Une ville en quête de propreté durable
Les monticules de détritus qui s’accumulaient encore en début d’année le long du boulevard Denis Sassou Nguesso se font plus rares. Depuis juillet, la capitale vit au rythme d’une opération spéciale d’assainissement pilotée par le ministre Juste Désiré Mondélé et suivie de près par les mairies d’arrondissement.
Alors que les célébrations de la Fête de l’Indépendance approchaient, le Maudler a voulu mesurer l’impact réel de cette campagne. Le 13 août, il a entrepris une visite surprise empruntant un itinéraire de trente kilomètres, des avenues huppées aux ruelles populaires, miroir fidèle de la diversité brazzavilloise.
Le verdict est tombé comme une note de bulletin scolaire : « assez bien ». Pour le ministre, cette appréciation traduit des efforts tangibles sans occulter le chemin restant pour atteindre l’excellence, objectif qu’il fixe désormais à l’ensemble des acteurs publics, privés et associatifs.
Les avancées mesurées sur le terrain
Sur les artères les plus fréquentées, la circulation piétonne respire. À la corniche sud, les trottoirs naguère obstrués par des étals improvisés retrouvent leur vocation. Balayeurs municipaux et brigades d’hygiène travaillent désormais en plein jour, signe d’un regain d’orgueil professionnel.
Au marché de Poto-Poto, les commerçants saluent la visibilité accrue offerte par le déguerpissement. « Nos clients n’hésitent plus à s’aventurer entre les rangées », explique Françoise Badinga, vendeuse de légumes, qui affirme avoir gagné une heure sur sa journée auparavant consacrée à contourner les tas d’ordures.
Sur l’avenue Alfred Raoul, les équipes mixtes Maudler–police municipale ont remblayé les nids-de-poule révélés sous les décharges sauvages. Les habitants soulignent que la poussière, réduite, abaisse les risques de rhino-pharyngites infantiles, fréquentes durant la saison sèche, selon le docteur Aimé Loubaki, pédiatre.
Citoyenneté et nouveaux gestes d’hygiène
La campagne repose sur un discours fédérateur : la propreté est l’affaire de tous. Dans les écoles primaires, des clubs verts initient les élèves au tri rudimentaire. « Balayer sa cour n’est pas une punition », insiste la directrice de Moungali 3, qui a réintroduit la corvée collective hebdomadaire.
Autre signe d’adhésion, les réseaux sociaux relaient des vidéos de jeunes nettoyant leurs rues. Le « Challenge 242 propre » dépasse déjà cinquante mille vues, illustrant la capacité virale d’initiatives positives dans une sphère encline aux images moins flatteuses de la capitale.
Pour accompagner cette dynamique, la mairie centrale annonce un numéro vert de signalement des dépôts illicites et prévoit des amendes modulées. « Celui qui salit doit payer », résume un agent verbalisateur rencontré près de la Tsiémé, soulignant que la pédagogie précède toujours la sanction.
Défis logistiques et financement
Brazzaville génère près de 1 200 tonnes de déchets quotidiens, indique la direction municipale. Les bennes, freinées par une voirie dégradée, n’en ramassent qu’une fraction. Quatre points de transfert viennent d’être remis en service pour accélérer l’acheminement vers la décharge finale.
Un partenariat public-privé signé en juin avec CleanTract fournit huit camions compacteurs neufs et un atelier de maintenance à Kintélé. En retour, l’entreprise percevra un forfait indexé au tonnage réellement traité, mécanisme présenté comme gage de performance et de transparence.
Des associations s’inquiètent d’une éventuelle hausse des taxes ménagères. Le ministère assure qu’aucune augmentation n’est prévue en 2024 et mise sur une meilleure collecte de la redevance déchets déjà incluse dans les factures d’eau.
Impacts sanitaires et sécurité urbaine
Au Centre hospitalier Mère-Enfant Blanche-Gomez, les admissions pour diarrhées aiguës ont baissé de 18 % depuis le lancement de la campagne, d’après le service d’épidémiologie. Les médecins restent prudents mais reconnaissent un lien probable entre réduction des eaux stagnantes et diminution des bactéries entériques.
L’éclairage public, rétabli avec le déguerpissement, agit comme barrière. Sur le pont du Djoué, les riverains rapportent la disparition presque totale des vols de téléphones depuis l’installation des lampes LED. La police confirme la baisse des plaintes nocturnes.
Le sociologue Pascal Mabiala observe que la perception d’un espace partagé sain favorise le civisme. « On jette moins de papiers dans une rue déjà propre », résume-t-il, évoquant un cercle vertueux. Il suggère d’étendre les campagnes d’information aux radios communautaires pour toucher les quartiers périphériques.
Vers une culture de l’entretien permanent
Lors de son point presse, le ministre Mondélé a insisté sur la notion de « nouvelle citoyenneté ». Pour lui, l’opération spéciale n’est qu’un jalon. La prochaine étape consistera à instituer une journée mensuelle de salubrité, avec participation obligatoire des administrations, syndicats et associations culturelles.
Le ministère mise aussi sur l’éducation informelle. Des ateliers de compostage domestique seront proposés dans les centres sociaux afin de transformer les biodéchets en engrais pour les micro-jardins urbains. Cette initiative, soutenue par l’Agence française de développement, pourrait générer des revenus complémentaires pour les familles participantes.
À terme, les autorités espèrent positionner Brazzaville comme modèle sous-régional d’économie circulaire. La tenue, en 2025, d’un forum international sur la gestion des déchets est déjà annoncée. D’ici là, le mot d’ordre reste simple : maintenir l’effort pour transformer la mention « assez bien » en fierté collective.