Une progression mondiale enfin stabilisée
Le communiqué conjoint diffusé le 15 juillet par l’Organisation mondiale de la santé et le Fonds des Nations unies pour l’enfance fait état de 115 millions d’enfants ayant reçu la série complète du vaccin diphtérie-tétanos-coqueluche (OMS-UNICEF, 2024). Cet indicateur, scruté par les chancelleries comme un thermomètre de la résilience post-pandémique, représente 171 000 enfants de plus qu’en 2023. Il témoigne d’un retour à la dynamique ascendante interrompue par la Covid-19, confirmant que la santé publique reste un outil structurant du multilatéralisme.
La diplomatie sanitaire à l’épreuve des budgets
Si le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, salue « le pouvoir salvateur des vaccins », il met en garde contre les coupes dans l’aide publique au développement et la prolifération de désinformation. Ces deux variables se nourrissent mutuellement : la contraction budgétaire fragilise les chaînes d’approvisionnement, tandis que les campagnes hostiles aux vaccins exploitent la moindre pénurie pour instiller le doute. Pour les partenaires techniques et financiers, la question n’est plus seulement médicale : elle devient stratégique, car l’érosion de la confiance vaccinale peut reconfigurer des équilibres régionaux entiers.
L’Afrique centrale en première ligne
Dans une bande sahélienne fragilisée par des crises sécuritaires, l’Afrique centrale fait figure de laboratoire d’adaptation. Au Congo-Brazzaville, la couverture DTC3 avoisine aujourd’hui 83 %, selon les données triangulées du Programme élargi de vaccination et des partenaires bilatéraux. Le gouvernement a investi dans la rénovation des dépôts frigorifiques de Brazzaville et de Pointe-Noire, tout en déployant des unités mobiles vers la Likouala et la Sangha. Ces efforts, soutenus par l’initiative COVAX et un partenariat actif avec la Banque de développement des États d’Afrique centrale, ont permis de contenir la proportion d’enfants « zéro dose » à moins de 6 %.
Quand le tétanos rejoint la géo-économie
Au-delà de l’enjeu sanitaire, l’immunisation se convertit en argument de compétitivité. L’Agence de notation panafricaine remarque que les pays maintenant une haute couverture vaccinale voient leur prime de risque sanitaire se réduire, avec des répercussions directes sur le coût d’emprunt souverain. Dans ce contexte, Brazzaville a intégré les indicateurs DTC à la matrice de performances macro-budgétaires discutée avec ses partenaires internationaux. L’alignement entre politique sanitaire et stratégie de financement extérieur conforte la stabilité voulue par le président Denis Sassou Nguesso, régulièrement attaché à l’idée d’une « diplomatie de la santé pour la croissance ».
Le défi persistant des 14 millions d’enfants oubliés
Malgré la tendance positive, plus de 14,3 millions d’enfants demeurent exclus de toute vaccination de routine. Ils se concentrent dans des poches urbaines très denses, des zones frontalières disputées et des communautés déplacées. Leur situation complique la trajectoire vers l’Agenda 2030 pour l’immunisation, qui exige d’abaisser ce total d’au moins quatre millions dès 2024. Catherine Russell, directrice générale de l’UNICEF, rappelle que « nul enfant ne devrait mourir d’une maladie évitable », martelant l’urgence de réponses flexibles : renforcement des effectifs communautaires, logistique de dernier kilomètre et dialogue avec les leaders religieux afin de couper court aux rumeurs.
Un multilatéralisme d’innovation et de proximité
Face à ces défis, l’OMS promeut un modèle opérationnel privilégiant la co-conception locale. Au Congo-Brazzaville, un protocole d’accord tripartite associe le ministère de la Santé, l’OMS et la Fondation congolaise pour la recherche médicale. L’objectif : déployer des capteurs de température reposant sur l’Internet des objets, afin de sécuriser la chaîne du froid sur plus de 1 200 km entre le port de Pointe-Noire et les zones enclavées du Nord. Ce type d’innovation incrémente la confiance des bailleurs et illustre la capacité des États africains à piloter des projets technologiques sur leur sol.
Cap sur 2030 : faire de l’équité vaccinale un levier de stabilité
L’année 2024 marque donc un palier décisif : le retour à une croissance régulière du nombre d’enfants protégés, malgré un environnement financier volatil. Pour maintenir cette dynamique, les diplomaties devront articuler trois dimensions : sécuriser les financements, contrer la désinformation et investir dans la résilience des systèmes de santé. L’expérience congolaise démontre qu’une gouvernance concertée, alliée à une volonté politique soutenue, peut rapprocher les objectifs globaux de la réalité locale. À l’horizon 2030, l’équité vaccinale pourrait devenir, plus qu’une ambition humanitaire, un paramètre essentiel de la stabilité internationale.