Un calendrier 2026 sous le signe de l’ambition budgétaire
Au détour du cadrage macroéconomique préparatoire au budget 2026, le ministère camerounais des Finances a fait apparaître la volonté d’obtenir sur les marchés extérieurs l’équivalent d’environ 1,16 milliard USD. Le chiffre, glissé dans les annexes techniques, n’a pas été démenti par le gouvernement. Il s’inscrit dans la continuité d’une stratégie engagée depuis 2010 : recourir ponctuellement à l’épargne internationale pour épauler les réformes structurelles sans accabler la trésorerie intérieure. La nouveauté tient au montant, qui représenterait près de 3 % du produit intérieur brut nominal projeté, soit le plus important volume jamais envisagé en une seule fois par Yaoundé.
Entre euro-obligations et crédits syndiqués, quel cocktail financier ?
Le document de préparation budgétaire reste laconique sur la forme que prendra la levée. Des sources proches du Trésor évoquent la possibilité d’un panachage entre une émission d’eurobonds et un crédit syndiqué, piste déjà explorée en 2021 avec succès. L’option multilatérale, via la Banque mondiale ou la Banque africaine de développement, n’est pas écartée, même si l’exécutif semble privilégier un financement mixte permettant de glisser un signal de confiance des investisseurs privés.
En coulisses, les banquiers conseils mettent en avant l’opportunité de verrouiller, avant la fin du cycle de resserrement monétaire des banques centrales occidentales, des conditions de taux moins pénalisantes qu’en 2023. Le spread de crédit souverain camerounais demeure inférieur à celui de plusieurs pairs de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale, un atout dont le gouvernement entend se prévaloir.
Pressions conjoncturelles et garde-fous macroéconomiques
La conjoncture mondiale reste pourtant jalonnée d’incertitudes : ralentissement chinois, tensions géopolitiques en mer Rouge, renchérissement de l’assurance fret et volatilité des prix du pétrole, principale exportation nationale. Le Fonds monétaire international projette pour le Cameroun une croissance d’environ 4,5 % en 2026, à condition que les réformes fiscales se poursuivent et que la maîtrise de l’inflation se confirme. Le ratio dette publique/PIB, proche de 48 % fin 2023, reste inférieur au plafond communautaire de 70 %, mais l’institution de Bretton Woods insiste sur la nécessité de « préserver l’espace d’endettement ».
Yaoundé assure pour sa part que la stratégie de mobilisation externe s’accompagnera d’un renforcement de la politique d’ancrage budgétaire : plafonnement des dépenses récurrentes, rationalisation des exonérations douanières et accroissement de la part des projets générateurs de devises. Une cellule de suivi de la dette, animée conjointement par le Trésor et la Banque des États de l’Afrique centrale, devrait publier un rapport semestriel afin de prévenir tout emballement.
La crédibilité externe à l’épreuve de la discipline interne
Les bailleurs de fonds scrutent notamment la capacité d’absorption des investissements publics. Les retards enregistrés dans l’exécution de certains chantiers d’infrastructures financés par l’eurobond 2015 nourrissent un scepticisme que le gouvernement s’efforce de dissiper. Le ministre des Finances, Louis-Paul Motazé, assure avoir mis en place un tableau de bord unique permettant d’identifier en temps réel les décaissements et leur destination.
Plus largement, Yaoundé sait que la crédibilité de son agenda est tributaire de la poursuite des réformes de gouvernance. La signature, en mars dernier, d’un protocole d’audit généralisé des entreprises publiques vise à assainir un périmètre souvent montré du doigt pour son opacité. Elle constitue, aux yeux d’un analyste du cabinet Fitch, « un signal de maturité budgétaire dans un contexte régional où la transparence n’est pas toujours la norme ».
Un signal politique autant qu’économique
En filigrane, la future levée de fonds s’inscrit dans le jeu diplomatique que Yaoundé entretient avec ses partenaires. Le Cameroun, pays pivot du golfe de Guinée, se veut promoteur d’une stabilité régionale indispensable à la sécurité des flux commerciaux. Afficher, en 2026, sa capacité à capter l’intérêt d’investisseurs diversifiés équivaut à consolider sa stature d’acteur fiable au moment où la région requiert des financements massifs pour ses interconnexions énergétiques et son corridor ferroviaire.
La manoeuvre, observe une source européenne, « traduit une volonté de se projeter dans la décennie sans attendre la hypothetical vague d’annulations de dettes discutée dans certains forums ». Entre prudence comptable et affirmation stratégique, le gouvernement camerounais cherche donc à marier réalisme financier et projection de puissance douce. Une équation complexe, certes, mais nourrie par un indice simple : l’économie camerounaise a déjà démontré, lors des chocs de 2020, sa résilience face aux crises successives. Pour 2026, Yaoundé espère transformer cette résilience en levier de confiance, condition première d’une levée de capitaux réussie.