Une cérémonie de mémoire nationale
Sous le soleil timide de Brazzaville, familles, officiels et anciens compagnons de route se sont rassemblés pour déposer des gerbes au monument du vol UTA 772. Trente-six ans après, l’émotion demeure palpable et le silence qui entoure la stèle impose le respect.
La ministre des Transports, Ingrid Olga Ghislaine Ebouka-Babackas, a conduit la délégation gouvernementale. « Nous honorons la mémoire des nôtres tout en projetant l’avenir », a-t-elle expliqué, soulignant que l’hommage n’est pas qu’un rituel mais un rappel permanent de la vigilance nécessaire.
Le drame du désert du Ténéré
Le 19 septembre 1989, le DC-10 d’UTA reliant Brazzaville à Paris explosait en plein vol au-dessus du Niger, emportant 170 vies, dont 48 Congolais. L’attentat a marqué durablement l’opinion publique, révélant la vulnérabilité de l’aviation civile face aux actes hostiles.
Pour nombre de témoins, cette catastrophe a été le choc inaugural d’une prise de conscience collective. Elle a également ouvert le débat sur la responsabilité partagée des États, des compagnies aériennes et des instances internationales en matière de sûreté.
Un engagement gouvernemental réaffirmé
Devant les proches des disparus, la ministre a rappelé que la sécurité aérienne figure désormais parmi les priorités stratégiques du Plan national de développement. « Tout mettre en œuvre pour prévenir un drame similaire » reste, selon elle, la ligne directrice du gouvernement.
Depuis 2018, la loi portant Code de l’aviation civile a été modernisée pour intégrer les dernières recommandations de l’Organisation de l’aviation civile internationale. Les inspections inopinées se multiplient sur le tarmac de Maya-Maya, tandis que de nouveaux protocoles d’urgence ont été testés.
Des investissements visibles dans les infrastructures
À l’aéroport international de Brazzaville, les passagers distinguent désormais des scanners de dernière génération et une tour de contrôle dotée de radars secondaires. Ces équipements, cofinancés par l’État et des partenaires techniques, améliorent la surveillance des trajectoires et la détection d’objets dangereux.
À Pointe-Noire, le pavillon domestique a été rénové avec un éclairage LED à faible consommation et un balisage de piste conforme aux standards OACI. Les responsables affirment que ces travaux réduisent les risques d’incursion et optimisent les opérations nocturnes.
Normes internationales et contrôles renforcés
La Direction générale de l’aviation civile mène désormais des audits trimestriels auprès des compagnies opérant sous pavillon congolais. Les résultats sont partagés avec l’Agence régionale de supervision de la sécurité, favorisant une transparence saluée par les professionnels.
De plus, les vols à destination de l’Europe font l’objet d’un examen documentaire systématique. Les autorités disent constater une baisse sensible des non-conformités techniques. Les statistiques officielles affichent un taux de conformité de 92 % en 2023, contre 68 % cinq ans plus tôt.
La dimension humaine de la tragédie
L’ingénieur Serge Alain Mavoungou, qui a perdu trois proches dans l’attentat, revient chaque année déposer une rose blanche. « Le vide subsiste, mais voir le pays avancer me réconforte », confie-t-il, la voix posée.
Pour les familles, la prise en charge psychologique demeure essentielle. Le ministère a ainsi mis en place une cellule d’écoute permanente, pilotée par des psychologues formés aux traumatismes collectifs. Elle accompagne également les agents aéroportuaires exposés au stress.
Formation, jeunesse et futur de l’aviation congolaise
L’École africaine de la météorologie et de l’aviation civile, basée à Brazzaville, accueille une nouvelle promotion de contrôleurs aériens chaque septembre. Des simulateurs 3D immersifs y reproduisent des scénarios de crise, faisant monter en compétence une génération connectée.
Les pilotes, pour leur part, bénéficient d’heures de vol subventionnées afin de maintenir leurs licences et de s’entraîner aux approches complexes dans les conditions équatoriales. Cette politique vise à retenir les talents nationaux souvent courtisés par les compagnies étrangères.
Coopérations régionales et internationales
Le Congo participe activement au Programme de sûreté collaboratif de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale. Des patrouilles mixtes assurent désormais la surveillance de l’espace aérien frontalier, réduisant les zones grises exploitées par les trafiquants.
Par ailleurs, un accord de ciel ouvert signé avec le Rwanda facilite les échanges techniques, notamment sur la maintenance prédictive des moteurs. Cette coopération Sud-Sud illustre la volonté de consolider un réseau africain de transport fiable et compétitif.
Un horizon plus sûr pour les passagers
Les indicateurs de ponctualité des compagnies locales se sont améliorés de dix points en deux ans, signe que la rigueur opératoire porte ses fruits. Les usagers interrogés saluent la clarté des consignes de sûreté diffusées dans les terminaux.
En clôturant la cérémonie, la ministre a lancé un appel à la responsabilité partagée : « La sécurité est l’affaire de tous, passagers, techniciens, autorités. Ensemble, faisons du souvenir une force motrice. » Brazzaville tourne résolument son regard vers le ciel, confiante dans la sûreté de ses couloirs aériens.