Visite ministérielle à forte portée
Sous les néons bleutés d’un auditorium flambant neuf, le ministre de l’Énergie et de l’Hydraulique, Émile Ouosso, a découvert mardi les coulisses numériques de la Société Énergie électrique du Congo, E²C, symbole de la modernisation accélérée du secteur énergétique national.
La visite, organisée le 12 septembre à Brazzaville, s’inscrit dans un programme gouvernemental visant à fiabiliser la distribution électrique tout en rapprochant les standards congolais des normes internationales, une attente forte des entreprises comme des ménages.
Un data center Tier 3 au cœur du réseau intelligent
Première étape marquante : un data center certifié Tier 3, opérationnel depuis décembre 2022, capable de fonctionner en continu grâce à une alimentation sécurisée, des groupes de secours et un système de refroidissement redondant, le tout sous l’œil de caméras haute définition.
Selon les ingénieurs d’E²C, l’infrastructure peut soutenir 150 serveurs et héberger les applications critiques de la société, des facturations aux commandes de disjoncteurs, sans interruption, même lors d’une coupure générale du réseau public.
Installé derrière des portes à reconnaissance biométrique, le centre de données marque une étape vers un réseau intelligent capable de détecter, en temps réel, la moindre chute de tension sur une ligne et de déclencher automatiquement une intervention ciblée.
Digitalisation des archives et montée en compétence
À quelques mètres, une salle d’archivage entièrement digitalisée abrite déjà plus de 300 000 fiches techniques et documents administratifs, scannés, indexés et sécurisés pour préserver leur valeur légale tout en les rendant consultables en quelques clics.
Une formation de vingt jours aura lieu en octobre 2025 afin d’initier une centaine d’agents au logiciel de gestion électronique de documents, étape décisive pour autonomiser les équipes et réduire les délais de traitement.
Investissements conjoints pour un réseau fiable
Pour Émile Ouosso, cette modernisation s’aligne sur les financements déjà engagés par l’État pour réhabiliter les lignes interconnectées et les postes de transformation, notamment grâce aux ressources mobilisées par le Comité de régulation des comptes à l’échelle départementale.
Le ministre rappelle que des partenaires privés, dont le groupe italien Eni, appuient également l’effort national, en investissant dans les réseaux haute tension et les technologies d’équilibrage de charge, gages d’une alimentation plus stable pour les foyers et les entreprises.
« Le gouvernement fait sa part du travail. À vous de prouver votre savoir-faire », a-t-il lancé aux cadres d’E²C, insistant sur l’importance du suivi opérationnel et de la maintenance préventive pour pérenniser les investissements.
Gouvernance et soutien international renforcés
Le directeur général, Jean Bruno Adou Danga, y voit une opportunité d’aligner l’entreprise publique sur les pratiques internationales : planification à long terme, indicateurs de performance et relation clientèle digitalisée doivent, selon lui, accentuer la confiance des abonnés.
Du côté du Pnud, la représentante résidente Adama-Dian Barry souligne que le projet s’intègre dans le programme d’appui à la gouvernance énergétique, qui soutient la production décentralisée, en particulier les micro-centrales hydroélectriques, pour dynamiser les économies locales.
Ce programme triptyque articule renforcement institutionnel, développement d’infrastructures et stimulation du tissu économique autour d’un meilleur accès à l’électricité, dans un contexte où un tiers des ménages congolais reste encore hors réseau.
Innovations locales et retombées pour les usagers
En coulisses, les ingénieurs d’E²C travaillent déjà à l’intégration d’outils d’intelligence artificielle pour prévoir les pointes de consommation et ajuster automatiquement la distribution, une avancée qui pourrait réduire de 20 % les pertes techniques, estiment-ils.
Pour les habitants de Talangaï, de Poto-Poto ou de Tié-Tié, régulièrement confrontés à des coupures, l’arrivée d’un réseau plus réactif se traduira par des nuits éclairées, des ateliers qui tournent et des frigos qui gardent les médicaments au frais.
À l’heure où le numérique imprègne chaque pan de l’économie, la modernisation d’E²C participe aussi à la valorisation du potentiel congolais, offrant aux jeunes diplômés des débouchés en cybersécurité, maintenance réseau et science des données, autant de métiers d’avenir.
Le pas franchi cette semaine à Brazzaville illustre ainsi l’ambition d’une gouvernance énergétique proactive, attentive à la souveraineté technologique et à l’inclusion, avec l’objectif de faire des mégawatts numériques le moteur discret mais constant du développement national.
Services connectés et vision numérique d’État
E²C prévoit par ailleurs de lancer, d’ici fin 2024, une application mobile permettant aux abonnés de déclarer une panne, de suivre l’état d’avancement de l’intervention et de régler leurs factures sans se déplacer, une innovation qui réduira les files d’attente aux guichets.
Cette démarche centrée sur l’utilisateur s’inscrit dans la stratégie gouvernementale de transformation digitale, déjà visible dans les guichets uniques administratifs et les plateformes fiscales, et appelée à fluidifier, à terme, la relation entre service public et citoyens.