Un outil d’orientation pour la diplomatie de la jeunesse
Dans les salons lambrissés du ministère de la Jeunesse, le livre bleu remis le 31 juillet a la sobriété d’un vade-mecum et l’ambition d’un traité. Conçu avec le concours méthodologique de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, il agrège pour la première fois l’ensemble des possibilités de formation, d’entrepreneuriat, d’engagement civique, artistique ou sportif offertes aux jeunes Congolais, qu’elles proviennent de programmes nationaux ou de dispositifs internationaux.
Par cette publication, Brazzaville ne se contente pas d’actualiser sa politique sectorielle ; elle place la question juvénile au cœur de sa diplomatie socio-économique. À l’heure où les indicateurs démographiques situent à 76 % la part des moins de 35 ans, le guide devient un instrument de stabilisation et de projection. « La jeunesse n’est pas seulement une catégorie mais la force d’une nation », a rappelé la représentante de l’Unesco, Fatoumata Barry, lors de la cérémonie, soulignant la portée stratégique du document.
Coopération multilatérale et soutien onusien
Le processus d’élaboration aura duré dix-huit mois, rythmé par des consultations de terrain, des ateliers de co-construction et le recours à l’expertise croisée des agences onusiennes. Le Coordonnateur résident, Abdourahaman Diallo, a salué « un cadre d’orientation qui conjugue développement humain et gouvernance inclusive » grâce à la mobilisation conjointe de l’Unesco et de l’Unicef.
Cette approche partenariale s’inscrit dans le sillage de l’Agenda 2063 de l’Union africaine et de l’Objectif 8 des Nations unies, consacré au travail décent. En agrégeant les bonnes pratiques régionales – du volontariat sénégalais aux incubateurs rwandais – le guide entend favoriser la circulation des talents congolais tout en consolidant leur enracinement national. Les chancelleries présentes à Brazzaville observent la démarche avec intérêt, y voyant un exemple de coordination verticale entre acteurs de développement et pouvoirs publics.
Cap sur 2034 : ambitions et réalités générationnelles
Le ministère fixe l’horizon stratégique à dix ans : d’ici 2034, la jeunesse congolaise devra être « autonome, épanouie, engagée et protégée », selon les termes du directeur de la Jeunesse, Rochar Loukanou. Huit axes viennent structurer cette vision, depuis le renforcement de la gouvernance jusqu’à l’insertion économique et la participation citoyenne.
L’écueil demeure celui du différentiel entre planification et exécution. Le taux de chômage urbain frôle les 20 %, et la moitié des diplômés récents estime avoir besoin de perfectionnement numérique pour entrer sur le marché régional. Les rédacteurs du guide n’ignorent pas ces frictions ; ils y répondent par une cartographie fine des filières d’avenir – économie bleue, agritech, industries créatives – et par la promotion de partenariats public-privé. Un encart met particulièrement en lumière l’Institut national de l’eau et de l’électricité, qui reçoit déjà le soutien technique de la Banque africaine de développement.
Entre gouvernance inclusive et transformation économique
Le ministre Hugues Ngouélondélé a insisté sur la dimension « performative » du guide : il ne s’agit pas d’un catalogue statique mais d’un dispositif évolutif, à réviser tous les deux ans en fonction des besoins exprimés par les jeunes eux-mêmes. Cette pratique du feedback institutionnalisé traduit la volonté de maintenir un dialogue permanent entre administration et société civile, conformément aux recommandations de la Confejes.
Sur le plan budgétaire, le gouvernement a déjà alloué un premier crédit d’amorçage pour le Fonds national d’appui à l’initiative des jeunes, pendant que l’Agence nationale de développement de l’entrepreneuriat juvenile finalise ses lignes de garantie. Ces engagements financiers, s’ils se matérialisent comme annoncé, pourraient réduire la dépendance vis-à-vis de l’aide extérieure et générer un multiplicateur de croissance interne estimé à 1,4 % du PIB annuel.
Perspectives régionales et attractivité internationale
La publication du guide intervient à un moment où plusieurs capitales d’Afrique centrale s’efforcent de proposer un récit positif autour de leur dividende démographique. En raffinant son offre d’informations, Brazzaville ambitionne d’attirer des investisseurs sensibles à la stabilité institutionnelle et à la qualité du capital humain local. L’initiative conforte, en outre, la diplomatie culturelle congolaise qui mise sur les industries musicales et sur les Jeux de la Francophonie pour valoriser ses soft skills.
Au-delà de l’outil, c’est une posture que le Congo-Brazzaville affiche : celle d’un État convaincu que la jeunesse constitue non pas un défi à contenir mais une solution à amplifier. La route est exigeante, toutefois la mise en circulation de ce passeport générationnel marque une étape tangible. Comme l’a résumé Fatoumata Barry, « le véritable indicateur de succès sera la capacité des jeunes à reconnaître cette politique comme la leur ». L’enjeu est dès lors posé : transformer une promesse éditoriale en dynamique sociétale durable.