Un rendez-vous mondial pour l’alphabétisation
Chaque 8 septembre, l’UNESCO orchestre la Journée internationale de l’alphabétisation afin de mesurer les avancées et d’alerter sur les obstacles persistants. Depuis 1966, cette date sert de baromètre pour les gouvernements, les éducateurs et les citoyens attachés au droit fondamental de savoir lire.
En 2023, l’agence onusienne retient le thème Promouvoir l’alphabétisation à l’ère du numérique, soulignant que la maîtrise de l’écrit s’étend désormais aux compétences numériques de base. Sans accès aux outils technologiques, les populations risquent d’être exclues d’une économie mondialisée en mutation rapide.
L’ère du numérique, défi et opportunité
Selon l’UNESCO, près de 770 millions d’adultes dans le monde ne possèdent toujours pas les niveaux élémentaires de lecture et d’écriture. Pourtant, le télétravail, la banque mobile ou la télémédecine exigent au minimum la capacité de naviguer sur un écran et de décoder une interface.
La fracture numérique se double donc souvent d’une fracture littéraire. Chaque fois qu’une procédure d’état civil, un virement ou un tutoriel s’effectue en ligne, ceux qui ne lisent pas avec aisance perdent une occasion d’autonomie. Ce lien intime pose un défi inédit aux politiques publiques.
Le Congo-Brazzaville face à l’enjeu de la littératie
Au Congo-Brazzaville, le dernier rapport du ministère de l’Enseignement primaire, secondaire et de l’Alphabétisation estime le taux d’alphabétisation des adultes à environ 83 %. Le gouvernement vise 90 % en 2025 grâce au Plan sectoriel de l’éducation mis à jour.
« La dimension numérique est désormais incontournable », reconnaît Valérie Goma, directrice de la promotion de l’alphabétisation. Elle souligne le déploiement progressif de salles multimédias dans les chefs-lieux départementaux et l’intégration d’une initiation aux tablettes pour les apprenants adultes.
Le budget national alloué à l’alphabétisation est passé de 2,1 % à 3 % des dépenses éducatives entre 2019 et 2022. Cette progression, saluée par les partenaires techniques, sert notamment à former des animateurs aptes à utiliser des contenus interactifs produits localement et en langues congolaises.
La coopération internationale joue également un rôle crucial. L’Organisation internationale de la Francophonie appuie un projet pilote de classes connectées à Pointe-Noire, tandis que l’Union européenne finance la production de manuels numériques en braille destinés aux apprenants malvoyants du Centre national d’alphabétisation.
Des programmes locaux qui changent la donne
À Makoua, l’association Kwele développe depuis deux ans un cours du soir soutenu par une application mobile hors ligne. Les apprenants répètent les syllabes grâce à l’audio et valident les exercices sur des smartphones mis à disposition. Le programme annonce déjà 60 % de réussite.
Dans le Pool, la radio communautaire Voix de Kimba diffuse chaque matin une chronique de six minutes baptisée Lire et Compter. Une version podcast est partagée sur WhatsApp, élargissant l’audience aux zones sans réseau hertzien mais disposant d’un faible signal mobile.
À Brazzaville, la start-up EduPlus propose un module gratuit de lecture syllabique dans son application de soutien scolaire. Le responsable technique, Arsène Moussavou, assure que « plus de 12 000 utilisateurs ont terminé le cursus débutant depuis janvier ». Les données agrégées servent à ajuster les parcours.
L’apprentissage tout au long de la vie, clé de la paix
L’alphabétisation est reconnue par l’UNESCO comme un socle d’égalité et de cohésion sociale. La maîtrise des mots facilite la participation citoyenne, réduit les malentendus et encourage le règlement pacifique des différends. Elle soutient également l’autonomisation économique, souvent décrite comme un antidote aux conflits.
Le sociologue Firmin Oba rappelle que l’apprentissage chez l’adulte influe sur les générations suivantes. « Un parent qui lit aux enfants, même modestement, provoque un effet d’entraînement mesurable sur la réussite scolaire », explique-t-il. Ce cercle vertueux figure parmi les cibles de la Journée internationale.
Perspectives et attentes pour le 8 septembre
Le ministère prévoit une cérémonie officielle à Brazzaville, suivie d’ateliers pratiques sur l’utilisation pédagogique des smartphones. Des expositions mettront en avant les start-up et ONG locales, tandis qu’un concours récompensa la meilleure innovation numérique dédiée à la lecture des adultes.
Les départements organiseront simultanément des dictées publiques dans des places de marché, afin de toucher les commerçants rarement disponibles en journée. Des équipes itinérantes fourniront aussi des kits de connexion solaire pour garantir la continuité des cours dans les zones rurales éloignées du réseau électrique.
Dans les universités, des conférences aborderont la notion d’alphabétisation des médias, essentielle pour combattre la désinformation sur les réseaux sociaux. Les étudiants en journalisme de l’École supérieure de commerce seront invités à produire des capsules vidéo traduites en lingala et en kituba.
Au terme de la journée, un rapport synthétique sera remis aux décideurs pour orienter les investissements futurs. Les acteurs de terrain espèrent que les initiatives numériques seront intégrées durablement aux schémas ruraux, tout en préservant les formes traditionnelles d’apprentissage qui demeurent pertinentes.
En rappelant que l’alphabétisation constitue un bien commun aussi vital que l’eau, la célébration du 8 septembre place chaque citoyen au cœur du changement. L’enjeu dépasse la lecture : il s’agit de garantir à tous une pleine participation à la vie économique, culturelle et démocratique.