Suspension judiciaire inattendue
Prévue le 4 octobre au siège de Kintélé, l’assemblée générale ordinaire de la Fédération congolaise de football n’a finalement pas été ouverte. Une ordonnance signée par la doyenne des juges d’instruction du Tribunal de grande instance de Brazzaville en a suspendu le déroulement quelques heures auparavant.
Le document, consulté par les avocats de l’instance, invoque la nécessité de préserver l’ordre public sportif dans un contexte de procédures en cours opposant certains clubs à la direction actuelle. L’effet est immédiat, mais ne précise aucune durée de suspension.
À la mi-journée, les délégués déjà accrédités, venus des douze ligues départementales, ont découvert la décision via les réseaux sociaux avant la confirmation officielle par le bureau exécutif. Les portes de la salle sont restées closes, scellant une session pourtant attendue depuis des mois.
Réaction mesurée de la Fécofoot
Face aux journalistes, le deuxième vice-président Carle Boniface Malalou a lu un court communiqué. Il assure que la fédération « respecte la justice » tout en contestant n’avoir reçu aucune notification préalable. Selon lui, un recours est déjà en préparation pour clarifier la procédure.
« Restez sereins, rien n’est perdu », a-t-il lancé aux trente-neuf délégués mandatés pour voter les rapports moral et financier 2022-2023. La direction reste confiante sur la reprise rapide des activités, soutenue par le ministère des Sports qui suit, dit-elle, le dossier.
En coulisses, certains présidents de clubs plaident pour une médiation interne afin d’éviter un enfranchement disciplinaire possible de la Fifa. D’autres estiment que le jugement constitue une occasion d’assainir la gouvernance et de consolider la transparence budgétaire exigée par les bailleurs.
La Fifa observe et évalue
Dépêché à Brazzaville, l’expert de la Fédération internationale, Franciny Samba, n’a pas commenté le fond. Il doit transmettre un rapport circonstancié à Zurich afin de déterminer si l’ordonnance représente une ingérence extérieure contraire aux articles 14 et 19 des statuts.
La Fifa privilégie généralement le dialogue avec les autorités pour préserver la continuité du football national. Une suspension formelle reste donc l’ultime recours. Pour l’heure, aucun signal officiel ne menace la participation du Congo aux éliminatoires prévus en novembre.
Un observateur proche du dossier rappelle que plusieurs pays africains ont vu leurs fédérations normalisées après des litiges semblables. « Le meilleur moyen de rassurer Zurich est de fixer une nouvelle date d’assemblée rapidement », explique-t-il, confiant dans la volonté locale de coopération.
Clubs et joueurs face à l’incertitude
Dans les vestiaires, l’annonce a résonné comme un contretemps supplémentaire. La saison devait débuter fin octobre avec un nouveau format de Ligue 1 à quatorze équipes. Sans approbation budgétaire, la programmation des rencontres reste impossible, retardant les préparatifs physiques des effectifs.
Plusieurs entraîneurs interrogés estiment pouvoir maintenir l’élan si la pause n’excède pas deux semaines. Au-delà, ils craignent une dérive financière pour les clubs dépendants des recettes guichets et des partenaires locaux, déjà sollicités par d’autres disciplines.
Du côté des supporters, la déception s’exprime surtout sur les réseaux sociaux. Certains craignent une interruption comparable à celle de 2020 causée par la pandémie. D’autres rappellent toutefois que la préparation minutieuse d’une assemblée garantit, à long terme, des compétitions plus crédibles.
Enjeux de gouvernance et de financement
Les observateurs rappellent que la Fécofoot administre chaque année près de trois milliards de francs CFA, incluant les subventions de l’État et les allocations de développement de la Fifa. Une assemblée générale valide traditionnellement l’affectation de ces ressources et fixe les priorités techniques.
Sans adoption des comptes, le décaissement de certaines lignes budgétaires pourrait être différé, en particulier celles dédiées aux centres de formation et aux indemnités d’arbitrage. Plusieurs ligues régionales s’appuient pourtant sur ces fonds pour organiser les championnats de jeunes.
À moyen terme, les partenaires privés pourraient également demander des garanties de stabilité avant de renouveler leurs contrats de sponsoring. Les experts en marketing sportif insistent sur la nécessité d’afficher un calendrier clair et un climat institutionnel rassurant pour attirer de nouveaux investisseurs.
Prochaine étape sur le terrain juridique
Les avocats mandatés par la fédération entendent former un référé pour obtenir la levée de la mesure et fixer une nouvelle date d’assemblée. Ils misent sur l’argument selon lequel la suspension contreviendrait au principe associatif reconnu par la loi congolaise de 1901.
Selon une source proche du tribunal, l’audience pourrait intervenir « sous huitaine » compte tenu de l’urgence sportive. Si la levée est accordée, la Fécofoot espère tenir sa session avant la fin octobre, condition nécessaire au lancement officiel de la saison.
En attendant, la sélection nationale poursuivra son stage de préparation à Kintélé, car les activités des équipes nationales ne sont pas concernées par l’ordonnance. Les Diables Rouges demeurent donc concentrés sur les qualifications, une priorité partagée par toutes les parties.