Une feuille de route validée
Le 14 octobre, salle comble au ministère de l’Assainissement à Brazzaville : élus locaux, entreprises, ONG et agences onusiennes ont unanimement approuvé la Politique nationale d’assainissement. Le document devient l’instrument officiel qui orientera toutes les décisions publiques et privées du secteur.
« La PNA comble enfin un vide stratégique persistant », a salué le ministre Juste Désiré Mondélé. Selon lui, le texte fixe des priorités claires, améliore la coordination interinstitutionnelle et rationalise les ressources financières pour que chaque franc investi ait un impact mesurable.
Cette validation marque aussi la fin de deux années de consultations menées par le ministère de l’Énergie et de l’Hydraulique, appuyé par des partenaires techniques. Cartographie des besoins, enquêtes de terrain et ateliers régionaux ont nourri les 120 pages du document final.
La PNA se veut évolutive : elle prévoit des revues annuelles afin d’intégrer les retours d’expérience des quartiers urbains comme des zones rurales, garantissant un pilotage souple face aux défis climatiques et démographiques.
Objectifs de développement durable en ligne de mire
L’assainissement n’est plus cantonné à la propreté des rues, rappelle le ministère. Il s’agit aussi de prévenir les maladies hydriques, d’améliorer le cadre de vie et de protéger les écosystèmes fluviaux, piliers de l’économie nationale.
En alignant ses indicateurs sur les Objectifs de développement durable, le Congo veut réduire de moitié le taux de défécation à l’air libre d’ici 2030 et porter l’accès aux services d’évacuation sûrs à 80 % des ménages. Ces cibles serviront de baromètre pour les bailleurs.
Le ministère mise sur une synergie avec les autres politiques publiques : plan national de santé, stratégie eau potable, programme climat. L’idée est d’éviter les projets en silo et de maximiser les retombées sociales et économiques.
Un cadre inclusif et décentralisé
Juste Désiré Mondélé insiste : « Le succès passera par les collectivités ». La PNA confie aux mairies le pouvoir de planifier les micro-projets d’assainissement, de la gestion des boues de vidange aux mini-stations de traitement des eaux usées.
Pour que les communes exercent ce rôle, un vaste programme de renforcement des capacités est prévu. Formations techniques, manuels de procédures et appui digital doivent aider les agents à monter des dossiers bancables et à surveiller les chantiers.
Les organisations communautaires seront mobilisées pour sensibiliser les ménages à l’hygiène. Des campagnes porte-à-porte et l’utilisation des langues locales visent à ancrer de nouveaux réflexes durables, notamment l’entretien régulier des latrines familiales.
Soutiens financiers et techniques mobilisés
Dès juillet, la Banque africaine de développement a dépêché une équipe d’experts afin d’aligner ses instruments financiers sur la PNA. « Nous serons présents à chaque étape », assure Jean-Luc Ngam Essonne, économiste principal de la BAD au Congo.
La banque prévoit de combiner subventions, prêts concessionnels et assistance technique pour moderniser les infrastructures d’évacuation, particulièrement à Brazzaville et Pointe-Noire où la pression démographique est forte.
Unicef mise sur l’impact social. Sa représentante, Mariavittoria Ballotta, espère que la PNA « offrira à chaque enfant un avenir propre, juste et humain ». L’agence contribuera aux programmes scolaires et à l’accès aux latrines dans les zones rurales.
Défis de terrain et mentalités
Les participants à l’atelier ont souligné l’absence d’un code de l’assainissement. Le ministère promet de soumettre un projet de loi dès 2024 pour clarifier les normes techniques et les sanctions en cas de pollution.
Autre défi : la gestion durable des déchets solides qui obstruent les caniveaux. La PNA recommande la valorisation des déchets organiques en compost et l’encouragement de petites unités de recyclage pour créer des emplois verts.
Enfin, le changement de comportement demeure crucial. Les études montrent que si 70 % des ménages savent que les eaux stagnantes favorisent le paludisme, seuls 34 % dégagent régulièrement leurs caniveaux. Des campagnes massives de communication devraient inverser la tendance.
Calendrier et prochaines étapes
Le plan d’action opérationnel couvre cinq ans. Les premiers chantiers, budgétisés à 42 milliards de francs CFA, concernent la réhabilitation de 150 kilomètres de réseaux d’eaux usées et la construction de quatre stations pilotes de traitement.
Un tableau de bord numérique permettra de suivre en temps réel l’avancement des projets. Les données collectées seront publiques, favorisant la reddition des comptes et la participation citoyenne.
En 2025, une évaluation intermédiaire tirera les premières leçons. Si les indicateurs sont positifs, la PNA pourrait être étendue, transformant l’assainissement en véritable moteur de croissance inclusive pour le Congo.