Une trajectoire budgétaire scrutée
Devant députés et sénateurs réunis au Palais des Congrès, le Premier ministre Anatole Collinet Makosso a dévoilé le Cadre budgétaire à moyen terme 2026-2028, feuille de route financière censée traduire, en chiffres, la vision de développement portée par le président Denis Sassou Nguesso.
En filigrane, l’exécutif souhaite élargir l’espace budgétaire, maintenir la dynamique de désendettement et muscler la croissance, tout en protégeant les plus vulnérables des effets d’inflation et de volatilité des matières premières qui, depuis Brazzaville, se ressentent jusqu’aux marchés de quartier.
Le document présente des prévisions de recettes passant de 2 479,4 milliards de francs CFA en 2026 à 2 732,4 milliards en 2028, soit une hausse moyenne de 1,8 %, modérée mais jugée réaliste par les techniciens du ministère des Finances.
Recettes : cap sur la mobilisation locale
Premier pilier annoncé, l’optimisation des revenus pétroliers et gaziers devra s’accompagner d’une transparence renforcée afin de rassurer partenaires extérieurs et citoyens sur l’usage des rentes extractives, moteur historique mais non éternel de l’économie congolaise.
Le gouvernement table aussi sur une progression annuelle de 3,9 % des recettes fiscales, grâce à la digitalisation du recouvrement au guichet unique, à la réduction des exonérations et au recentrage de la fonction bancaire du Trésor, rappelé par le chef de l’État.
Pour diversifier les rentrées, la redynamisation du portefeuille public d’entreprises est envisagée via des audits et des partenariats public-privé, afin que ces actifs, longtemps sous-performants, contribuent davantage à la valeur ajoutée nationale et, in fine, à l’emploi des jeunes diplômés.
La digitalisation englobe déjà la vignette automobile et la plateforme e-impôts, où plus de 2 000 entreprises déclarent désormais en ligne, réduisant fraudes et files d’attente, d’après la Direction générale des impôts qui promet l’extension aux taxes foncières dès 2025.
Dépenses : investir pour transformer
Côté dépenses, l’exécutif privilégiera les crédits en capital, concentrés sur l’énergie, la logistique, l’agriculture, le numérique et l’économie carbone, secteurs considérés comme catalyseurs d’industrialisation rapide dans le Plan national de développement 2022-2026.
Le Premier ministre insiste sur l’augmentation des dépenses sociales en parallèle: écoles rurales, couverture santé universelle et filets de sécurité doivent absorber les chocs et favoriser une croissance inclusive, condition d’une stabilité durable selon les économistes de l’Université Marien-Ngouabi.
Toutefois, la modernisation de la gestion publique passe par le budget-programme, outil exigeant une stricte discipline des ordonnateurs. « Nous devons exécuter uniquement les budgets votés, sans dérogation », rappelle Christian Yoka, ministre délégué aux Finances, en écho aux préoccupations parlementaires.
L’exécutif veut également sécuriser les projets grâce au Fonds souverain intergénérationnel, dont une partie des recettes pétrolières sera placée pour garantir l’entretien des infrastructures et soutenir la transition énergétique à long terme, un dispositif salué par plusieurs analystes régionaux.
Dette publique : entre prudence et opportunité
Le stock de dette reste supérieur au seuil communautaire de la CEMAC, mais sa trajectoire se réduit graduellement depuis 2022 grâce aux restructurations et à la reprise des paiements pétroliers différés, selon la Direction générale du Trésor.
Face à un gap de financement persistant, Brazzaville entend combiner appuis budgétaires multilatéraux et recours mesuré aux marchés financiers régionaux, où les taux se normalisent après la poussée de 2023. « L’objectif est de n’emprunter que pour des projets générateurs de revenus », assure un conseiller.
Les autorités comptent également sur une meilleure notation souveraine, soutenue par la mise en œuvre des réformes structurelles exigées par le programme avec le Fonds monétaire international, pour réduire le coût du service de la dette et libérer des marges pour les infrastructures.
Selon le professeur Jean-François Obambi, spécialiste en finances publiques, « le défi sera de maintenir un ratio dette/PIB soutenable sans casser l’investissement productif ; la crédibilité viendra de la publication régulière des rapports d’avancement et d’un dialogue permanent avec la société civile ».
Le regard des parlementaires et de la jeunesse
Au sein de l’Assemblée, la commission Économie et Finances exige le strict respect de l’orthodoxie budgétaire. « Nous voulons des lois de finances réalistes et exécutées à la lettre », martèle son président Maurice Mavoungou, appelant à intégrer le Programme accéléré de développement communautaire.
Les jeunes entrepreneurs, eux, attendent des facilités d’accès au crédit et des infrastructures fiables pour lancer leurs projets agricoles ou numériques. « Si l’État investit dans les routes et l’électricité, nous ferons le reste », confie Léa Ayessa, fondatrice d’une start-up agrotech.
Dans les campus, l’annonce d’une hausse des bourses et du budget éducatif est saluée, mais les syndicats rappellent que la réussite passe aussi par la qualité des enseignants et des équipements, facteurs indispensables à l’émergence d’une main-d’œuvre compétitive.
Perspectives 2026-2028 : un équilibre à trouver
En somme, le CBMT 2026-2028 trace une route prudente, misant sur une collecte fiscale modernisée et des investissements ciblés pour soutenir une croissance espérée à 4 %, tout en consolidant la stabilité macroéconomique, condition d’attractivité pour les capitaux internationaux.
Le débat parlementaire a montré un consensus sur les objectifs, mais la réussite dépendra de l’exécution rigoureuse, de la transparence et de la capacité à mobiliser chaque Congolais derrière un projet collectif apte à transformer les chiffres budgétaires en progrès tangibles.