Un geste pour les soins de proximité
La solidarité a pris un visage concret le 19 septembre à Brazzaville, quand la Fondation Julia-Bouya a livré deux véhicules débordant de cartons de médicaments aux centres de santé intégré Marien-Ngouabi et Moukondo. Dans les couloirs, soignants et patients ont applaudi cette arrivée jugée « salvatrice ».
Représentant la présidente de l’organisation, Dorel Eyobelé a expliqué que le don constitue « une réponse pragmatique aux besoins du terrain ». Selon lui, la fondation privilégie les établissements de premier recours pour toucher rapidement les familles à revenus modestes, nombreuses dans les quartiers nord de la capitale.
Des médicaments essentiels pour deux arrondissements
Les colis contiennent des antalgiques, des antibiotiques, des solutions de réhydratation, ainsi que des kits de santé maternelle et infantile. Chacun est étiqueté conformément aux standards pharmaceutiques, facilitant le rangement dans les pharmacies internes des deux structures.
Au centre Marien-Ngouabi, implanté dans le 6ᵉ arrondissement Talangaï, la fréquentation dépasse souvent trois cents consultations par jour. « Nous étions en tension sur l’amoxicilline et le paracétamol pédiatrique », souffle le docteur Lizette Koumba, responsable pharmacie. « Ce réassort arrive à point nommé. »
Même soulagement dans l’arrondissement 4, à Moukondo. Le docteur Armand Bikoro rappelle que l’établissement accueille une population à forte natalité. « Les kits maternels incluent compresses stériles, gants et vitamines prénatales ; de quoi sécuriser des dizaines d’accouchements dans les prochaines semaines », estime-t-il.
Un hommage durable à Julia Bouya
La fondation célèbre cette année le quatrième anniversaire du décès de sa marraine, Julia Bouya, ancienne militante associative reconnue pour ses campagnes de dépistage gratuit. L’ONG, créée en 2022 par ses proches, veut prolonger la vision d’une santé communautaire accessible.
« Julia croyait à l’action ciblée, pas aux grandes déclarations », rappelle Dorel Eyobelé. C’est pourquoi la structure a déjà promené ses camions solidaires jusque dans la Cuvette, où elle a soutenu des coopératives agricoles et distribué des intrants afin de consolider la sécurité alimentaire locale.
Le conseil d’administration affirme que chaque opération est financée par des contributions privées et par les revenus d’activités génératrices, comme la vente d’artisanat solidaire. Cette autonomie financière garantit, selon ses dirigeants, la régularité des campagnes.
Un partenariat apprécié par les soignants
Interrogé dans la cour du centre Marien-Ngouabi, le chef de district sanitaire, Jean-Claude Okemba, voit dans cette démarche « un exemple de collaboration public-privé vertueuse ». Pour lui, l’appui logistique des ONG complète efficacement les dotations du Trésor public, surtout face à la recrudescence des affections saisonnières.
Les pharmaciens de garde assurent que la traçabilité des boîtes est assurée. Des fiches de distribution seront tenues quotidiennement pour attester de l’utilisation transparente du don. Cette méthode, déjà rodée lors de précédentes opérations, renforce la confiance des partenaires.
Les patients, eux, espèrent une baisse indirecte des dépenses. « Avec les pénuries, nous devions acheter nos antibiotiques en officine privée, bien plus cher », témoigne Henriette Moukolo, jeune mère en consultation postnatale. « Si l’hôpital les reçoit, cela soulage nos portefeuilles. »
Perspectives d’élargissement du programme
La Fondation Julia-Bouya projette d’étendre ses tournées pharmaceutiques aux départements du Pool et du Niari au premier trimestre 2025. Des discussions sont en cours avec des directions départementales de la santé pour cibler les zones à forte mortalité maternelle.
Parallèlement, un plan de formation continue est envisagé pour les agents de santé communautaires. « Distribuer des pilules ne suffit pas », note Dorel Eyobelé. « Il faut aussi rappeler les protocoles de prise et repérer les cas devant être référés en urgence. »
L’ONG ambitionne également de financer, d’ici deux ans, un centre de recherche appliquée sur les plantes médicinales endémiques. L’objectif est de valoriser la pharmacopée locale tout en respectant les normes scientifiques, afin d’offrir des alternatives fiables aux populations rurales.
Des partenariats académiques sont déjà esquissés avec la faculté des sciences de la santé de l’université Marien-Ngouabi. Le doyen, Pr Cyriaque Doukaga, salue « un projet cohérent avec la stratégie nationale de couverture sanitaire universelle ».
En attendant, les gardes-malades venus chercher leurs ordonnances savourent l’instant. Une jeune infirmière résume le sentiment général : « Quand la société civile agit main dans la main avec nos équipes, c’est toute la communauté qui en sort gagnante ». Les prochaines distributions sont scrutées avec impatience des deux côtés du comptoir.
La livraison du 19 septembre rappelle enfin que la mémoire d’une militante peut devenir moteur d’actions tangibles. Dans les rues de Talangaï et de Moungali, les flacons alignés sur les étagères ont désormais une histoire et un visage, celui de Julia Bouya, que la solidarité maintient vivante.