Lancement officiel à Odziba
Vendredi 8 août 2025, la petite ville d’Odziba a vibré sous les applaudissements lorsque le préfet Léonidas Carel Mottom Mamoni a annoncé le départ du projet HIMO, conduit par l’ONG Niosi avec l’appui logistique du Programme alimentaire mondial et le soutien financier de la Banque mondiale.
Devant les chefs de district, les représentants coutumiers et une foule curieuse, Benjamin Kiabambou a rappelé que le chantier constitue la sous-composante 6 du programme Pro-climat, bras opérationnel du gouvernement pour atténuer les impacts socio-économiques du changement climatique en zone rurale.
Un chantier soutenu par des partenaires solides
Le modèle HIMO, fondé sur l’utilisation intensive de la main-d’œuvre locale, séduit depuis plusieurs années les bailleurs parce qu’il conjugue assainissement, emploi et solidarité. La Banque mondiale engage ici 1,2 milliard de francs CFA, tandis que le PAM apporte l’expertise technique et l’appui logistique nécessaire.
Le gouvernement y voit un prolongement des objectifs contenus dans le Plan national de développement 2022-2026, notamment la création d’emplois verts et l’amélioration du cadre de vie. « Nous avançons vers des villes plus propres sans laisser personne de côté », a résumé un conseiller du ministère de l’Environnement.
Des emplois temporaires, des effets durables
Odziba, Ngabé, Mpoumako et les deux hameaux Inoni accueilleront près de 600 travailleurs contractuels, recrutés principalement parmi les jeunes sans emploi et les femmes cheffes de ménage. Chacun percevra un salaire journalier de 4 000 CFA pendant trois mois, injectant immédiatement du pouvoir d’achat dans l’économie locale.
Même une fois les contrats achevés, les retombées se maintiendront. Les ouvriers formés aux techniques d’assainissement, au tri des déchets et à l’entretien des caniveaux pourront proposer leurs services aux collectivités ou créer de petites entreprises, renforçant ainsi le tissu entrepreneurial des districts.
Une réponse locale aux défis climatiques
Les inondations récurrentes sur les berges de la Léfini freinent les récoltes et endommagent les routes. En dégorgeant les fossés, en plantant des essences fixatrices et en collectant les plastiques, HIMO veut réduire la vulnérabilité des villages aux pluies extrêmes devenues plus fréquentes.
Selon la direction départementale de la météorologie, la moyenne annuelle des précipitations a augmenté de 12 % en dix ans. « Les travaux HIMO serviront de première ligne de défense », estime la climatologue Brigitte Djenont, soulignant l’importance d’un entretien régulier des canaux pour éviter l’érosion des pistes.
Jeunes et femmes au cœur de la stratégie
Dans le district de Ngabé, 64 % des moins de trente ans sont sans emploi formel. HIMO cible cette tranche grâce à un recrutement transparent réalisé avec les autorités locales, les associations de femmes et les chefs de quartier, afin d’éviter les accusations de favoritisme souvent liées aux programmes publics.
Évelyne Koukissa, vendeuse ambulante devenue superviseure d’équipe, se dit impatiente de démarrer : « Ce projet montre qu’on peut être actrice de l’assainissement de sa ville. Je compte apprendre la gestion des déchets et former d’autres femmes ». Son témoignage illustre l’ambition inclusive recherchée par les initiateurs.
Perspectives pour l’économie circulaire
Les matériaux récupérés, notamment les plastiques et les résidus organiques, seront triés sur des points de collecte adaptés. Une part sera vendue à des recycleurs installés à Brazzaville, l’autre transformée sur place en compost destiné aux maraîchers, fermant ainsi la boucle entre assainissement et production alimentaire.
Pour l’économiste Aurélien Obami, cette approche matérialise ‘l’économie bleue-verte’ prônée par le chef de l’État lors du dernier Forum sur la transition écologique. « Créer de la valeur à partir des déchets signifie réduire les importations d’engrais chimiques et conserver les devises », souligne-t-il, chiffres à l’appui.
Les attentes des communautés
Djoué-Léfini compte plus de 120 000 habitants, dont beaucoup déclarent placer la salubrité avant l’éclairage public dans leurs priorités. « Nous voulons simplement marcher sans sauter au-dessus des ordures », confie Anaclet, instituteur. La population attend donc des résultats rapides pour renforcer sa confiance envers les institutions.
Les comités de suivi, composés d’élus locaux, de représentants religieux et de l’équipe Niosi, devront publier des rapports hebdomadaires. Cette transparence est présentée comme la meilleure garantie contre les détournements et permettra, selon le préfet, de ‘corriger vite les faiblesses avant qu’elles ne deviennent structurelles’.
Pro-climat, un cadre d’action élargi
Outre le volet assainissement, Pro-climat intervient déjà dans le Pool avec des reboisements et des micros-barrages. Le ministère de l’Économie verte envisage d’étendre HIMO aux chefs-lieux des trois nouveaux départements créés en 2023, dessinant ainsi un réseau de petites infrastructures vertes à l’échelle nationale.
Les observateurs estiment toutefois que la réussite dépendra du financement pérenne et de la coordination entre ministères. Pour l’heure, les premiers coups de pioches à Odziba incarnent une approche pragmatique : allier salubrité, climat et emploi. Une équation que les habitants souhaitent voir solvable durablement.
Dans son calendrier, l’ONG Niosi prévoit une phase d’évaluation participative six mois après la fin des travaux. Les indicateurs suivis incluront la diminution du volume de déchets abandonnés, la baisse des cas de paludisme liés aux eaux stagnantes et le nombre de coopératives créées par les ex-ouvriers.
Si les cibles sont atteintes, le dispositif pourrait servir de modèle aux capitales voisines, renforçant la diplomatie verte régionale du Congo.