Insécurité urbaine à Mayanga
Brazzaville connaît depuis plusieurs mois une série de vols avec violences attribués aux groupes de jeunes surnommés « bébés noirs ». Le 10 septembre, les habitants du quartier Mayanga, dans le 8e arrondissement Madibou, ont franchi un cap en maîtrisant puis remettant l’un d’eux à la police.
Le suspect, identifié sous le sobriquet « Malawouka », est âgé d’environ dix-neuf ans. Il est soupçonné d’avoir participé à une agression mortelle perpétrée quelques jours plus tôt à Massengo Tiassé, un secteur voisin également confronté à la recrudescence des délits de rue.
Une arrestation citoyenne saluée
Selon plusieurs habitants rencontrés sur place, l’intervention a été rapide. « Nous avons entendu des cris, nous sommes sortis et nous l’avons encerclé », relate Dieu-Merci M., vendeur ambulant. Avec l’appui de jeunes du bloc six, le présumé délinquant a été neutralisé sans blessure grave.
Les témoins affirment avoir immédiatement contacté le commissariat de Madibou, conformément aux consignes de vigilance diffusées par la direction départementale de la sûreté publique. Une patrouille motorisée est arrivée en moins de quinze minutes pour procéder à l’interpellation formelle et sécuriser la foule rassemblée.
Le chef de bloc satisfait
Pour Mvila Mikanou, chef de bloc, cette collaboration illustre « le réflexe nouveau d’une population décidée à protéger son espace de vie ». Il souligne que des réunions nocturnes d’information sont régulièrement tenues afin de rappeler les numéros d’urgence et les gestes de premiers secours.
L’autorité de proximité insiste également sur l’importance de l’enrôlement des jeunes dans les activités sportives et culturelles soutenues par la mairie de Madibou. « Occuper la jeunesse, c’est prévenir la récidive », explique-t-il, rappelant que plusieurs tournois de football de rue sont en préparation.
Trajectoire d’un « bébé noir »
D’après des sources policières, Malawouka serait issu d’un foyer monoparental et aurait quitté l’école au collège. Il aurait trouvé auprès d’anciens camarades un sentiment d’appartenance que la famille ne lui offrait plus, basculant progressivement dans les larcins puis les agressions nocturnes.
Les enquêteurs le lient à au moins cinq faits enregistrés depuis juin, dont deux vols à l’arraché de téléphones et un cambriolage d’épicerie. La mort récente d’un jeune homme de Massengo Tiassé, poignardé au thorax, demeure cependant le dossier le plus lourd retenu contre lui.
Réponse des forces de sécurité
Le colonel de police Jean-Robert Ondongo confirme que le suspect a été placé en garde à vue au commissariat central avant d’être présenté au parquet. Il félicite les habitants pour « leur sens citoyen » tout en rappelant que « toute justice expéditive est proscrite par la loi ».
Depuis juillet et le déploiement de l’opération « Zéro zone rouge », les autorités multiplient les patrouilles mixtes et encouragent les comités de vigilance. Vingt-quatre arrestations liées aux « bébés noirs » ont déjà été enregistrées dans la capitale.
Prévention, un chantier prioritaire
Les services sociaux de Brazzaville rappellent que la lutte contre la délinquance juvénile ne peut se limiter aux interpellations. Un programme d’insertion, porté par le ministère de la Jeunesse, propose des formations courtes en mécanique, menuiserie et informatique pour offrir des perspectives aux publics fragiles.
Bien que l’initiative ait déjà permis la réinsertion de cent vingt jeunes en deux ans, le sociologue Patrick Kouvavou note que les quartiers périphériques, plus touchés par le chômage, nécessitent « un suivi personnalisé » et « un accompagnement psychologique pour rompre les chaînes de violence intergénérationnelle ».
Justice et cadre légal
Au plan judiciaire, le Code pénal congolais prévoit que les mineurs et jeunes majeurs bénéficient de mesures éducatives prioritaires. Toutefois, en cas de crime violent, le juge peut prononcer une peine de réclusion, assortie d’un suivi socio-judiciaire destiné à éviter la récidive.
Me Blanche Mbemba, avocate au barreau de Brazzaville, précise que la collaboration population-police peut constituer une circonstance aggravante ou atténuante selon la procédure. « Si un suspect est livré sans violence, c’est une preuve de civisme. Si des coups sont portés, cela peut entacher l’enquête », explique-t-elle.
Un message à la jeunesse
Interrogé devant la maison communale, Hervé Onganga, étudiant en gestion, estime que « l’avenir du Congo dépend de sa jeunesse ». Il en appelle aux pairs pour qu’ils se détournent des « voies faciles » et saisissent les opportunités offertes par les centres de formation professionnelle.
De son côté, la responsable d’une association féminine de Madibou rappelle que les familles jouent un rôle déterminant. « Nous devons dialoguer, détecter les signaux de rupture et diriger les adolescents vers les services d’écoute avant qu’ils n’entrent dans la spirale de la violence », insiste-t-elle.
Vers un quartier plus sûr
Les habitants de Mayanga prennent désormais l’habitude de baliser les ruelles la nuit avec des lampes solaires mutualisées. Cette initiative, soutenue par des commerçants locaux, vient compléter les rondes de la police et contribue à rassurer les travailleurs rentrant tard du centre-ville.
Ce maillage préventif, combiné aux actions de l’État, laisse entrevoir une baisse des actes de violence dans le sud de Brazzaville. Les autorités encouragent la duplication du modèle dans d’autres arrondissements pour bâtir une capitale plus sûre et attractive.