Un résultat net à la hauteur des ambitions régionales
La Banque d’Investissement et de Développement de la CEDEAO (BIDC) a dévoilé un résultat net de 6,430 millions d’unités de compte, soit un peu plus de 8,5 millions de dollars, en progression de 13 % par rapport à l’exercice précédent. Derrière la froideur apparente des chiffres se dessine une trajectoire cohérente avec la vocation première de l’institution : doter l’espace communautaire d’un outil de financement capable de catalyser la convergence macro-économique. À Lomé, le président George Agyekum Donkor n’a pas dissimulé sa satisfaction, saluant « une étape supplémentaire vers la consolidation d’un marché financier ouest-africain crédible ». Loin de l’emphase triomphaliste, l’argument majeur demeure que cette croissance des profits renforce le capital institutionnel de la BIDC au moment où les besoins d’infrastructures et de diversification économique se font plus pressants.
Les ressorts d’une performance doublement calibrée
Deux leviers principaux expliquent le bond enregistré. D’abord, une discipline accrue dans la gestion de la trésorerie et du risque, observée à travers la baisse de 9 % du coût du risque, elle-même soutenue par une amélioration du recouvrement sur les portefeuilles étatiques. Ensuite, une hausse de 6 % des revenus d’intérêts, tirée par les secteurs de l’énergie et de l’agro-industrie, cibles prioritaires de la banque depuis 2021. Cette combinaison vertueuse traduit une stratégie désormais axée sur les projets à maturité courte ou moyenne, capables de générer des flux de remboursement stables même en période de tension sur les marchés internationaux. Les responsables de l’audit interne évoquent aussi la modernisation du système d’évaluation environnementale et sociale, devenue un argument de crédibilité auprès des bailleurs européens recherchant un impact mesurable.
Intermédiation financière et priorités post-Covid
Si la pandémie a révélé la fragilité des entreprises de taille intermédiaire, elle a également ouvert un boulevard pour les institutions régionales capables d’agir vite. Entre 2020 et 2024, la BIDC a mobilisé près de 1,4 milliard de dollars en faveur de la résilience sanitaire et de la relance des chaînes logistiques. La progression du résultat net 2024 valide rétrospectivement ces choix. Selon le macro-économiste togolais Kako Nubukpo, « l’effet d’entraînement est plus qualitatif que quantitatif : il crédibilise l’idée qu’une structure sud-sud, bien gouvernée, peut servir de courroie de transmission aux politiques publiques ». À cet égard, la mise en place d’un guichet spécial pour les start-up numériques, pourtant plus risquées, illustre la volonté de concilier rentabilité et innovation.
Impact attendu sur les États, dont le Congo-Brazzaville
La bonne santé financière de la BIDC se répercute mécaniquement sur la capacité d’endettement préférentielle dont bénéficient les États membres de la CEDEAO et, par ricochet, les partenaires observateurs au sud du Sahara. Brazzaville s’y intéresse de près : la République du Congo, bien qu’externe à la zone CEDEAO, entretient un dialogue technique avec la banque autour de projets d’interconnexion énergétique transfrontalière. Un diplomate congolais, sous couvert d’anonymat, confirme que « la rigueur de la BIDC sert de référence dans nos discussions multilatérales, notamment pour la mobilisation de co-financements verts ». Dans un contexte où les marges budgétaires restent étroites, la stabilité d’une institution régionale crédible renforce la capacité des pays voisins à attirer les investisseurs, tout en soutenant la dynamique d’intégration continentale voulue par l’Agenda 2063 de l’Union africaine.
Perspectives stratégiques et diplomatie économique
À court terme, l’objectif est d’atteindre un portefeuille de 4 milliards de dollars d’ici à 2026, en diversifiant davantage les sources de financement avec des lignes vertes et des émissions obligataires libellées en monnaie locale. Pour y parvenir, la BIDC entend intensifier son dialogue avec les banques centrales régionales et conclure de nouveaux partenariats avec la Banque africaine de développement. « Il n’est plus concevable de financer le développement hors d’une logique d’impact climatique et social », martèle George Donkor. Dans cette perspective, la diplomatie économique prend le relais de la finance pure : en affichant un résultat net robuste, la BIDC se positionne comme un interlocuteur fiable pour les chancelleries, y compris celles de pays dont la voix compte au sein des institutions multilatérales comme le Congo-Brazzaville. L’équation est limpide : plus l’institution inspire confiance, plus les États africains disposent d’une marge de manœuvre pour défendre leur agenda de croissance inclusive sur la scène internationale.