Sortie littéraire : un nouvel hommage au cardinal
Le romancier congolais Dominique M’Fouilou ravive la mémoire du cardinal Émile Biayenda avec « L’apologie d’une prière », son deuxième ouvrage consacré au prélat assassiné en 1977. Paru chez Jets d’Encre, le livre de 158 pages propose un récit entre foi, justice et résistance.
Commercialisé en France à 17,60 € et annoncé à 11 500 F CFA dans les librairies congolaises, l’essai est attendu par une génération désireuse de comprendre la période trouble qui entoura la disparition du premier cardinal du Congo-Brazzaville.
Treize ans après « Ci-gît le cardinal achevé », M’Fouilou explore de nouveaux témoignages, notamment celui de Mgr Louis Badila, fidèle compagnon d’Émile Biayenda, pour éclairer le lecteur sur les enjeux spirituels et humains d’une figure considérée comme bienheureuse par de nombreux Congolais.
Le cardinal Biayenda, parcours d’un pasteur courageux
Nommé archevêque de Brazzaville en 1971 puis élevé au cardinalat en 1973, Émile Biayenda s’est engagé pour la justice sociale et le dialogue dans un contexte marqué par la transition postcoloniale et les rivalités politiques.
À l’époque, ses prises de parole en faveur des plus vulnérables faisaient écho aux orientations de l’Église africaine, déterminée à participer au développement national tout en préservant l’unité du peuple.
Son enlèvement par un groupe de militaires le 22 mars 1977, suivi de son assassinat quelques heures plus tard, bouleversa la nation. Les circonstances exactes demeurent encore débattues, mais la figure du cardinal reste celle d’un martyr pacifique.
Dominique M’Fouilou, une plume entre exil et mémoire
Né à Brazzaville et établi en France depuis plusieurs décennies, l’auteur est diplômé de l’EHESS et docteur en connaissance du tiers-monde. Son parcours universitaire nourrit une approche rigoureuse mêlant anthropologie, histoire et littérature.
Son premier roman, « Fuir l’enfer de Brazzaville », paru en 2000, avait décrit l’errance d’un jeune Congolais lors des conflits de la décennie 1990. Depuis, M’Fouilou poursuit une œuvre marquée par la question de l’enracinement et de la transmission.
Interrogé par notre rédaction, il confie : « Je voulais montrer que la prière peut être une arme pacifique face à la violence. Le cardinal Biayenda l’a incarné à un degré héroïque ». Ses mots traduisent un engagement littéraire au service du spirituel.
Un récit au carrefour de la foi et de l’histoire
La structure du livre alterne narration chronologique et méditations théologiques. Chaque chapitre débute par un psaume ou une invocation, avant de replonger dans les événements de mars 1977 qui secouèrent Brazzaville.
M’Fouilou insiste sur la figure de Mgr Louis Badila, témoin clé des derniers instants. Le prélat, aujourd’hui à la retraite, aurait contenté l’auteur d’anecdotes révélant l’humour discret et la patience du cardinal face aux tensions politiques.
Loin d’un simple hommage, l’essai interroge le rôle de l’Église dans la consolidation de l’État et la défense des droits fondamentaux. À travers la trajectoire de Biayenda se dessine l’aspiration plus large des Congolais à la paix durable.
Où se procurer « L’apologie d’une prière » ?
Les premières livraisons sont attendues à Brazzaville chez L’Hibiscus, Arts et Culture et Tabati Bookshop, tandis qu’à Pointe-Noire la librairie Les Manguiers annonce un lancement début octobre avec une séance de dédicace virtuelle.
En France, l’ouvrage figure déjà sur les plateformes habituelles. Toutefois, l’auteur encourage les lecteurs de la diaspora à commander auprès des librairies congolaises pour soutenir l’économie locale du livre, encore en phase de structuration.
Selon Jets d’Encre, un tirage initial de 3 000 exemplaires a été effectué. Si la demande dépasse les prévisions, une réimpression pourrait intervenir avant la fin de l’année afin de garantir la disponibilité durant les fêtes.
Mémoire, spiritualité et jeunesse congolaise
Les enseignants de culture religieuse voient dans ce livre un support pédagogique adapté aux lycéens. « Il offre des repères historiques sans négliger la dimension morale », souligne Joseph Samba, professeur à l’Institut Don Bosco.
Pour de nombreux jeunes, Biayenda reste une icône positive, incarnation de la fraternité. Sa mémoire se perpétue à travers des mouvements scouts, des chorales et désormais des œuvres littéraires accessibles, participe Lucie Nganga, animatrice paroissiale à Moungali.
En invitant au recueillement plutôt qu’à la confrontation, « L’apologie d’une prière » s’inscrit dans la dynamique nationale de promotion de la cohésion sociale. Le livre rappelle que le dialogue constructif et la foi peuvent être des leviers de progrès partagé.
Regards critiques et universitaires
À l’Université Marien-Ngouabi, le département d’histoire prépare déjà un séminaire autour de l’ouvrage. Selon la maîtresse de conférences Thérèse Mabiala, le texte permet d’analyser la relation entre leadership religieux et transitions politiques en Afrique centrale sans dénaturer les sources.
La presse culturelle parisienne salue également la qualité narrative. La revue Présence Francophone écrit que M’Fouilou « combine sens du détail et sobriété à la manière d’un chroniqueur », tandis que le mensuel Afrique Magazine voit dans le livre « un outil de réconciliation ».
Par ses thèmes, l’essai rejoint un mouvement plus large d’auteurs congolais valorisant la mémoire collective, de Wilfried N’Sondé à Fann Attiki. L’essor d’initiatives éditoriales locales confirme l’appétit grandissant pour des œuvres ancrées dans l’histoire nationale.
Le livre s’annonce déjà comme un succès de librairie.