Mossendjo : deux bornes qui attirent le regard
Au rond-point Chamoukoualé, deux totems jaunes tranchent avec les palmiers. Depuis l’été, ils abritent 45 prises gratuites alimentées jour et nuit par un générateur. Les habitants de Mossendjo, téléphones à la main, y forment un cercle patient et presque cérémoniel.
L’initiative émane de MTN Congo, opérateur présent dans toutes les grandes villes du pays. Elle répond à une contrainte bien connue : l’absence d’électricité publique depuis plusieurs années. Ici, chaque recharge domestique coûte environ 200 FCFA chez les restaurateurs qui louent une prise à prix parfois fluctuants.
Le noir comme toile de fond énergétique
Dans cette bourgade forestière du Niari, la panne électrique est devenue l’arrière-plan permanent de la vie sociale. Au coucher du soleil, l’obscurité plonge les avenues dans un silence prudent. Les lampes torches guident les derniers passants et les motos-taxi zigzaguent entre les herbes hautes la nuit.
Officiellement, la Société nationale d’électricité évoque la vétusté du réseau ainsi qu’un besoin de maintenance renforcée. En attendant la remise en service, de nombreux ménages misent sur des groupes électrogènes personnels, solution coûteuse en carburant et difficilement compatible avec des revenus agricoles irréguliers locaux.
La municipalité assure suivre le dossier avec le ministère de l’Énergie, conscient du lien entre éclairage public et sécurité nocturne. Elle salue les « compléments privés » qui limitent l’impact sur les communications, désormais essentielles pour le commerce, les transferts d’argent et l’éducation en ligne.
MTN mise sur l’utilité publique
Pour MTN, le pari est double : offrir un service post-vente concret et renforcer la fidélité d’abonnés confrontés à l’instabilité énergétique. « La connectivité perd du sens quand les batteries meurent », explique un cadre de la filiale, qui revendique une approche d’« utilité partagée » bénéfique aux citoyens comme à l’entreprise.
Le groupe couvre la dépense en carburant grâce à un budget marketing réaffecté depuis la pandémie. L’opération, lancée d’abord pour trois mois, vient d’être prolongée. Selon l’opérateur, la borne de Mossendjo permet de sauver plus de 1 000 communications quotidiennes qui auraient échoué sans ce relais gratuit.
Les autorités locales y voient aussi un soutien indirect aux services publics. Les brigades de santé ou les enseignants, payés par transfert mobile, n’ont plus besoin de parcourir 75 km jusqu’à Dolisie pour recharger téléphones et terminaux. « Un gain de temps précieux », souligne un conseiller municipal de la ville.
Une sociabilité improvisée
Autour des totems, l’attente se transforme souvent en forum miniature. On commente la finale de la Ligue des champions, la flambée du sac de riz ou la dernière sortie de l’artiste Roga Roga. Les plus âgés profitent de la lumière générée pour lire leurs messages WhatsApp.
La station agit ainsi comme zone neutre où se croisent agriculteurs, fonctionnaires, chauffeurs et étudiants. « Ici personne ne regarde le statut social, seulement le niveau de batterie », sourit Mireille, commerçante, qui y a gagné une clientèle fidèle grâce aux discussions impromptues.
Souhaits citoyens et pistes d’amélioration
Plusieurs usagers suggèrent désormais l’installation d’un abri couvert, idée transmise au maire et à MTN. Un tel hangar limiterait la chaleur de midi, protégerait contre la saison des pluies et permettrait aux personnes âgées de s’asseoir, surtout celles dont le chargeur demeure lent à Mossendjo.
Le dispositif pourrait aussi intégrer des panneaux solaires, solution envisagée par l’opérateur pour réduire la facture carburant et l’empreinte carbone. Des prototypes testés à Ouesso ont montré qu’un kit de 1,5 kW suffit à alimenter trente prises, à condition d’ajouter un stockage batterie performant et robuste aussi.
Du côté des habitants, l’espoir reste que ces initiatives privées ne remplacent pas un retour durable du courant public. « Nous voulons la lumière dans les maisons, pas seulement dans la rue », rappelle Fabrice, père de quatre enfants, qui alloue 15 % du budget familial à l’énergie.
Enjeux nationaux et initiatives en cours
Le gouvernement, pour sa part, multiplie les partenariats afin de moderniser les centrales hybrides et faciliter l’extension du réseau. Le projet « Énergie pour tous », financé notamment par la Banque africaine de développement, prévoit une ligne haute tension Dolisie-Mossendjo dont les travaux préparatoires ont démarré en août dernier.
Selon le ministère, cette interconnexion devrait réduire de 60 % la dépendance aux générateurs individuels dans le Niari d’ici 2025. Des formations techniques sont déjà programmées pour les jeunes du département afin d’entretenir le futur réseau et créer des emplois locaux autour des énergies renouvelables durables.
MTN envisage, de son côté, d’étendre ses bornes aux localités isolées comme Kibangou ou Makabana, en collaboration avec des associations de femmes vendeuses. Les parties prenantes travaillent à un modèle où les recharges resteraient gratuites mais financées par la publicité locale et les paiements mobiles à faible coût.
L’éclairage du futur
À Mossendjo, le ronronnement discret du groupe électrogène rappelle chaque soir les défis encore présents. Pourtant, les totems jaunes prouvent qu’une solution expérimentale peut ranimer un espace public, maintenir les liens numériques et esquisser la résilience d’une communauté en attente de lumière durable et d’énergie stable.