Deux officiers congolais salués à Washington
Sur le tarmac battant de la capitale fédérale américaine, deux uniformes congolais ont brillé cet été. Le colonel Daniel Mfouna et le commandant Sylvain Ngatsongo, spécialistes respectifs de sécurité aérienne et d’immigration, ont été officiellement distingués par la diplomate américaine Amanda S. Jacobsen.
La reconnaissance intervient à la suite de leur participation au prestigieux International Visitor Leadership Program, plus connu sous l’acronyme IVLP, qui réunit chaque année des cadres publics de tous horizons afin d’échanger sur les meilleures pratiques mondiales.
Un programme taillé pour la sécurité aérienne
À Washington puis à New York, Mfouna et Ngatsongo ont enchaîné ateliers, visites d’aéroports et simulations de crise aux côtés d’agents de la Transportation Security Administration et de la Customs and Border Protection.
L’accent a porté sur les nouvelles technologies de détection, la gestion collaborative des passagers et l’analyse prédictive des flux migratoires, trois domaines que les experts invités jugent essentiels à la fluidité du trafic tout en préservant la sûreté.
Ce que gagne Brazzaville
Le colonel Mfouna, chef du Bureau de la sûreté de l’aviation civile au ministère de l’Intérieur, prévoit de revisiter le protocole d’inspection du nouvel aéroport Maya-Maya dès septembre, avec un accent particulier sur la traçabilité des bagages et la formation continue des brigades cynophiles.
De son côté, le commandant Ngatsongo, rattaché à la Direction générale de la documentation et de l’immigration, entend déployer un module d’interopérabilité des bases de données pour détecter plus tôt les fraudes documentaires et accélérer les formalités pour les voyageurs réguliers.
La coopération USA-Congo en mouvement
En saluant l’initiative, Amanda S. Jacobsen a souligné que le renforcement des capacités nationales participe d’une stratégie conjointe pour « mettre fin à l’immigration illégale » tout en stimulant les échanges commerciaux et touristiques entre les deux pays.
Depuis 2019, le Département d’État a mobilisé plusieurs programmes de formation destinés aux forces de sécurité congolaises, notamment sur la protection des infrastructures critiques et la cybersécurité des frontières virtuelles; l’IVLP constitue la vitrine la plus visible de cette orientation.
Un signal positif pour la jeunesse policière
Dans les couloirs de la Direction générale de la Police nationale à Brazzaville, de jeunes officiers voient dans le parcours de leurs aînés la preuve qu’un engagement technique peut ouvrir des perspectives internationales sans quitter la chaîne hiérarchique locale.
« Nous voulons devenir des spécialistes recherchés, pas seulement des exécutants », confie un lieutenant affecté à l’aéroport, rappelant que la professionnalisation reste un critère déterminant pour les futures promotions.
Des retombées économiques attendues
L’Association congolaise des agences de voyage estime qu’une amélioration sensible de la sécurité pourrait attirer de nouvelles compagnies régionales et réactiver la desserte directe Brazzaville-Atlanta envisagée avant la pandémie.
Un consultant du cabinet Oxford Economics rappelle que chaque liaison long-courrier crée en moyenne 250 emplois directs et soutient un millier d’emplois induits dans le tourisme, la restauration et la filière logistique.
Les défis à surmonter
Les spécialistes reconnaissent cependant que la modernisation des équipements de contrôle doit s’accompagner d’une maintenance régulière et d’un budget stable, faute de quoi les acquis s’érodent rapidement.
Le ministère des Finances a annoncé, lors du dernier conseil de cabinet, un mécanisme de réinvestissement des redevances aéroportuaires dans les infrastructures de sûreté, une première qui devrait sécuriser les ressources nécessaires.
Une diplomatie sécuritaire assumée
Pour Brazzaville, la coopération technique avec Washington s’inscrit dans un positionnement multilatéral qui privilégie l’expertise plutôt que la seule aide financière, souligne un chercheur de l’Université Marien-Ngouabi.
Ce choix permet de renforcer la souveraineté opérationnelle tout en tissant des alliances pragmatiques, que ce soit avec l’Union européenne pour le contrôle des marchandises ou avec la Chine sur la vidéosurveillance des terminaux.
Perspectives régionales
Le Niger, le Gabon et la RDC ont déjà exprimé leur intérêt pour des projets conjoints de partage de données passagers, ouvrant la voie à un corridor de sûreté d’Afrique centrale auquel Brazzaville pourrait offrir son expertise naissante.
Dans cette dynamique, l’expérience des officiers Mfouna et Ngatsongo sert d’illustration concrète de la manière dont l’échange de compétences peut irriguer des politiques publiques régionales et rassurer les investisseurs.
Vers un ciel plus sûr
L’agenda des prochains mois sera dominé par des ateliers de restitution à Brazzaville, puis par un audit conjoint avec les autorités américaines en 2024; l’objectif déclaré est de hisser les aéroports congolais au niveau de la catégorie 1 de la Federal Aviation Administration.
Si le calendrier est respecté, Brazzaville gagnera en connectivité internationale et la police nationale confirmera son rôle pivot dans la sécurisation des flux, illustrant ainsi les dividendes d’une collaboration diplomatique axée sur le savoir-faire.
Une inspiration pour la société civile
Au-delà de la sphère policière, plusieurs ONG congolaises engagées dans la gouvernance des frontières souhaitent profiter des retours d’expérience du duo pour sensibiliser les communautés frontalières aux risques de traite des personnes et aux alternatives légales de mobilité.
Le colonel Mfouna indique qu’un guide pratique, rédigé avec le soutien d’experts américains, sera distribué dans les écoles secondaires proches des axes migratoires afin de prévenir les départs irréguliers et promouvoir une culture sécurité-citoyenne.