Les racines d’une marche nouvelle
Le dimanche 10 août 2025, l’avenue des Trois-Martyrs s’est transformée en ruban blanc et bleu, couleurs mariales, pour la troisième procession organisée par l’archidiocèse de Brazzaville.
Née en 2023 sous l’impulsion de Mgr Bienvenu Manamika Bafouakouahou, alors que l’archevêque souhaitait ramener la piété populaire dans l’espace public, la marche s’est imposée comme un rendez-vous annuel attendu.
Ferveur sur l’avenue des Trois-Martyrs
Près de quarante mille fidèles, venus des huit doyennés, de congrégations religieuses et même de curieux non catholiques, ont fait corps autour de la statue de la Vierge, arborant tee-shirts imprimés et foulards aux couleurs des différents mouvements.
Le cortège a quitté le rond-point Koulounda à 13 h 30, traversé Mpila puis la dense artère de Ouenzé avant de déboucher sur la Place mariale, soit un parcours de sept kilomètres rythmé par le chapelet et les chants polyphoniques.
Dans la chaleur tropicale, des porteurs aspergeaient l’assistance d’eau fraîche, tandis que les chorales de Moungali entonnaient des refrains repris en écho par la foule, créant une atmosphère presque festive malgré la dimension de recueillement.
Une logistique sans faille
En amont, la Commission diocésaine d’appui à l’organisation avait dressé un plan sécuritaire mobilisant plus de cinq cents gendarmes, des équipes sanitaires et un dispositif de signalétique visible pour orienter les groupes par doyenné.
Plusieurs figures institutionnelles, dont la ministre Arlette Soudan-Nonault et le général Ngatsé Nianga Mbouala, ont marché quelques kilomètres, illustrant un soutien officiel à cette manifestation spirituelle devenue également une vitrine citoyenne pour la capitale.
Une délégation espagnole conduite par le père José Maria Cuenca et des pèlerins venus de Pointe-Noire ou d’Impfondo ont joint leurs pas, donnant à l’édition 2025 une coloration internationale inédite saluée par les observateurs.
La radio diocésaine Magnificat a assuré dix heures de direct, mobilisant reporters mobiles et drones pour des images aériennes, un dispositif médiatique salué par les étudiants en communication présents comme volontaires techniques.
Prière, cohésion et message citoyen
Le thème choisi, « Marie, mère de l’espérance », résonnait particulièrement dans un contexte régional marqué par des défis économiques et climatiques, rappelant le rôle consolateur que la tradition attribue à la figure mariale.
« Nous avons prié pour la paix, l’unité et le développement de notre pays », a déclaré Mgr Manamika devant les caméras, remerciant gouvernants, bénévoles et forces de l’ordre pour leur collaboration jugée exemplaire par les participants.
Son homologue d’Impfondo, Mgr Daniel-Franck Nzika, a souligné que la marche offrait « une catéchèse vivante sur la cohésion nationale », reprenant des arguments fréquemment avancés dans les messages épiscopaux des dernières années.
Effets économiques et touristiques inattendus
Au-delà de la dimension spirituelle, les vendeurs de boissons, d’images pieuses et de souvenirs ont vu leur chiffre d’affaires grimper, signe que l’événement commence à peser sur l’économie informelle des quartiers traversés.
Les hôteliers de Poto-Poto ont confirmé un taux d’occupation inhabituel pour un week-end d’août, grâce notamment à l’arrivée de pèlerins provinciaux et expatriés, augurant un potentiel de tourisme religieux encore peu exploité.
Sur les réseaux sociaux, les vidéos live ont cumulé plus de deux millions de vues en trois jours, offrant à Brazzaville une visibilité positive tout en exportant une image de ferveur pacifique.
Des artisans de Tsiémé ont profité de l’affluence pour exposer sculptures et rosaires en graines locales, rappelant que la filière artisanale cherche de nouveaux marchés au-delà des foires institutionnelles.
Sur la ligne d’arrivée, des représentants du ministère du Tourisme ont remis des brochures bilingues vantant les sites historiques de la capitale, dans l’espoir de convertir les pèlerins en futurs visiteurs culturels.
Dimension diplomatique et dialogue interreligieux
La présence de l’ambassadrice de France, Claire Bodonyi, et de la représentante du Venezuela a illustré la dimension diplomatique d’une procession suivie également par le nonce apostolique, Mgr Javier Herrera Corona.
En marge, plusieurs étudiants musulmans du quartier Talangaï ont distribué de l’eau aux marcheurs, geste salué par les organisateurs comme un signe d’entente interreligieuse rare mais prometteur pour le vivre-ensemble brazzavillois.
Innovation et responsabilité environnementale
Parmi les innovations, la croix lumineuse de Jésus miséricordieux, alimentée par batterie lithium et conçue par de jeunes ingénieurs de l’université Marien-Ngouabi, a captivé les passants, montrant la capacité locale d’ingéniosité technologique.
Plus de mille scouts, guides et préfets d’ordre ont régulé le flux, sécurisé les carrefours et assisté les personnes âgées, démontrant l’importance du volontariat dans la réussite des grands rassemblements urbains.
Les organisateurs, sensibles aux enjeux environnementaux, ont multiplié les bacs de tri et incité les pèlerins à emporter leurs gourdes, une première qui pourrait inspirer d’autres événements populaires de la ville.
Vers l’édition 2026
Déjà, la date du 9 août 2026 figure dans les agendas diocésains, avec l’ambition d’élargir le parcours et d’intégrer davantage de délégations étrangères, selon le coordonnateur de la CDAO, l’abbé Benjamin Louamba.
Si la procession mariale continue sur cette lancée, elle pourrait devenir l’un des grands rendez-vous culturels et spirituels d’Afrique centrale, réunissant ferveur, civisme et retombées économiques, tout en faisant rayonner Brazzaville au-delà des frontières.
Les cloches de la cathédrale ont sonné à l’unisson, clôturant la fête.