La percée d’une Congolaise à Londres
Lorsque Ketsia Chelsea Yoka a posé ses valises à Londres le 9 août, la jeune Congolaise a franchi une étape sans précédent pour le mannequinat de Brazzaville. Devant les flashs du quartier de Soho, elle devient la première ambassadrice officielle d’une agence congolaise à défiler sur les podiums britanniques.
Son contrat, négocié par Lena Models Academy, lui ouvre les portes de castings exigeants et place sous les projecteurs le talent congolais, souvent cantonné aux défilés locaux. L’événement suscite déjà la curiosité des maisons européennes en quête de profils authentiques et d’histoires fortes.
Pour de nombreux jeunes du quartier Ngoyo, à Pointe-Noire, le parcours de la mannequin devient un miroir d’espoirs tangibles. Les réseaux sociaux relaient ses backstages londoniens, transformant chaque photo en rappel qu’une carrière internationale est possible sans renoncer à ses racines.
Une ascension forgée par la persévérance
Repérée durant un casting scolaire en 2021, Ketsia Chelsea Yoka avait alors dix-sept ans. Sa silhouette élancée séduisait, mais c’est surtout sa discipline, racontent ses coaches, qui a convaincu Lena Models Academy de la retenir pour un programme intensif de formation.
Au fil des mois, elle s’initie à la gestuelle haute couture, aux marches millimétrées et à la gestion de l’image numérique. Chaque session, réalisée entre Brazzaville et la plage de Pointe-Noire, lui permet de maîtriser la lumière, le vent ou le sable comme accessoires.
« Elle ne ratait jamais un entraînement, même quand la pluie inondait le studio », se souvient Helena Kiss Moundaya, fondatrice de l’agence. Selon elle, cette constance a fait la différence lors des entretiens virtuels avec les recruteurs londoniens, séduits par l’engagement affiché.
Lena Models Academy, laboratoire de talents
Créée en juin 2024, la plate-forme Lena se présente comme un hub rassemblant formation, management et services événementiels. Sa branche mannequinat, Lena Models Academy, fonctionne avec une équipe spécialisée dans la posture, la communication et le droit du travail, assurant un encadrement complet.
La structure revendique un réseau de partenariats avec plusieurs agences européennes et asiatiques, obtenu après dix années de prospection menées par Helena Kiss Moundaya. « Nous ne vendons pas seulement du rêve, nous préparons nos modèles à la rigueur du marché », rappelle-t-elle.
Cette méthodologie se traduit par des ateliers sur la nutrition, le multilinguisme et la gestion financière, afin que chaque talent demeure maître de son parcours. Les sponsors sont encouragés à soutenir ce modèle éducatif qui, au-delà de la mode, participe à l’employabilité des jeunes.
Le label propose également des modules sur la culture générale et l’histoire de la mode africaine, considérant qu’une mannequin consciente de son héritage défend mieux son identité sur les podiums. Ce volet patrimonial séduit les agences étrangères qui recherchent des profils porteurs d’un discours authentique.
Un rayonnement bénéfique pour la jeunesse congolaise
Dans les écoles de Brazzaville, des conférences motivantes sont désormais animées par les formateurs de Lena Models Academy. Le récit de Ketsia Chelsea Yoka sert d’exemple pour démontrer l’importance du sérieux et de la patience, deux valeurs parfois ignorées dans l’univers saturé des réseaux.
Des parents soulignent que ce parcours international démontre la pertinence des filières artistiques, longtemps reléguées au rang de passe-temps. Ils y voient la preuve que la diversification économique prônée par les autorités peut passer par les industries créatives et la mise en avant de talents féminins.
Plusieurs start-ups locales envisagent déjà des collaborations pour développer des gammes vestimentaires inspirées de l’identité congolaise. L’objectif est de profiter de la visibilité de Londres pour créer un cycle vertueux : attirer des commandes, former de nouveaux profils et renforcer la chaîne de valeur nationale.
Quelle suite pour la mode made in Congo ?
Installée dans la capitale britannique pour six mois, Ketsia Chelsea Yoka alterne séances photo, formations en acting et tournages de publicités. Son équipe étudie déjà des contrats à Milan et New York. Le but est de consolider un profil polyvalent afin d’élargir sa durée de carrière.
Helena Kiss Moundaya assure que l’agence continuera parallèlement à détecter d’autres profils, notamment masculins, pour répondre à la demande croissante. Elle évoque la création prochaine d’un studio numérique à Brazzaville capable de réaliser des books virtuels exportables en quelques clics, réduisant ainsi les coûts de prospection.
Du côté des institutions, le ministère de la Culture étudie un dispositif d’accompagnement technique afin de faciliter les formalités de sortie du territoire pour les artistes et modèles. Les professionnels saluent cette volonté d’encadrer un secteur considéré comme un gisement d’emplois, notamment pour les femmes.
Tandis que la Fashion Week de Brazzaville se profile en décembre, le public espère apercevoir Ketsia Chelsea Yoka revenir fouler le podium national, forte de son expérience londonienne. Sa présence pourrait incarner, pour toute une génération, la preuve que les rêves couture peuvent démarrer à Ngoyo.
D’ici là, les workshops organisés à Pointe-Noire affichent complet, signe d’une dynamique nouvelle où la création se conjugue désormais avec ambition internationale tout en renforçant l’économie locale.