Une obligation régionale encore mal connue
Vingt-quatre ans après son entrée en vigueur, la carte rose Cemac demeure un document mystérieux pour nombre de conducteurs congolais. Pourtant, depuis le 20 juillet 2000, elle figure légalement au même rang que l’attestation d’assurance responsabilité civile, couvrant tout véhicule circulant dans l’espace Cemac.
Instituée par le protocole d’accord du 5 juillet 1996, la carte rose vise à uniformiser la protection des victimes d’accidents de la route et à accélérer le règlement des sinistres. Les chefs d’État de la sous-région l’ont approuvée dès la même année, soulignant son rôle intégrateur.
Robert André Elenga à la manœuvre à Brazzaville
Dans le quatrième arrondissement Moungali, le bureau pays de la carte rose pivote désormais autour de la détermination de Robert André Elenga. Le secrétaire permanent a lancé une série d’ateliers et de rencontres afin de présenter aux automobilistes les bénéfices concrets du dispositif.
« Nous devons sortir la carte rose des tiroirs et la mettre dans les gants de chaque voiture », confie-t-il, rappelant que le Conseil des bureaux de la carte internationale d’assurance a demandé une vulgarisation plus soutenue. Pour lui, informer reste la première police d’assurance.
Soulager les victimes, simplifier la route
Le principe est simple : un conducteur détenteur de la carte rose bénéficie d’une reconnaissance automatique de sa couverture responsabilité civile dans tous les pays membres. Cette portabilité limite les tracasseries en cas d’accident transfrontalier et garantit une prise en charge rapide des dommages.
Faute d’information, certains automobilistes subissent encore des retenues prolongées de véhicules ou des gardes à vue, surtout lorsqu’un sinistre survient hors des frontières nationales. La carte rose entend réduire ces obstacles à la libre circulation des personnes et des biens, élément clé de la politique communautaire.
Défis congolais et mobilisation des acteurs
Les forces de l’ordre, souvent en première ligne des contrôles routiers, ignorent parfois l’existence même de la carte rose. Cette méconnaissance brouille la conformité des documents présentés et entretient la méfiance des conducteurs, selon plusieurs témoignages recueillis dans les parkings de Poto-Poto.
Les assureurs, de leur côté, y voient une opportunité commerciale et citoyenne. « En proposant systématiquement la carte rose, nous densifions nos portefeuilles et rassurons le public », explique un responsable commercial d’une compagnie locale. La sensibilisation conjointe avec les policiers s’annonce donc décisive pour gagner la confiance du terrain.
Intégration régionale : un test grandeur nature
Au-delà de la sphère technique, la carte rose symbolise la vision d’un marché unique voulu par la Cemac. Plus les automobilistes l’adoptent, plus la mobilité intra-communautaire devient fluide, créant un climat propice aux échanges commerciaux et touristiques.
Pour Brazzaville, ville carrefour entre les rives du Congo, la réussite de la campagne pourrait accroître l’attractivité économique et encourager les transports terrestres. Robert André Elenga l’affirme : « La carte rose fait gagner du temps, de l’argent et de la sérénité, trois facteurs essentiels au développement. »
Perspectives d’une adoption massive
Les bureaux nationaux planchent sur des supports pédagogiques simplifiés, du spot radio au dépliant illustré, afin d’expliquer les démarches d’obtention. L’objectif officiel est de voir chaque police automobile inclure automatiquement la carte rose d’ici peu, sans surcoût pour l’assuré.
À moyen terme, des points de validation numériques pourraient apparaître aux postes frontaliers, permettant de vérifier la validité du document en temps réel. Cette évolution, déjà évoquée par le Conseil des bureaux, renforcerait la crédibilité du système et rapprocherait la sous-région des standards internationaux.
Une évolution attentive aux attentes citoyennes
Les usagers interrogés saluent l’initiative mais souhaitent des actions concrètes. « Si les forces de l’ordre ne reconnaissent pas la carte rose, son utilité reste théorique », résume un chauffeur de bus urbain. L’enjeu est donc double : former les agents et convaincre les conducteurs.
L’expérience montre qu’une communication régulière, combinant réseaux sociaux, réunions de quartier et partenariats avec les auto-écoles, peut inverser la tendance. Elle contribue par la même occasion à diffuser une culture de l’assurance, encore perfectible dans la région.
Vers un futur routier plus sûr et harmonisé
En s’appuyant sur les recommandations communautaires, la République du Congo consolide son cadre réglementaire tout en affirmant sa place au cœur du projet d’intégration. Le succès de la carte rose pourrait servir de modèle à d’autres initiatives, de la vignette sanitaire au permis de conduire biométrique.
Pour l’heure, la campagne de vulgarisation offre un laboratoire à ciel ouvert. Chaque conducteur informé, chaque agent convaincu et chaque assureur engagé rapprochent un peu plus la sous-région de l’objectif fixé en 1996 : une route plus sûre, plus équitable et véritablement sans frontières.