemps secoué
Aux abords de Mfilou, l’imposant Centre hospitalier et universitaire de Brazzaville, poumon de la santé publique congolaise, résonnait encore récemment de slogans revendicatifs. Depuis plus d’un an, des interruptions de service et des assemblées générales à répétition sapaient la confiance des patients comme du personnel. L’ultime point d’orgue fut atteint le 25 juillet 2025, lorsque l’Intersyndicale, rassemblant onze organisations, posa sans détour la question du maintien du professeur Thierry Raoul Alexis Gombet à la direction générale. Cet ultimatum, publié dans une déclaration en douze points, menaçait de replonger le pays dans une crise sanitaire dont il se remet à peine après la pandémie mondiale.
La médiation institutionnelle, clé de voûte du compromis
Consciente de l’urgence, la Direction départementale du travail de Brazzaville a mobilisé ses prérogatives régaliennes pour favoriser un dialogue tripartite. « L’État reste le garant de la paix sociale, surtout quand il s’agit d’un hôpital de référence », rappelle Yves Roger Tséké-Tséké Ayongo, le directeur départemental, évoquant l’article 2 du Code du travail qui fait de la conciliation la première voie de règlement des différends collectifs. Entre le 4 et le 8 août, deux sessions se sont tenues successivement au siège de l’administration du travail puis au CHU-B. L’ambiance, qualifiée d’“exigeante mais respectueuse” par un participant syndical, a permis de distinguer les revendications strictement professionnelles des griefs plus politiques, rapidement écartés pour préserver la neutralité de la négociation.
Des engagements chiffrés pour tourner la page
Le relevé de conclusions, signé le 8 août dans la salle de conférence fraîchement rénovée, fixe plusieurs jalons concrets. Il prévoit l’organisation, avant le 31 août 2025, de la commission paritaire d’avancement et de sécurité sociale, pierre angulaire des carrières hospitalières. La réhabilitation des services de médecine interne et de chirurgie, déjà entamée grâce au Programme national d’investissement hospitalier, doit se poursuivre avec la création d’un Comité d’hygiène et de sécurité doté d’un budget propre. Une commission mixte évaluera, d’ici fin octobre, la dette historique de l’établissement envers la Caisse nationale de sécurité sociale, tandis qu’une redynamisation du mécanisme de suivi des arriérés au Trésor public est annoncée. À court terme, le gouvernement est sollicité pour honorer les deux mois de salaires encore dus, engagement que le ministère des Finances affirme « suivre avec diligence ».
Entre impératifs budgétaires et modernisation indispensable
L’accord ne gomme pas les réalités financières qui pèsent sur le premier plateau technique du pays. Selon un rapport interne consulté, plus de 40 % des équipements biomédicaux majeurs attendent une maintenance lourde. Dans le même temps, l’afflux de patients, estimé à 1 600 passages quotidiens, requiert une optimisation logistique afin d’éviter les ruptures en consommables. Le professeur Gombet se veut toutefois optimiste : « Le gouvernement, en partenariat avec nos bailleurs, a réaffirmé sa volonté de faire du CHU-B un modèle sous-régional. La trajectoire est exigeante, mais réalisable. » Les syndicats, eux, insistent sur l’importance d’une formation accélérée au droit syndical pour les responsables des ressources humaines, gage d’un climat durablement pacifié.
Vers une culture de concertation pérenne
La Direction départementale du travail se réserve un rôle de vigie et programme déjà des revues trimestrielles pour mesurer l’application des engagements. Pour le sociologue Jean-Brice Ondongo, spécialiste des relations professionnelles, « la véritable innovation n’est pas tant l’accord lui-même que l’acceptation partagée d’un mécanisme de négociation continue ». Les acteurs s’accordent à reconnaître qu’une paix sociale ne se décrète pas ; elle se construit dans le respect mutuel et la transparence des chiffres. Si les ressources financières suivent le rythme des promesses, le plus grand hôpital du Congo pourrait enfin substituer le bourdonnement régulier des soins à la cacophonie des sifflets de grève, au bénéfice d’une population brazzavilloise avide de services de santé fiables.