Le Salon des métiers du bois 2023 ouvre ses portes
Brazzaville vibre cette semaine au rythme du bois congolais. Le Salon des métiers du bois, quatrième édition, s’est ouvert sous un mot d’ordre clair : rien ne doit se perdre, tout doit se transformer. Les ministres Rosalie Matondo et Jacqueline Lydia Mikolo ont posé le décor.
La filière bois congolaise en mutation
Avec près de 65 % du territoire recouvert de forêts, le Congo possède l’une des réserves tropicales les plus vastes d’Afrique centrale. Pourtant, la contribution officielle du secteur au PIB reste autour de 6 %, signe d’un potentiel encore largement sous-exploité.
La montée des exigences internationales en matière de traçabilité et de durabilité pousse désormais les producteurs à revoir leurs pratiques. Depuis 2022, tout grume exportée doit avoir obtenu un certificat de légalité, un tournant pour un marché longtemps dominé par la vente de bois brut.
Zéro déchet : un cap industriel
Le concept de zéro déchet appliqué au bois se décline en plusieurs volets : optimisation des sciages, valorisation des chutes en énergie, et revalorisation des copeaux dans les panneaux composites. Le ministère entend s’appuyer sur ces leviers pour accroître la compétitivité des unités locales.
Selon une étude de la Société de développement forestier, près de 30 % de la matière première finit encore en rebuts sur les sites de sciage. Chaque point gagné représenterait 10 000 mètres cubes supplémentaires de bois transformé, soit des dizaines d’emplois directs dans les bassins de production.
L’enjeu de la transformation locale
La transformation locale reste la pierre angulaire de la stratégie. Les scieries de Ngombé, Pokola ou Mossendjo se modernisent pour produire lambris, contreplaqués et meubles finis, à plus forte valeur ajoutée. Les autorités visent une proportion de 85 % de bois transformé sur place d’ici 2025.
« Exporter du bois brut, c’est exporter des emplois », rappelle Simplice Mouyabi, président de l’Association des industriels du bois. Selon lui, chaque usine de deuxième transformation génère trois fois plus de revenus fiscaux qu’une simple scierie, tout en renforçant la résilience des communautés forestières.
La jeunesse au cœur de la chaîne de valeur
Le pari gouvernemental repose également sur la formation. L’École supérieure des métiers du bois, inaugurée en 2021 à Ouesso, a déjà diplômé plus de 200 jeunes, dont 40 % de femmes. Ces profils techniques comblent un déficit chronique de main-d’œuvre qualifiée.
À Brazzaville, des incubateurs tels que Likouala Wood Lab encouragent les entrepreneurs à concevoir des produits design à partir de résidus. Tables d’appoint en copeaux compressés, briquettes combustibles, kits de construction écoresponsables : la créativité devient un outil de rentabilité et d’inclusion.
Partenariats et débouchés internationaux
Lors du Sameb, plusieurs industriels européens ont signé des protocoles d’intention portant sur l’achat de meubles finis fabriqués au Congo. Ces accords s’appuient sur la certification Forest Stewardship Council, gage de gestion durable, et sur des engagements de réduction de l’empreinte carbone des chaînes logistiques.
La Banque africaine de développement, par sa Facilité verte, étudie la création d’une ligne de crédit de 50 millions de dollars pour moderniser les ateliers de finition et financer la cogénération à partir de biomasse. Une première tranche pourrait être débloquée dès le premier semestre 2024.
Des défis technologiques et environnementaux
Le passage au zéro déchet suppose pourtant une montée en gamme des équipements. L’importation de séchoirs sous vide, de scanners 3D et de presses haute fréquence reste onéreuse. Les opérateurs plaident pour des droits de douane réduits et des incitations fiscales sur l’acquisition d’outils à haute efficacité.
L’autre défi tient à la pression démographique sur les zones forestières. Les ministères de l’Intérieur et des Forêts expérimentent un système de géolocalisation participative avec les communautés pour surveiller les coupes illicites. Les premières données montrent une baisse de 18 % des abattages non autorisés dans la Sangha.
Perspectives économiques pour 2024
Les économistes prévoient que la valeur ajoutée de la filière bois pourrait progresser de 4,5 % en 2024, soutenue par la reprise de la demande chinoise et la relance des chantiers publics. Le zéro déchet pourrait accroître encore ce chiffre en réduisant les inefficiences.
Pour le gouvernement, l’enjeu dépasse les statistiques. Il s’agit de bâtir une image internationale d’économie verte tout en confortant une croissance inclusive. « Notre objectif est de faire du Congo un hub de transformation responsable », insiste Rosalie Matondo, attentive à articuler protection des forêts et création de richesses.
Les prochains mois diront si l’écosystème congolais réussit son pari. Mais le Sameb 2023 a déjà offert un aperçu concret : un secteur prêt à tourner la page du gaspillage pour écrire celle d’une valeur durable, portée par sa jeunesse et soutenue par ses partenaires.
Le budget rectificatif 2023 prévoit déjà des incitations fiscales sur les équipements de récupération des sciures et un crédit d’impôt pour la cogénération. Ces mesures seront mises en application dès janvier, selon la Direction générale des impôts.
Si elles se concrétisent, ces dispositions pourraient accélérer le basculement vers un modèle circulaire, plaçant le Congo dans le peloton de tête des économies forestières innovantes du continent.