Situation épidémiologique actualisée
Le dernier rapport de situation n° 6 diffusé par le Bureau régional de l’Organisation mondiale de la Santé dresse, au 7 août 2025, un tableau précis de l’évolution du choléra sur l’ensemble du territoire national. Depuis le début de l’année, 1 842 cas suspects ont été notifiés, dont 67 décès, soit une létalité moyenne de 3,6 %. Trois départements – la Likouala, le Kouilou et Brazzaville – concentrent 78 % des cas, avec des foyers épidémiques encore actifs le long du fleuve Congo et dans certaines zones périurbaines où l’approvisionnement en eau potable demeure irrégulier.
Les données montrent cependant un infléchissement de la courbe épidémique durant la dernière quinzaine de juillet, fruit d’une détection plus précoce et d’une meilleure orientation des patients vers les centres de traitement spécialisés. « La situation est sous contrôle vigilant », assure le docteur François Billé, directeur de la surveillance épidémiologique au ministère de la Santé, soulignant que le délai médian entre l’apparition des symptômes et la prise en charge a été réduit de 48 à 24 heures.
Des facteurs environnementaux persistants
Le retour saisonnier des pluies, combiné à la remontée du niveau du fleuve, constitue un terreau favorable à la propagation de Vibrio cholerae. Le ruissellement lessive les sols, charrie les déchets et contamine les points d’eau non protégés. Les zones de pêche et les marchés informels, où poisson et manioc sont souvent lavés dans l’eau brute, demeurent des maillons critiques de la chaîne de transmission.
Les experts rappellent également que la densification rapide de certains quartiers périphériques, parfois dépourvus de systèmes d’assainissement formalisés, augmente l’exposition des populations vulnérables. « Le défi est à la frontière de la santé et de l’urbanisme », souligne le géographe Ndala Makouta, qui plaide pour une cartographie fine des points d’eau à risque afin d’orienter les investissements municipaux.
Une riposte gouvernementale en montée en puissance
Face à l’alerte, le gouvernement congolais a déclenché, dès juin, son plan ORSEC Santé, libérant un budget additionnel de 3 milliards de francs CFA pour l’achat de sels de réhydratation orale, d’antibiotiques de première ligne et de matériel de diagnostic rapide. Des unités mobiles ont été redéployées dans dix-sept districts pour appuyer les équipes locales et renforcer le système d’alerte précoce.
Le ministre de la Santé, Dr Gilbert Mokoki, rappelle que « la gratuité totale du traitement du choléra est garantie dans les structures publiques », une mesure saluée par les associations communautaires. Par ailleurs, la campagne médiatique « Zéro déshydratation » diffusée sur les radios communautaires et les réseaux sociaux en lingala et en kituba insiste sur l’hydratation immédiate au premier signe de diarrhée.
Les partenaires internationaux à l’œuvre
Aux côtés des autorités nationales, l’OMS, l’UNICEF et Médecins d’Afrique ont déployé vingt-six logisticiens et spécialistes WASH, tandis que le Centre africain de contrôle des maladies a fourni 10 000 doses de vaccin anticholérique oral pour une campagne ciblée dans les zones riveraines de la Likouala. Une équipe du Programme alimentaire mondial assure parallèlement le transport aérien de kits de chloration vers les localités enclavées.
« L’alignement des partenaires sur la stratégie nationale permet d’éviter les chevauchements et d’optimiser chaque franc dépensé », se félicite la représentante de l’OMS, Dr Aïcha Diallo, qui souligne la tenue hebdomadaire d’un comité de coordination élargi intégrant société civile et mairies.
Prévention communautaire et communication de crise
Au-delà des réponses curatives, la maîtrise durable du choléra passe par l’adoption de comportements préventifs. Des relais communautaires sillonnent désormais marchés et gares routières pour initier les usagers au lavage des mains au savon, tandis que 420 plateformes de micro-influenceurs sur WhatsApp diffusent des messages audiovisuels adaptés aux réalités locales.
Le clergé catholique et les imams se sont également engagés à rappeler les fondamentaux d’hygiène à l’issue des offices, un levier jugé décisif dans les villages où l’autorité religieuse demeure la principale source d’information. Ce maillage de proximité explique, en partie, la baisse récente du nombre de foyers secondaires identifiés.
Perspectives sanitaires à court terme
Les modèles épidémiologiques élaborés par l’Institut national de recherche en sciences de la santé anticipent un reflux progressif des cas dès la fin du pic pluviométrique, en octobre, à condition que les mesures d’assainissement soient maintenues et que la deuxième phase de vaccination orale, prévue pour septembre, atteigne le taux de couverture de 80 %.
Les autorités tablent sur un retour au seuil endémique d’ici le premier trimestre 2026. Toutefois, la normalisation passera par des investissements structurels dans l’accès à l’eau potable et la gestion des déchets. Dans l’intervalle, la vigilance demeure de mise : « Nous avons engagé la course contre la bactérie et nous ne pouvons nous permettre aucun relâchement », rappelle Dr Mokoki, résumant l’état d’esprit d’une riposte désormais bien ancrée dans la durée.