Cap sur la sécurité alimentaire dans un environnement sous pression
Au cœur du Bassin du Congo, territoire stratégique pour l’équilibre climatique planétaire, la dynamique démographique et la variabilité météorologique exercent une tension constante sur la sécurité alimentaire. Dans ce contexte, Brazzaville a fait le choix d’une approche anticipative, privilégiant le renforcement des capacités plutôt qu’une gestion exclusivement réactive des crises. Le ministère des Affaires sociales, de la solidarité et de l’action humanitaire s’est doté d’une feuille de route qui épouse les grands objectifs de l’Agenda 2063 de l’Union africaine et de l’Agenda 2030 des Nations unies. Doter les structures déconcentrées de compétences et d’infrastructures adaptées apparaît désormais comme une condition sine qua non à la consolidation de l’État providence congolais.
Une coopération bilatérale adossée au multilatéralisme onusien
Le tête-à-tête organisé le 3 juillet à Brazzaville entre la ministre Irène Marie-Cécile Mboukou-Kimbatsa et le représentant du Programme alimentaire mondial, Gon Meyers, illustre la place croissante qu’occupe la diplomatie humanitaire congolaise au sein des enceintes multilatérales. Le représentant onusien a rappelé « la nécessité d’offrir aux structures déconcentrées les outils leur permettant de riposter plus rapidement ». Cette vision s’inscrit dans la droite ligne des résolutions de l’Assemblée générale des Nations unies relatives au renforcement de la coordination humanitaire. Pour Brazzaville, la coopération avec les agences spécialisées reste un levier déterminant, à la fois pour élargir l’espace budgétaire consacré aux urgences et pour crédibiliser l’action publique auprès des partenaires techniques et financiers.
Décentraliser la logistique pour accélérer la riposte
Au-delà des engagements politiques, la rapidité d’intervention dépend d’infrastructures tangibles : entrepôts, flottes de véhicules tout-terrain, bases d’évaluation mobiles. À Kindamba dans le Pool, ainsi qu’à Bétou et Impfondo dans la Likouala, le PAM dispose déjà de plateformes de stockage susceptibles d’être transférées au ministère congolais. Ce maillage logistique offre un avantage comparatif : les corridors fluviaux et routiers qui irriguent ces localités facilitent la distribution de vivres, même durant les saisons de hautes eaux. Le gouvernement mise sur cette décentralisation pour réduire le temps de réponse, objectif stratégique dans un pays où certaines zones forestières demeurent difficiles d’accès. En dotant les directions départementales d’équipements normalisés, Brazzaville cherche aussi à instaurer une culture de la gestion des risques, articulée autour de protocoles d’alerte précoce et de plans d’urgence concertés.
Femmes rurales et cantines scolaires, leviers de cohésion sociale
Au Congo, l’agriculture familiale génère près de 70 % des denrées consommées localement. En impliquant les groupements féminins dans l’approvisionnement des cantines scolaires, les autorités donnent corps à une économie circulaire où l’achat institutionnel devient vecteur d’autonomisation. Cette stratégie répond à plusieurs impératifs : amélioration de l’assiduité scolaire, accroissement des revenus ruraux et réduction de la dépendance aux importations. Selon des estimations du PAM, un franc investi dans les cantines peut générer jusqu’à trois francs de valeur ajoutée au niveau local. En favorisant la contractualisation entre les coopératives dirigées par des femmes et les écoles, Brazzaville contribue à ancrer la paix sociale dans les zones de l’intérieur, souvent confrontées aux effets conjugués de la variabilité climatique et de l’isolement économique.
Respect des droits des peuples autochtones, pierre angulaire de l’Agenda 2030
Le Congo demeure l’un des rares États africains à avoir promulgué, dès 2011, une loi spécifique consacrée à la protection des populations autochtones. L’entretien du 3 juillet a réaffirmé l’engagement commun du gouvernement et du PAM à inscrire ces communautés au cœur des dispositifs d’assistance alimentaire. L’enjeu n’est pas seulement humanitaire, il est également culturel et environnemental : la préservation des savoirs autochtones s’avère indispensable à la gestion durable des forêts du bassin du Congo. L’approche inclusive prônée par Brazzaville consiste à associer les représentants autochtones aux comités locaux de gestion des stocks, afin de garantir une allocation équitable des ressources et de prévenir les tensions intercommunautaires.
Vers un modèle congolais de diplomatie humanitaire
À l’heure où les crises se superposent – sanitaires, climatiques, sécuritaires – le Congo-Brazzaville entend se positionner comme un laboratoire régional de résilience. La stratégie de renforcement des capacités, soutenue par le PAM, pourrait servir de matrice pour d’autres pays d’Afrique centrale en quête d’une gouvernance humanitaire plus agile. Sur le plan diplomatique, cette posture renforce la crédibilité du pays dans les forums multilatéraux, tout en consolidant son statut de pôle de stabilité au cœur de la sous-région. La prise en main progressive des infrastructures logistiques, l’intégration des femmes productrices dans les circuits institutionnels et l’inclusion des peuples autochtones forment les trois piliers d’un modèle congolais qui conjugue sécurité alimentaire, cohésion sociale et souveraineté renforcée. À terme, cette articulation pourrait devenir un marqueur distinctif de la diplomatie congolaise, démontrant qu’une approche pragmatique, adossée à des partenariats ciblés, constitue le meilleur antidote aux urgences humanitaires récurrentes.