Brazzaville salue la passation à la CNDH
Sous les lambris républicains du siège de la Commission nationale des droits de l’homme, le 8 août, la scène ressemblait à ces moments où l’histoire s’écrit sans brusquerie mais avec gravité. Le garde des Sceaux, Aimé Ange Wilfrid Bininga, a proclamé l’installation officielle de Casimir Ndomba à la présidence de l’institution, saluant « la continuité indispensable à la stabilité de nos organes constitutionnels ». En présence de magistrats, diplomates et représentants d’ONG, le cérémonial a rappelé que la question des droits humains demeure, au Congo, un pilier du contrat social voulu par le chef de l’État.
Un bilan revendiqué de six ans
Valère Gabriel Eteka Yemet, premier à exercer la fonction sous l’ancrage législatif de 2019, s’est livré à un exercice de mémoire sélective. Il rappelle qu’en arrivant « l’institution était comme enfouie dans la poussière », expression imagée traduisant l’absence d’outils opérationnels. En six années, des jalons tangibles ont été posés : occupation effective du siège, adoption d’un règlement intérieur modernisé, plan stratégique 2019-2021, séances plénières régulières et, point souvent méconnu, traitement quotidien de saisines individuelles concernant l’accès à la justice ou les conditions de détention. Si l’obtention du statut A auprès de l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme reste inachevée, M. Eteka Yemet juge le chemin « désormais balisé ». Il transmet à son successeur des dossiers documentés, preuves d’une administration que l’intéressé dit laisser « en bon ordre de marche ».
Les premières paroles de Casimir Ndomba
Casimir Ndomba, naguère directeur de cabinet du ministère de la Justice, connaît les arcanes judiciaires congolaises. Son adresse inaugurale, plus lyrique que technique, a rendu hommage à la « vision du président Denis Sassou Nguesso, pour qui la dignité de la personne humaine n’est pas négociable ». Sur un ton empreint de modestie, le nouveau président insiste : « La défense des droits humains ne peut être l’œuvre d’un seul homme. » Message clair à l’intention des commissaires, mais aussi des organisations de la société civile dont il affirme vouloir « structurer le partenariat au-delà des relations circonstancielles ». Les observateurs relèvent la volonté de renforcer la collégialité dans le suivi des recommandations et de créer un tableau de bord public afin de responsabiliser l’ensemble des parties prenantes.
Priorité : indépendance et crédibilité
La quête du statut A revient comme un leitmotiv. Cette accréditation internationale, gage d’indépendance et d’accès direct aux organes onusiens, requiert une architecture budgétaire autonome, la transparence des nominations et la pluralité des voix. Sur ces points, M. Ndomba se dit prêt à dialoguer avec le Parlement pour adapter la loi organique de 2018 et consolider les garanties financières. L’enjeu dépasse la simple reconnaissance symbolique : disposer d’un droit de parole à Genève renforcerait l’image du Congo-Brazzaville dans la diplomatie multilatérale des droits de l’homme.
Un dialogue espéré avec la société civile
Le nouveau président promet l’installation d’antennes départementales, notamment à Pointe-Noire, Owando et Dolisie, afin de rapprocher l’institution des réalités du terrain – violences basées sur le genre, problématiques foncières ou droits des peuples autochtones. « Nos concitoyens doivent sentir que la CNDH est un recours accessible », affirme-t-il. À cette fin, la finalisation d’un protocole d’accord avec les ONG locales est annoncée pour ce dernier trimestre, avant la tenue, début 2025, d’un forum national des défenseurs des droits humains.
Entre continuité et attentes citoyennes
Si la cérémonie du 8 août a officialisé une transition sans heurts, les attentes demeurent élevées. Les associations de jeunes, particulièrement actives sur les réseaux sociaux, scrutent la capacité de la CNDH à se saisir de dossiers sensibles comme la détention préventive prolongée ou la protection des lanceurs d’alerte. Casimir Ndomba, conscient de cette vigilance, mise sur la publication régulière de rapports thématiques pour nourrir un débat apaisé, dans la droite ligne de la politique nationale des droits humains. Les prochains mois diront si le nouveau président parvient à transformer la solennité de son investiture en avancées mesurables pour la dignité de chaque citoyen congolais.