Brazzaville se prépare à vibrer sur 21 kilomètres
Le ruban d’asphalte du boulevard Alfred-Raoul n’a jamais semblé aussi court à l’approche du 14 août. Pour la première fois, le Semi-marathon international de Brazzaville (Smib) franchit la barre symbolique des cinq mille participants, témoignant d’un engouement populaire et continental sans précédent. « Nous accueillons 5 971 athlètes, dont 158 venus de vingt-trois nations africaines », rappelle Raymond Ebata, président du comité d’organisation, lors d’un point presse tenu le 8 août. Si la précédente édition avait déjà surpris par sa ferveur, l’affluence de 2025 marque un saut de près de 2 500 coureurs, validant la stratégie d’ouverture aux départements intérieurs et l’effort conjoint de la Fédération congolaise d’athlétisme et de la Société nationale des pétroles du Congo (SNPC).
Un parcours chargé d’histoire urbaine
L’itinéraire, désormais certifié par World Athletics, épouse l’âme de la capitale : départ solennel sur le boulevard Alfred-Raoul sous le regard du président Denis Sassou Nguesso, traversée du pont du 15 Août, salut à la Case De Gaulle, boucle sur la corniche et retour triomphal face au fleuve Congo. « C’est une carte postale en mouvement », s’enthousiasme Sidney Dandou, patron de l’athlétisme national, convaincu que la ville offrira aux caméras internationales un décor à la hauteur de son riche passé. La sécurité de ce ruban long de 21,097 km mobilisera deux cents officiels techniques et plusieurs centaines de bénévoles, gage d’une régularité chronométrique indispensable à la reconnaissance mondiale de l’épreuve.
Entre diplomatie sportive et cohésion nationale
Au-delà du temps scratch, le Smib devient un instrument de soft power. Les délégations du Kenya, d’Éthiopie ou encore du Maroc, habituées des podiums, croisent les foulées de coureurs issus des douze départements congolais, réunis pour la première fois sous la même ligne de départ. « Le sport est l’une des langues les plus accessibles de la diplomatie », constate Pascal Akouala Goelot, vice-président du comité directeur, persuadé que ces convergences culturelles tisseront des complicités utiles aux projets d’intégration régionale impulsés par la CEEAC. La décision récente de classer la course au rang d’épreuve d’intérêt national ouvre par ailleurs aux meilleurs Congolais la perspective des Championnats d’Afrique, voire d’un ticket olympique à moyen terme.
La SNPC, partenaire stratégique et laboratoire de performances
Sponsor historique, la SNPC assume un rôle qui dépasse la simple visibilité de marque. En expédiant cinq athlètes et autant d’athlètes féminines en stage d’altitude à Iten, au Kenya, la compagnie publique s’inspire du modèle est-africain pour hausser le niveau local. « Nos jeunes ont partagé le quotidien de médaillés mondiaux ; ils reviennent avec une science de la préparation que nous diffuserons dans les clubs », détaille le coach Frédéric Mabiala, superviseur du programme. Dans un pays où 60 % de la population a moins de trente ans, cette politique d’accompagnement sportif résonne comme un investissement sociétal, complémentaire aux initiatives gouvernementales de promotion de la santé par l’activité physique.
Retombées économiques et urbanisme éphémère
Hôtels pleins, terrasses animées, artisans de Mpila à la tâche : la course génère sur quarante-huit heures un micro-boom évalué à près de 900 millions de francs CFA par la Chambre de commerce de Brazzaville. Les travaux d’embellissement entrepris sur la corniche et aux abords du rond-point de la Gare, bien que provisoires, laissent entrevoir un héritage urbain durable si un entretien régulier est assuré. Le ministère des Sports espère ainsi prouver que l’événementiel peut devenir un levier récurrent d’aménagement, en ligne avec le Plan national de développement 2022-2026.
Cap sur les 10 000 coureurs
Avec un objectif affiché de dix mille participants à court terme, le comité d’organisation s’inspire des grands rassemblements de masse comme le Marathon de Lagos ou la Great Ethiopian Run. L’enjeu, souligne Raymond Ebata, est de maintenir la gratuité d’inscription pour les juniors tout en attirant des élites internationales grâce à une revalorisation de la prime victorieuse, portée cette année à 15 000 dollars pour les champions hommes et femmes. Les experts estiment qu’un tel plateau pourrait faire tomber la barre symbolique de l’heure chez les hommes dès 2027, ce qui consacrerait définitivement Brazzaville sur la carte mondiale des semi-marathons rapides.
Une fête populaire sous le signe de l’exemplarité
Le coup de pistolet présidentiel annoncera bien plus qu’une simple compétition : une célébration du vivre-ensemble, du dépassement de soi et d’une confiance renouvelée dans le dynamisme de la jeunesse congolaise. Alors que les derniers dossards sont retirés au Palais des Sports, la ville se prépare à offrir son plus beau sprint collectif, convaincue que le rythme de 2025 donne déjà le tempo d’un avenir où les records, comme les ambitions, ne cesseront de grandir.