Financement européen contre le choléra
La Croix-Rouge congolaise vient de franchir une étape décisive dans la lutte contre le choléra grâce à un financement de 220 000 euros accordé par l’Union européenne. Cette enveloppe soutient le lancement d’un Fonds d’urgence destiné à renforcer les interventions humanitaires nationales.
Étalée sur quatre mois, l’opération doit toucher au moins 15 000 personnes en leur garantissant eau potable, soins de santé, assainissement, hygiène et information préventive. L’initiative se terminera fin décembre 2025, période jugée cruciale pour contenir les flambées actuelles.
Cérémonie de lancement à Brazzaville
La cérémonie officielle s’est tenue le 25 août 2025 à l’hôtel Saint-François-de-Paul, à Brazzaville. Malik Loemba-Makosso, premier vice-président de la C.r.c, a présenté le Fonds devant des partenaires techniques, des représentants de la Fédération internationale et plusieurs cadres ministériels.
« Cet appui confirme la confiance placée dans notre société nationale », a indiqué Gabriel Goma Mahinga, secrétaire général. Selon lui, le pays reste exposé aux vagues régionales en provenance d’Angola et de la République démocratique du Congo, deux États voisins où l’infection circule toujours.
Propagation régionale et zones sensibles
Les navettes fluviales quotidiennes entre Kinshasa et Brazzaville, associées aux marchés transfrontaliers, créent un corridor épidémiologique difficile à contrôler. La promiscuité à bord des pirogues et la faible disponibilité en eau traitée favorisent l’introduction de nouveaux cas dans la capitale congolaise.
Faute de kits de prélèvement suffisants, plusieurs cas suspects n’ont pu être confirmés par le laboratoire national. Cette limite technique complique la veille épidémiologique, car chaque diagnostic tardif retarde l’isolement et l’orientation des patients vers les structures de traitement oral.
Les données compilées par la cellule de crise montrent toutefois un recul net sur l’Île Mbamou, ancien épicentre. Les équipes d’intervention rapide y ont installé des points de chloration et conduisent des rondes quotidiennes pour mesurer la turbidité de l’eau et la bonne utilisation des latrines.
À l’inverse, le département sanitaire du Congo-Oubangui enregistre une hausse préoccupante. Mossaka, Loukoléla et leurs villages périphériques affichent des grappes de cas, stimulées par les crues saisonnières qui contaminent les puits peu profonds et réduisent la disponibilité d’eau propre pour les ménages.
Le professeur Donatien Mounkassa, représentant le ministère de la Santé, estime que le taux de létalité de 7,1 % reste élevé mais contrôlable. « Nous disposons d’assez de sels de réhydratation pour stabiliser les victimes, le défi est de détecter rapidement chaque patient », a-t-il déclaré.
Mesures opérationnelles de la Croix-Rouge
Le nouveau financement ouvre un volet de renforcement des capacités communautaires. Des volontaires formés relayeront des messages adaptés sur le lavage des mains, la préparation sécurisée des repas et la désinfection domestique, stratégies reconnues pour réduire jusqu’à 75 % le risque d’infection dans les foyers.
Parallèlement, des ingénieurs eau-hygiène-assainissement réhabiliteront six forages et installeront des réservoirs chlorés provisoires. Les localités dépourvues de réseau public recevront des pastilles d’hypochlorite et des filtres céramiques, tandis que les écoles serviront de relais pour sensibiliser les élèves, vecteurs d’information incontournables auprès des familles.
La coordination avec la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge garantit un suivi rigoureux. Des tableaux de bord géolocalisés partageront chaque semaine l’évolution des cas, facilitant le déploiement flexible des stocks d’urgence et l’ajustement des équipes médicales mobiles.
Le projet s’inscrit également dans la stratégie gouvernementale de sécurité sanitaire, axée sur la préparation aux catastrophes et la résilience des systèmes locaux. Les autorités saluent le rôle catalyseur de la Croix-Rouge, dont l’action vient compléter les campagnes de vaccination anticholérique planifiées dans les districts frontaliers.
Sur le terrain, les chefs coutumiers et les leaders religieux sont associés dès la conception des messages. Leur caution facilite l’adhésion collective et rassure les ménages, souvent méfiants envers les interventions extérieures. Le projet prévoit des radios communautaires et des causeries éducatives en langues locales.
Enjeux durables pour la santé congolaise
D’un point de vue économique, l’enveloppe européenne arrive dans un contexte budgétaire tendu. Les coûts induits par l’épidémie, notamment la perte de journées de travail et la surcharge des centres de santé, menacent les revenus des familles rurales déjà fragilisées par la hausse récente des carburants.
Les responsables de la C.r.c insistent toutefois sur le caractère transitoire de ce fonds. « Notre ambition est d’amorcer un cercle vertueux; une fois la courbe descendante confirmée, nous passerons à l’étape de consolidation des acquis », explique Malik Loemba-Makosso, soulignant l’importance d’un financement national durable.
Au-delà de la riposte immédiate, cette expérience pourrait servir de modèle aux futures crises hydriques. Elle démontre la capacité congolaise à absorber une aide internationale, à coordonner rapidement les acteurs et à préserver la cohésion sociale, trois atouts structurants pour la santé publique du pays.
À court terme, les indicateurs de l’épidémie guideront la désactivation progressive du Fonds. À long terme, l’enjeu sera de maintenir les progrès en matière d’accès à l’eau salubre, car une fois l’attention médiatique retombée, la vigilance communautaire demeure le meilleur rempart contre une recrudescence.