Une tournée australafricaine au rythme de l’agenda Unesco
En moins d’une semaine, du 21 au 25 juillet, la diplomatie congolaise a sillonné cinq capitales d’Afrique australe pour défendre la candidature de Firmin Édouard Matoko au poste de directeur général de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture. Jean-Claude Gakosso, ministre des Affaires étrangères, a porté un message signé de la main du président Denis Sassou Nguesso, insistant sur « l’impérieuse nécessité d’un leadership africain expérimenté à la tête de l’Unesco », selon un conseiller ayant participé à l’entretien de Luanda. La méthode, directe et personnalisée, tranche avec les campagnes épistolaires plus classiques observées lors des scrutins antérieurs.
Luanda, Harare, Gaborone : l’argument de l’expertise
Première halte, Luanda. Le souvenir encore vif du partenariat énergétique Congo-Angola a offert un terrain fertile à la cause congolaise. D’après une source diplomatique angolaise, Gakosso a mis en avant « les 23 ans de gestion de programmes éducatifs de Matoko », un capital d’expérience jugé décisif face à des candidatures parfois plus politiques que techniques.
Le même raisonnement a été déroulé à Harare et à Gaborone, où les autorités ont été sensibles à l’idée d’un candidat africain capable de concilier rigueur administrative et compréhension des urgences éducatives régionales. Le ministre congolais a souligné la proximité intellectuelle entre Matoko et la stratégie continentale d’éducation adoptée par l’Union africaine, arguant que cette cohérence programmatique garantirait des retombées mesurables pour les États membres.
Port-Louis, carrefour stratégique de l’océan Indien
C’est à Port-Louis que la séquence australe s’est achevée. Reçu avec les honneurs protocolaires par le président mauricien Dhananjay Ramful, Jean-Claude Gakosso a rappelé la longue tradition d’amitié tissée par Brazzaville avec les États insulaires de l’océan Indien depuis les années 1990. Selon un diplomate mauricien, l’entretien a mis en exergue la dimension maritime de l’éducation au développement durable, thème cher à l’archipel et inscrit dans le plan d’action défendu par Matoko.
La diplomatie congolaise a ici joué la carte d’un solidarisme insulaire-continental : Port-Louis, carrefour entre l’Afrique et l’Asie, pourrait servir de relais pour convaincre plusieurs capitales de la région Indo-Pacifique, où le vote africain est souvent perçu comme un thermomètre d’équilibre géopolitique.
Matoko, visage d’une diplomatie culturelle africaine
Originaire d’Owando, ancien secrétaire adjoint en charge de l’Afrique au sein de l’Unesco, Firmin Édouard Matoko a supervisé des programmes aussi variés que le Fonds international pour la promotion de la culture et l’initiative « Education First ». Son profil conjugue expérience administrative, connaissance fine des mécaniques de financement multilatéral et sensibilité aux enjeux linguistiques, atouts que Brazzaville ne cesse de mettre en exergue.
Dans les échanges, Gakosso évoque régulièrement « la convergence entre multilatéralisme culturel et renforcement de la francophonie », soulignant que la candidature Matoko ne constitue pas un projet exclusivement national mais bien un vecteur d’influence pour l’ensemble du continent.
Congo-Brazzaville, vecteur d’une cohésion continentale
La démarche congolaise s’inscrit dans une tradition d’engagement panafricain incarnée par les médiations régionales conduites de longue date par le président Sassou Nguesso. En plaidant pour un candidat unique ou, à défaut, largement consensuel, Brazzaville entend limiter la dispersion des voix africaines observée lors des scrutins internationaux précédents.
À chaque étape, le message présidentiel insiste sur l’importance de la solidarité Sud-Sud et sur la nécessité pour le continent de parler d’une seule voix dans les institutions spécialisées des Nations unies. Cette rhétorique s’adosse à la conviction que l’expertise africaine, longtemps périphérique, peut désormais prétendre à la gestion centrale des agendas onusiens.
Prochain cap : la diplomatie de proximité en Afrique de l’Ouest
Dès le 27 juillet, le Premier ministre Anatole Collinet Makosso prendra le relais, emmenant la campagne à Libreville, Abidjan, Abuja, Ouagadougou, Monrovia et Djibouti. Ce passage de témoin vise à maintenir le rythme sans épuiser le capital d’écoute accumulé. Selon un membre de la cellule stratégique, la présence d’un chef de gouvernement permettra « d’ouvrir des canaux économiques, complément indispensable au discours culturel ».
L’équipe congolaise mise notamment sur le poids démographique du Nigéria pour créer un effet d’entraînement au sein de la CEDEAO, tandis que le soutien de Djibouti, siège régional de plusieurs agences onusiennes, conférerait une valeur symbolique forte. Si le scrutin final n’interviendra qu’en 2025, Brazzaville veut verrouiller dès à présent un socle de voix qui pourrait faire la différence au conseil exécutif.
Au-delà des calculs, cette campagne révèle le visage volontaire d’une diplomatie congolaise décidée à conjuguer soft power culturel et maillage politique, dans une posture qui entend servir l’intérêt continental autant que la légitime ambition nationale.